mercredi 26 décembre 2012

Dans la bibliothèque adulte

... juste un petit état des lectures depuis septembre, de quoi me dire que oui, je lis de l'adulte, aussi, de quoi aussi noter les livres que je n'ai pas billetés, les livres aussi qui ne m'ont pas trouvée, pour un temps ou pour toujours... en attente de billets.


quelques livres me sont tombés des mains:
- "Demande à la poussière" de John FANTE... et pourtant, pourtant, dès que je le reprends j'aime certains passages, mais le début a été difficile... il me faut le reprendre du début.
- "La Complainte des enfants frivoles" d'Alexandre VIALATTE... je n'arrive pas à rentrer dedans
- "L'histoire d'une solitude" de Milan FÜST, lu d'un bout à l'autre sans être touchée
- "La question Finkler" d'Howard JACOBSON, bah, je ne sais pas pourquoi

D'autres qui m'ont laissé une forte impression, très émotionnelle, dont il me faudra parler mais une fois que la lecture sera moins troublée par mon propre ressenti. IL y a aussi, entre autre, cette relation à la transmission, à la valeur du partage, de l’interrogation, de la critique.
- "G229" de Jean-Philippe BLONDEL
- "Chagrin d'école" de Daniel PENNAC

Et puis ceux aussi dont je parlerais plus tard...
- "La folle allure" de Christian BOBIN magnifique souffle d'air pur
- "L'Année de la pensée magique " de Joan DIDION, autobiographie d'une année de deuil, entre ressenti, ressources neurologiques, psychologiques, sociologiques et littéraires et très belle mise en lumière de la souffrance, de la douleur, du deuil, de l’apitoiement et de l'affliction.
- "L’histoire de Pi" de Yann MARTEL (lu en format jeunesse mais même texte qu'en version adulte) sur l'animalité et la religion (les religions: hindoue, musulmane et chrétienne) comme ressource.
- "A l'angle du renard" de Fabienne JUHEL, auteur qui me donne toujours un frémissement de l'échine...

lundi 24 décembre 2012

Les Mellops fêtent Noël

 *Tomi UNGERER (et ici pour avoir une idée de l'histoire)

Joyeux Noël à tous!!

Cartes, voyage parmi mille curiosités et merveilles du monde

Vous n'avez jamais rêver faire le tour du monde? Moi si, j'aurais aimé prendre un chemin de traverse qui m'aurait emmenée loin, de par les routes, d'un hameau à l'autre. J'aurais été polyglotte et comme un "Quelqu'un" je serais allée de par les pays en peu comme un oiseau migrateur, mais sur le sol.
Pour continuer le rêve, plusieurs solutions s'offrent à vous, à moi. Lire des journaux de bord d'explorateurs, scientifiques ou cartographes, suivre les carnets de route des globetrotteurs des temps modernes ou vous extasier devant des livres de géographie, de photographies de pays, de peuples, de coutumes...
Maintenant vous avez un autre choix, à partager avec votre enfant, une cartographie illustrée. "Cartes, voyage parmi mille curiosités et merveilles du monde" d'Aleksandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIELINSKI ne vous offrira qu'une frustration avec sa mappemonde comme sommaire: ne pas avoir tous les pays présentés.

© Aleksandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIELINSKI/ Rue du monde

Chaque carte apporte une géographie sommaire (frontières, montagnes, lacs, fleuves principaux, glaciers) et des informations sur chaque pays: la surface, la population, la langue, le nom du pays dans la langue originale et le drapeau.
Mais c'est surtout dans le reste des détails que le travail du couple est phénoménal. 

Vous y trouverez les activités touristiques les plus connues, les monuments célèbres... l'architecture et les ingénieries particulières (écluses par exemple) mais aussi des lieux naturels: le Grand Canyon américain; le "chemin de l'ours", sentier de randonnée finnois; Saint-Jacques de Compostelle en Espagne; la tête de Décébale en Roumanie; le Kilimandjaro.

© Aleksandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIELINSKI/ Rue du monde

Les grandes exploitations, agroalimentaire, industrielle, de minerai, apparaissent mais la nature a une place très importante, la faune et la flore typiques sont croquées. Ils n'y a pas d'ailleurs que les plus connus: le chien viverrin, le binturung, l'ourson coquau se font connaître. Les arbres reprennent une place aussi avec les parcs nationaux et les forêts primaires préservées.

© Aleksandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIELINSKI/ Rue du monde

Et puis une approche culturelle du pays, cela commence par les costumes traditionnels, les prénoms les plus communs mais aussi les personnages célèbres (peintres nombreux aux Pays-Bas et en Belgique par exemple, scientifiques, écrivains, philosophes, guerriers Viking, Gengis Khan),

© Aleksandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIELINSKI/ Rue du monde

une illustration de leur œuvre et aussi quelques personnages fictifs bien connus (Dracula se resitue dans son Château de Bran roumain, le loch Ness trouve sa géographie en plus de son monstre, Fifi brandacier retrouve son auteure...).

Et puis, comme si nous y étions, la carte gustative se déploie avec les mets locaux spécifiques. Le boeuf stroganoff, les cabanes à sucre, le khubz, le rasam, l'oshifima etc...

C'est un peu une illustration d'un guide touristique avec des dessins très amusants et de multiples détails culturels.

Jouons ensemble... autrement

Pardon? Vous n'avez pas encore acheté ce qu'il faut sous le sapin pour les enfants de votre entourage? Mince alors! Il va sans dire que je ne peux que vous encourager à offrir des livres mais si vous voulez plutôt lui permettre de s'activer, de jouer avec les mains, de partager avec vous à même intensité d'investissement. Pas de problème, les jeux sont là!


"Jouons ensemble... autrement" de Catherine DUMONTEIL-KREMER est une bible dans le domaine.
Alors oui vous trouverez une liste de références ludiques, des marques, des âges, des lieux de jeu. Sans photos. Mais en plus, vous trouverez des pistes de jeux familiaux qui ne demande aucun matériel ou disponible dans toutes les maisons, ainsi que des idées de jeux collaboratifs.

Mais plus encore c'est toute une éducation ludique qui vous est proposée. Une manière d'être en famille, il faut bien l'avouer... alternative. Catherine DUMONTEIL-KREMER est une des chefs de ligne de la pédagogie respectueuse.
Ainsi le jeu devient une formule magique pour le quotidien avec enfant.
Il permet de répondre aux colères de l'enfant qui ne sont en fait que des appels au secours par du contact, de la présence... et après le rire défouloir, une porte ouverte vers l'écoute et la communication entre les mots ou avec les mots.
Le jeu permet de répondre aux agressivités, aux limites dures à entendre, par le chahut: cette mise en place sécurisée de la bataille, de l'inversion des pouvoirs, de la sensation de force.
Encore mieux, il nous accompagne dans la pose de limites, c'est un comble du paradoxe: dire oui au jeu pour dire non! Bien-sûr je n'arrive pas encore à remplacer toutes mes hausses de tons par de la théâtralisation, par une pirouette, mais savoir que c'est une alternative pour du respect (sans fessée, sans punition ni récompense) cela aide. Même le non de l'enfant peut être écouté avec le jeu "1.2.3 soleil alternatif": à soleil, le parent arrête son action déplaisante à l'enfant... pour la reprendre ensuite et s'arrêter à nouveau à soleil, cela permet de dédramatiser un acte obligatoire et vécu comme agressif.
Le jeu est un très bon moyen de remplir le réservoir affectif de l'enfant et ainsi de sortir des impasses relationnelles dues au trop plein d'émotions de la journée.

dimanche 23 décembre 2012

L'animal est un animal, essentiellement et pratiquement distinct de nous


"Mais j'ai appris à mes dépens que papa estimait qu'il y avait un animal encore plus dangereux que nous, un animal qui d'ailleurs était extrêmement commun, présent sur tous les continents, dans chaque milieu: la redoutable espèce Animalus anthropomorphicus, l'animal tel que perçu par les yeux de l'homme. Nous en avons tous rencontré un, peut-être même en avons-nous possédé un. C'est un animal qui est "mignon", "amical", "aimant", "fidèle", "joyeux", "compréhensif".  Ces animaux sont tapis dans chaque boutique de jouets et dans chaque zoo pour enfants. Les histoires à leur sujet sont innombrables. Ils sont le contrepoids des animaux "vicieux", "sanguinaires", "dépravés" qui soulèvent la rage des maniaques que je viens de mentionner et qui déchargent leur agressivité à coups de canne et de parapluie."

extrait de "L'histoire de Pi" de Yann MARTEL

(soit ne pas se fier à l'univers de Tippi DEGRE)

mardi 18 décembre 2012

La pêche à la lune

Je suis Marraine. C'est encore un rôle que je ne maîtrise pas. En attendant de trouver mes marques, je continue à apporter à ma filleule des petits bouts d'attention. Via les rennes en course ou en vol, traineau avec son grand-bonhomme habillé de rouge derrière ou tiré par des chiens dans la neige, vol d'oiseau, galerie souterraine de taupe ou... via la poste.
J'ai choisi un petit moment de poésie pour la petite demoiselle, moins de 3 ans. Juste une histoire du soir, peu longue, avec juste un élément mais doux comme un câlin. Alors oui j'aurais pu tabler sur une valeur sûr comme Arnold LOBEL, par exemple "Hulul et la lune" ou tout autre histoire d'Hulul d'ailleurs, Kitty CROWTHER avec "Scritch scratch dip clapote" ou un petit Rascal... mais j'ai opté pour une lecture encore plus simple, une ou deux phrases par page, sans perdre l'idée d'instant précieux, soit Claude K.DUBOIS avec "La pêche à la lune".

© Claude K.DUBOIS/ Lutin poche

Momo s'énerve. Aujourd'hui rien ne va, le bol de chocolat du petit déjeuner s'est renversé, les copains sont partis sans lui, le doudou est en pleine lessive... Heureusement Papy est là et va lui proposer une escapade poétique. Pour pêcher la lune, il faut du matériel, du temps, du partage.

© Claude K.DUBOIS/ Lutin poche

Le crayonné de Claude K.DUBOIS est toujours aussi beau, doux, câlin et tendre. Ses grenouilles à peine colorées sont prises dans le décor, un peu fouillis des lacs, des roseaux... C'est brumeux comme dans un rêve.
Le livre existe en deux formats, cartonné et plus petit en souple.

dimanche 16 décembre 2012

Le lutin/tomte d'Astrid LINDGREN

*source illustration Harald WIBERG

Le tomte est devenu lutin...


Le texte d'Astrid LINDGREN illustré en version originale par Harald WIBERG est maintenant accessible en français, illustré par une de mes illustratrices préférées Kitty CROWTHER... 

C'est un texte d'actualité à ne pas manquer donc! De quoi ramener un lutin de plus à la maison

James SALTER

... dire l’indicible, le friable...
parce qu'Anne, j'aime quand tu me donnes envie de lire...

lundi 10 décembre 2012

Requin-baleine

"Requin-baleine ou comment naissent les petits frères, les petites sœurs et les étoiles filantes" d'Alex COUSSEAU et illustré par Aurélie GRANDIN est encore une magnifique proposition de la collection Trimestre des éditions Oskar. Je vous ai dit tout le bien que je pensais de ces tous petits livres et c'est rare qu'ils ne rejoignent pas la maison, surtout quand en plus c'est Alex COUSSEAU qui régale.

© Alex COUSSEAU et Aurélie GRANDIN/ Oskar

Maud est chez sa grand-mère. Ses parents l'y ont laissée parce que sa maman va accoucher cette nuit. Maud est pétrie de toute sorte d'émotions. En regardant un documentaire sur le requin-baleine, une capture, un sauvetage et un enfermement dans un aquarium, elle est anxieuse, curieuse et attentive. Comme pour l'arrivée de sa petite sœur ou de son petit frère. Elle ne veut pas manger, ne veut pas aller dormir. Sa grand-mère lui propose de passer cette nuit d'été dehors.
C'est alors un partage générationnel d'émotions. Cette peur de la vie fragile mais aussi toutes ces questions dont on ne connait pas la réponse... et ses réponses qui donnent le sourire aux lèvres.

© Alex COUSSEAU et Aurélie GRANDIN/ Oskar

Comme à chaque fois, le parti-pris de cette collection trimestre est de ne pas illustrer les paroles comme pour un album jeunesse normal. C'est ainsi qu'Aurélie GRANDIN offre là plus des dessins croqués, mis en couleur mais aussi abordables avec plus de temps par les plus jeunes. Qu'à cela ne tienne, ce bleu de l'eau, de la nuit qui vient, offre avec ces emmêlages de Maud, de sa grand-mère et du requin-baleine, des moments d'onirisme.

Magnifique "album" émouvant et questionnant.

Les lettres de l'ourse

"Les lettres de l'ourse" de Gauthier DAVID et illustré par Marie CAUDRY est une perle à lire très vite aux enfants.

© Gauthier DAVID et Marie CAUDRY/ Autrement jeunesse

L'ourse est très amie avec un oiseau. Seulement l'hiver approche et il a dû migrer vers le sud et son île chaude. L'ourse n'a pas le cœur d'hiberner, c'est décider, elle part le rejoindre.
Elle écrit tous les jours à son ami et laisse le vent porter les lettres.

Nous la suivons ainsi pendant son voyage. De pas à pas, lettre après lettre. Dans le voyage, il y a l'enthousiasme, la solitude, l'angoisse, les découvertes et les rencontres. En marchant, l'ourse se fait des amis, pense à envoyer un pot de miel et partage ses émotions pour son ami, l'oiseau.

© Gauthier DAVID et Marie CAUDRY/ Autrement jeunesse

"Mon oiseau,

J'ai été prise dans le filet de pêche d'un marin.
Heureusement, une sirène l'a envoûté. Il s'est jeté à l'eau pour l'embrasser et a relâché son filet.
Elle m'a sauvé la vie!
Je lui enverrai un pot de miel pour la remercier. Elle n'en a jamais goûté. Elle ne mange que des algues trop salées.

A bientôt mon cher,
Ton Ourse toute trempée"

Il y a aussi cette relativité des choses, les animaux se cachent, la guerre gronde quelque part, et puis les sensations hivernales, les souvenirs ne sont pas les mêmes.
Cet album est un véritable hymne au partage et à l'amitié.

© Gauthier DAVID et Marie CAUDRY/ Autrement jeunesse

Les illustrations de Marie CAUDRY sont magnifiques, douces et et texturées. Ses animaux sont superbes et j'ai un vrai coup de cœur pour le travail de traits, de hachures qui, en plus, des couleurs apporte une dimension tactile. Les paysages sont ainsi aussi végétales que minérales, liquides, faunesques ou humains, surtout avec les ombres de la forêt.

L'été de Garmann

"L'été de Garmann" de Stian HOLE est un album magnifique à mettre aux pieds du sapin. Et, quelle chance, il a des suites "La rue de Garmann" et "Le secret de Garmann".

© Stian HOLE/ Albin Michel Jeunesse

Garmann a peur de rentrer au CP. C'est la fin de l'été et les tantines sont de visites. Elles sont vieilles et apportent avec elles leurs petits et moyens maux et leurs joie de vivre.
Lors de cet après-midi d'été, le garçon se rend compte que les enfants ne sont pas les seuls à avoir peur. Les tantes pensent à la mort et à la vieillesse avec poésie et sans rancœur... le papa parle de ses absences professionnelles et de son trac de musicien, la maman de ses peurs pour Garmann mais aussi d'autres plus frivoles.

© Stian HOLE/ Albin Michel Jeunesse

La vie apporte là de petits instants précieux et taquins, un dentier dans un verre d'eau, un skate comme déambulateur mais surtout de très beaux moments de poésie à qui sait regarder... des poils sur le menton d'une vieille tante mais aussi une veine bleue que l'on peut suivre comme un aveugle du bout du doigt.
Les préoccupations enfantines, perdre une dent de lait, ne pas savoir nager, rentrer au CP, deviennent comme des moments précieux, d'étape dans une vie.

© Stian HOLE/ Albin Michel Jeunesse

Les illustrations de Stian HOLE sont déconcertantes. Des photographies retouchées et des dessins mettent en scène de manière assez surréaliste la vie de Garmann, comme monter dans un bus scolaire accompagné de sa maman Grace de Monaco et y retrouver Elvis Presley entre autres musiciens et autres personnages "culturels". Le jardin, avec ses plantes, ses oiseaux et ses insectes a une part importante dans l'album, presque comme tableau de la temporalité... la fragilité de la vie d'un moineau ou d'une guêpe, des feuilles qui tombent.

Cet album est magnifique. Plein de poésie, il parle de questions sensibles sans mièvrerie et surtout donne un sacré entrain pour la vie et cette part de l'enfance aux multiples découvertes.

vendredi 7 décembre 2012

L'hiver


... pour tous les loups, apprivoisés ou restés sauvages... pour tous ceux que je ne pourrais jamais rencontrer dans la forêt...

Pagaille

"Pagaille" d'Edward VAN DER VENDEL et illustré par Carll CNEUT est un petit roman illustré qui fait du bien. Il apporte bonne conscience.

© Edward VAN DER VENDEL et Carll CNEUT/ Rouergue

Solal est un garçon bizarre. Il est un peu mis sur la touche, premier de la classe avec un bandeau en rééducation d'un œil paresseux. Il écrit l'histoire de cet été-là pour être lu d'une petite nouvelle à l'école, Lotus.
Solal suit souvent ses grands-parents dans le jardin potager ouvrier. Il a une cabane sous le pont de la voie ferrée et le plus souvent possible il y joue seul. Jusqu'au jour où deux enfants le trouvent. Solal sait que ses jeux et sa tranquillité sont finis. Ils vont se moquer en plus.
"L'une des mains a tapoté un des sièges.
"Moi peux?" a demandé le garçon.
"Oui, assieds-toi."
Je connais la musique: ne pas compliquer les choses, ne pas râler. Comme ça le temps passe plus vite. Comme ça on oublie tout plus vite.
[...] Peut-être que j'ai une chance de m'en tirer."
Mais ce sont les deux garçons qui ont eu peur de lui, les deux garçons noirs. Ils ont peur du rouge et du noir: "Kiko et Flamme venaient de loin. Leur pays était loin et ils étaient loin de leur pays. [...] Leur pays est noir et rouge, noir à cause de la guerre, rouge à cause du sang." Ils sont clandestins et vivent pour l'instant dans une cabane du jardin ouvrier.
Ils deviennent amis et découvrent aussi Pagaille. Elle n'existe pas, ou pas vraiment. "Elle n'existe pas pour de vrai. C'est un esprit. Un petit fantôme ou un ange. Une sorte de rêve peut-être. On ne la voyait pas, ça faisait bizarre. On entendait sa voix, ça faisait encore plus bizarre." Grâce à Pagaille, les sujets difficiles sont explicités, doucement, par des jeux, anodins ou très révélateurs. La vie de Kiko et Flamme, la différence avec celle de Solal, leur point commun, aussi.

© Edward VAN DER VENDEL et Carll CNEUT/ Rouergue

A travers les chapitres destinés à Lotus, le harcèlement des enfants apparait en filigrane mais aussi, et surtout, l'ouverture d'esprit et la tolérance d'autres enfants, leur capacité à parler aussi de l'indicible. La capacité a gardé un secret.

Le texte est porté par les illustrations toujours aussi particulières de Carll CNEUT. Au fil des pages, les jeux des enfants mais aussi des images d'un passé douloureux. Subtile et efficace.
Une autre illustration ici.

Le nez

"Le nez" d'Olivier DOUZOU est une histoire de fous. Une histoire de nez bouchés, pile d’actualité par les temps qui courent, non?!

© Olivier DOUZOU/ Memo

Nez se réveille un matin et, bouché, il décide de prendre l'air. Il rencontre un bouton qui se prenait pour un nez et ensemble vont trouver le grand mouchoir pour les désencombrer.
Dans leur voyage, ils rencontrent d'autres nez, trompe, groin, bec, nez de clown, de tamanoir, de Pinocchio. Ils chercheront des astuces pour se moucher ou éternuer.
Nez nous raconte son périple mais les mots sont déformés ce qui va amener la troupe à de nombreux quiproquos.

"Guand on z'est abbrochés
on s'est rendu gompte gue z'était
des mouses de baches.
Za debait sendir bauvais
y'abait des bouches."

© Olivier DOUZOU/ Memo

En dehors de cet effet de style et de l'histoire qui pourrait être simple, la lecture est désopilante. Elle demande de l'attention pour bien prendre le coup du nez bouché. Les jeux de mots sont savoureux et les illustrations apportent la réalité aussi surréaliste que le récit.

jeudi 6 décembre 2012

La rue qui ne se traverse pas

"La rue qui ne se traverse pas" d'Henri MEUNIER et illustré par Régis LEJONC est un livre très grand format, comme un gratte-ciel, mais même s'il a du mal à rentrer dans la bibliothèque, faites-lui une place.

© Henri MEUNIER et Régis LEJONC/ Notari

"Elle habitait au cœur de la rue qui ne se traverse pas, fenêtre sur rue. Lui vivait juste en face, fenêtre sur elle." Dans cet urbanisme qui prive les hommes de communication, elle et lui se regardent, ne font presque que cela et rêvent de l'amour.

"Est-il possible de s'aimer pour l'éclat d'un regard?
Est-il possible de s'aimer quand le vide et les rêves vous séparent?"

Sont-ils amoureux? Peut-être. Ce n'est pas le plus important. Les moineaux sont nourris par elle, ils parlent de liberté à lui. Par leur vol d'une fenêtre à l'autre, des rêves d'amour, des rêves de complicité, des rêves de partage.

Il est question de ce sentiment amoureux, de ce frisson qui attire même si l'on ne se connait pas. Mais bien plus que cela, il parle de liberté et de rêve. La ville, agglomérée, sans nature, est vide de sens et de partage. Les rêves des enfants ne sont pas encore cloisonnés, ne répondent pas encore au dictat sociétal. Il leur est impossible de se parler... bah, ils vont faire mieux, s'aimer.... peut-être se retrouver.
Entre les lignes, c'est un peu de tolérance qui se tricote... ne pas se connaître, ne pas se ressembler et pourtant être sûr qu'il a partage possible.

© Henri MEUNIER et Régis LEJONC/ Notari

Les illustrations de Régis LEJONC sont comme ouatées. Des grattes-ciel, une ville grise, noire et marron. Les appartements semblent plus réconfortants mais même si les fenêtres sont grandes ouvertes, les intérieurs restent sombres. La lumière est celle de début et de fin de journée, l'heure de leurs échanges. Les illustrations sont magnifiques, surtout les enfants, surtout leurs sourires timides et leurs rêves.

Et puis un détail, ce livre redonne leurs "ailes" de noblesse aux moineaux, oiseaux ingrats des villes.

La boîte à fêtes


"Un soir, l'écureuil et la fourmi étaient assis sur la branche la plus haute du hêtre. Il faisait chaud et le calme régnait tandis qu'ils contemplaient les cimes des arbres et les étoiles. Ils avaient mangé du miel et discuté du soleil, du bord de la rivière, de lettres et de pressentiments.
"Je vais conserver cette soirée, dit la fourmi. Tu es d'accord?"
L'écureuil la regarda avec étonnement.
La fourmi lui montra une toute petite boite noire.
"J'y ai mis l'anniversaire de la grive, aussi", dit-elle.
"L'anniversaire de la grive? répéta l'écureuil.
"Exactement", dit la fourmi et elle sortit l'anniversaire de la petite boite. Et ils se remirent à manger du gâteau aux châtaignes et à la crème de baies de sureau, et à danser pendant que le rossignol chantait et que la luciole s'allumait et s'éteignait, et ils virent à nouveau le bec de la grive briller de joie. C'était le plus bel anniversaire qu'ils puissent se rappeller.
La fourmi le rangea dans sa petite boite.
"Et j'y mets cette soirée, aussi, dit-elle. Il y a déjà beaucoup d'autres choses dedans." Elle ferma la petite boite, salua l'écureuil, et rentra chez elle."

(extrait de "L'anniversaire de l'écureuil" de Toon TELLEGEN et illustré par Kitty CROWTHER, je vous en parle bientôt)

mercredi 5 décembre 2012

L'hiver


Au Salon du livre jeunesse de Montreuil 2012, les illustrations m'ont fait de l’œil.... La maison d'édition CORENTIN me donnait des envies d'achat... mais en ce moment, je me méfie un peu des adaptations de contes....
Et pourtant ils ont pris une nouvelle saveur depuis que je sais qu'ils ont été les seuls refuges de ma tante pendant les mois d'isolation suite à maladie chronique. Pour la réconforter des journées passées à la maison seule, les parents lui donnaient un peu d'argent, de quoi s'offrir un livre de contes, les Gründ des années 60. Elle s'offrait ainsi des contes illustrés de tous les pays.
Et moi enfant, elle me les a lus....

Alors oui, je pense que je me laisserais tenter, par les oeuvres illustrées par Arthur RACKHAM mais aussi les contes scandinaves qui me parlent énormément et ce n'est pas la première fois.... Kay NIELSEN a illustré les contes de Norvège...

mardi 4 décembre 2012

Hanouka, Fêtes des lumières

Samedi prochain sera le premier jour de la fête des lumières juives. Pendant 8 jours, des bougies seront allumées le soir sur la menorha... 8 soirs pour se rappeler la résistance juive à l'assimilation hellénique.

© Michael J.ROSEN et Robert SABUDA/ Seuil jeunesse

"Hanouka, Fête des lumières" de Michael J.ROSEN et pop-upé par Robert SABUDA propose une double page de lecture chaque soir de l'allumage des bougies.

Cet ouvrage est déstabilisant. Bien-sûr le découpage pop up de Robert SABUDA est toujours magnifique. Le texte est beau aussi. Mais il n'a pas apporté la chaleur que j'imaginais pour la fête. En fait, le propos n'est pas tant de nous émerveiller des lumières mais de faire acte de mémoire. Ici à chaque page, c'est l'histoire juive qui se délie, un pas de résistance après l'autre.

© Michael J.ROSEN et Robert SABUDA/ Seuil jeunesse

Le livre est fait de papier découpé blanc, où seules les paysages et architectures sont représentées (à part des chameaux et des dauphins). Pas de personnes, pas de couleurs, juste la ménorha spécifique à cette fête, la hanoukia, présente à une fenêtre ou sous une tente. Le fond est l'obscurité ou plutôt le coucher de soleil, le juste moment pour allumer les bougies, l'une après l'autre, en plus de cette 9ième, la chamache (le serviteur), permettant d'allumer les autres.
Entre les lignes, le miracle de ce peu d'huile servant à éclairer et purifier le temple de Jérusalem, qui se consumera en 8 jours au lieu d'1. Mais aussi et surtout une histoire du peuple juif. A chaque page, un nouveau lieu mettant en avant le nomadisme de ce peuple, ses persécutions, la recherche d'un lieu où vivre paisiblement. Puis la terre promise et ses richesses, les festivités avec les enfants et le partage des lumières.

© Michael J.ROSEN et Robert SABUDA/ Seuil jeunesse

Je vous invite à lire l'interview de l'auteur ici (en anglais). Il explique son parti-pris, ce n'est pas tant un livre pour enfant avec ces images joyeuses et insouciantes, qu'un partage intergénérationnel pour comprendre une culture, une foi et savoir qu'elle a résisté. Ce livre, fragile, semble être fait pour qu'un adulte ouvre ses pages, ainsi il perpétue cette culture de l'oralité et offre là des portes ouvertes sur des lumières, allumées pour tous, juifs et non juifs, mais aussi sur toute un peuple... à l'adulte de proposer le reste.

L'homme qui faisait vieillir


"L'homme qui faisait vieillir" de Rodrigo LACERDA nous amène dans la vie de Pedro. Il est issu d'une famille bourgeoise, amoureuse des livres, la mère leur lisant des poèmes enfants, à lui et sa sœur, jusqu'à plus d'heure, son père lui mettant dans les mains les livres de José Maria de ECA DE QUEIRO.

Pedro est élève et part en vacances. Il n'est pas majeur mais ses autorisations sont là et sa grande soeur l'accompagne, les vacances promettent d'être fantastiques. Mais l'employée de l'aéroport ne veut pas le laisser monter dans l'avion, l'autorisation n'est plus valable depuis quelques jours, la grande soeur est partie. Pedro ne veut pas laisser tomber cette promesse estivale. Il revient, habillé d'un costume, d'une paire de lunettes et d'un exemplaire d'une œuvre de SHAKESPEARE en version originale, offert par son père. Il bluffe l'employée. Un livre lui a permit  de vieillir de quelques années. Un témoin de la scène vient l'aborder avant l'embarquement, un type bizarre mais charismatique. Une belle rencontre et puis la vie continue.
A la fin de sa scolarité, l'homme, Nabuco, revient dans sa vie, il n'est pas ancien directeur de théâtre comme Pedro le croyait mais ancien professeur d'histoire. C'est intriguant, Pedro veut faire fac d'histoire. Et puis Nabuco a l'art d'exprimer une réalité non voilée. Le discours de fin d'études qu'il prononce n'est pas joyeux et hypocrite, il est bien plus ancré: "Il y a des moments, des choses ou des personnes, des odeurs, des visions, certains objets et certains souvenirs qui nous font prendre conscience du passage du temps. Tout ce qui nous émeut, tout ce qui vient et qui s'en va. Si je pouvais vous donner un conseil, ce serait celui-là: ne cherchez jamais à être éternellement jeunes; aimer vivre, c'est aimer sentir, et aimer sentir, c'est, nécessairement, aimer vieillir." Pedro accueille le discours avec une joie reflétant sa frustration du moment et non sa compréhension du discours.
Et puis Pedro rentre en faculté d'histoire et s'ennuie. Il cherche à savoir s'il est fait pour devenir historien, il demande de l'aide à son professeur, qui l’envoie chez son maître à lui, Nabuco. Et là commence une initiation par les livres à la vie, à l'expression des sentiments. Ce sont des tests mais aussi le début d'une amitié et du sentiment amoureux par l'arrivée de la filleule Mayumi, magnifique jeune japonaise, élève en neuroscience des émotions.

Nabuco est un accoucheur de soi, un homme excentrique mais attentionné. Il est aussi cet homme qui faisait vieillir: "Mayumi a accepté la frustration de ne pas avoir son jouet en permanence avec elle. Quand on accepte une frustration, on attend, quand on attend, on pense. Quand on pense, on ressent des choses. Quand on ressent des choses, on vit le temps, on prend conscience du passage du temps. Et ce faisant, on vieillit."
Par ses actes, ses demandes, Pedro avance dans ses réflexions, il est seul à se découvrir même si Nabuco l'explicite. C'est une histoire de vie, d'incarnation à la vie, de vieillesse et de mort. C'est aussi un hymne à l'écriture, à cet état créatif mais aussi aux déambulations de l'esprit et à cet acte de don d'émotions.
Un beau roman initiatique destiné aux adolescents.

N'hésitez pas à lire la critique de Villoteau sur Babelio. Merci au Divan jeunesse et à Anaïs.

lundi 3 décembre 2012

Oedipe, l'enfant trouvé

Je ne vous ai pas encore parlé du Salon du livre jeunesse de Montreuil 2012 ?! Je n'y suis pas allée?! Mais si, mais si, et en plus je n'étais pas (la) seule. Je vous en parle bientôt. Dans mon petit sac au retour, de la religion et de la mythologie... même si j'aurais aimé revenir avec 8 nénés (est-ce bien 8?)...

Alors là, oui, j'attendais les autres albums d'Yvan POMMAUX sur la mythologie. Oui bien-sûr, il nous a proposé de magnifiques albums en cartonné et grand format, Thésée, Ulysse, Orphée, Troie. Mais l'idée de rééditer ces albums comme des romans pour les plus jeunes est sensationnelle. Ainsi le format est réduit (très bien pour notre bibliothèque surchargée) et le prix aussi (très bien pour le porte-monnaie de plus en plus déchargé).
Alors comme "Thésée, comment naissent les légendes", je me suis empressée de prendre les deux autres sorties petit format. Ici "Œdipe, l'enfant trouvé" d'Yvan POMMAUX. (mon appareil photo s'est caché dans l'appartement, dès qu'il ne joue plus, je vous ajoute quelques illustrations)

© Yvan POMMAUX/ Ecole des loisirs

Œdipe est un enfant abandonné. Son père, Laïos, attend avec impatience l'avis des dieux concernant son premier enfant. Est-ce qu'il pourra compter sur un fils pour le succéder? Malheureusement la Pythie dévoile d'autres projets divins: son fils sera son assassin et prendra sa veuve pour femme.
Laïos abandonne donc le rejeton sur la montagne à la portée des bêtes féroces lui liant les pieds. L'enfant n'a pas encore de prénom, destiné comme il est à la mort, mais un berger d'un autre royaume le trouve et l'amène à son propre roi qui se désespère d'avoir un enfant. Œdipe (pieds enflés) a maintenant un nom et grandit.
Jeune adulte, il entend des rumeurs sur son adoption. Pour en avoir le cœur net, il part écouter l'oracle. La Pythie confirme: il sera le meurtrier de son père et l'amant de sa mère. Pour échapper à la malédiction, Œdipe s'enfuit mais on ne s'échappe pas des dieux comme cela.
 Les destins dictés par les dieux non-favorables sont toujours ceux qui se révèlent exacts. Œdipe va droit à sa perte et pourtant il va au fil du temps apprendre la sagesse, en réponse au sphinx, en réponse aussi à la violence et à sa propre colère meurtrière.

© Yvan POMMAUX/ Ecole des loisirs (et remarquez ce tout petit Œdipe à côté de ses arbres immenses, peu maître de sa vie)
Cet épisode de la mythologie écrit par l'auteur est beaucoup plus facilement appréhendable que celui de Thésée. Est-ce parce que "Thésée" était le premier écrit ? Peut-être. Ici le récit est plus fluide sans perdre de sa richesse et de ses détails. Même si les événements ne sont pas faciles, l'auteur les reformule ainsi même le plus jeune lectorat comprend le parricide et l'inceste. Et puis la présence divine est aussi presque plus explicitée.

Comme à chaque fois, POMMAUX nous offre une connaissance hellénique. Avec Œdipe, jouet des dieux, c'est la relation des hommes aux dieux, avec les oracles, volontés divines transmises par la Pythie aux humains, qui prend une place de choix.
Et comme à chaque fois, l'histoire mythologique est amenée par un début de nos jours... ici le grand-père, à la demande de ses petits-enfants, compte raconter la plus tragique d'entre elles: " - On aime bien les histoires mythologiques, grand-père, mais elles finissent mal! - Les mythes ne sont pas des contes de fées, ma jolie! - Alors raconte-nous la plus terrible, la plus effroyable des histoires mythologiques. - Ça, c'est facile! La plus triste, la plus tragique, la plus pitoyable de toutes..."

© Yvan POMMAUX/ Ecole des loisirs

Je ne peux que vous confirmer mon coup de cœur pour la collection mythologique complète d'Yvan POMMAUX, je vous parlerais d’Ulysse bientôt... et en plus, elle existe format poche!

lundi 26 novembre 2012

Ramayana, La divine ruse

Quelque fois il y a une histoire avant l'arrivée d'un livre. Celui-ci a été commandé pour venir nous illustrer la fête des lumières indiennes, Diwali, fêtée entre octobre et novembre. Je vous en parle là. Je voulais accompagné la fin d'année, l'avant des fêtes, Avent de Noël mais aussi les autres issues de la mixité de mon couple, par une mise en atmosphère, par un voyage mondial et festif.

© Sanjay PATEL/ Ankama

"Ramayana, La divine ruse" de Sanjay PATEL propose une version simplifiée et stylisée d'un passage extraordinaire de la mythologie hindoue. Une superbe ouverture aux dieux hindous et à la poésie de légende, celle-ci ayant été mise en valeur et présentée par Valmiki.

Ravana est un démon persévérant. Il veut parler aux dieux et pour cela, il s'en donne les moyens, jeûne remplacé par posture de vie (debout sur un orteil) puis mantra perpétuel Aum, le tout plus de 3 mille ans avant de décidé de se couper ses 10 têtes. Brahma, le Dieu créateur, l'interrompt et lui propose, au lieu d'être le tout puissant, de ne pas pouvoir être tué par des dieux ou des démons. Et Ravana devient un tyran incontrôlable. Vishnu, Dieu protecteur, décide de ruser et de prendre l'aspect d'un humain grâce à un avatar, Rama.

© Sanjay PATEL/ Ankama

Rama, petit garçon à la peau bleue, nait dans une famille royale et est destiné à faire de grandes choses. Protéger son peuple des démons en est une. Cette première épreuve l'amène auprès d'un autre royaume où une belle princesse Sita est conquise. Le père de Rama, le Roi d'Ayodhya, est si fier qu'il les proclame roi et reine à sa place. Mais une de ses épouses ne le veut pas et fait exilé Rama dans la forêt pendant 14 ans. Rama est alors accompagné de son épouse et d'un de ses frères, Lakshman. Mais une démone s'éprend de Rama et folle de jalousie va entrainé le kidnapping de Sita par Ravanna.
Rama part donc la délivrer aidé en cela par son frère Lakshman, par le Singe blanc, Hanuman, fils du Dieu du vent, et par Jambavan, ours noir chef de clan.

L'épopée est ici très bien amenée et même si les noms hindous sont nombreux, la lecture reste fluide. Chaque chapitre offre un texte simple (en dehors de l'hindi), les images illustrent autant qu'elles racontent.
Oui c'est une histoire brutale, avec de nombreux démons, de nombreux combats... des têtes partent aussi. Mais le dessin est ici très stylisé permettant une approche pour les plus jeunes, le sang est un trait en pointillé par exemple.

© Sanjay PATEL/ Ankama
L'aventure se décline en 3 actes et après des focus sur les dieux et démons, guerriers, sages et animaux, sont proposés amenant un plus à la lecture. Une géographie de Ramayana est aussi là pour resituer en Inde et au Sri Lanka. Il devient facile de se repérer. Quel dommage qu'il ne nous ai pas proposé la totalité des dieux et démons de la mythologie indienne.
Sanjay PATEL a travaillé pour les studios de dessins animés Pixar et utilise là une technique de dessin informatique à base de vecteurs: cela rend une image impeccable, précise, détaillée, stylisée. Les combats aux multiples adversaires sont alors de vrais tableaux et les partis pris pour reconnaitre les personnages permettent vraiment une approche très facile.

© Sanjay PATEL/ Ankama

J'aime beaucoup ce dessin virtuel tiré de croquis. D'ailleurs l'auteur nous offre en fin de livre quelques dessins préparatoires, une idée de storyboard. Alors oui, il n'y a pas ce trait indien que nous retrouvons dans les illustrations de la mythologie indienne en temps normal, Hanuman est magnifique aussi et pas avec un masque "grossier" voulant être de singe. Cependant l'exotisme est conservé surtout par des motifs.

La question de 10 heures du soir

Ce livre est arrivé dans mes étagères pour sa quatrième de couverture mais bien plus pour ce dessin d'un oiseau étrange. "La question de 10 heures du soir" de Kate De GOLDI est bien cela, étrange.


Frankie est un garçon de 12 ans. Il vit dans une banlieue de Nouvelle-Zélande. Tous les jours il part à l'école, retrouve son copain Gigs, fait le même parcours. Il est angoissé, hypocondriaque et se réconforte avec des habitudes, quelques petits rituels et surtout la question de 10 heures du soir posée à sa mère dans sa chambre.
Un matin, une nouvelle élève arrive, Sydney. Elle n'est pas du tout comme les autres filles. Elle porte des dreadlocks, a un piercing, se couds ses vêtements, fait du cricket mais surtout ne sait pas que les garçons et les filles restent séparés. Elle est spontanée, décomplexée, curieuse et pleine de vie. Elle va être la source et le catalyseur de multiples questions. Ce ne sera plus des angoisses sur les maladies possibles, sur les préparatifs de survie en cas de catastrophe mais une réflexion sur soi et sur la folie.

Sydney catapulte les rouages de cette vie. Et comme elle fait la roue dans la rue sans se soucier d'être en jupe, elle court-circuite les liens habituels entre Frankie et sa famille. La maman compréhensive, le père nonchalant, la grande sœur bourrue et agressive, le grand frère fuyant et débrouillard. Parler du tabou de cette mère cloitrée chez elle depuis 9 ans entraine d'autres formes d’échange.
Grâce aux discussions avec ses amis Gigs et Sydney, sur leur monde de l'enfance en chiloun, dialecte inventé mélangeant le russe, le verlan et l'argot et l'italien, mais aussi à force de questions abruptes et à travers un projet littéraire d'école que Sydney va écrire et Frankie illustrer, le passage de l'enfance à l'adolescence se fait. Le point de vue se fait plus relatif et compréhensif.

Les mères ont ici un impact important, pour ce qu'elles sont et apportent (ou n'apportent pas) et aussi pour leur folie.
Deux manières d'être mère se confrontent: une mère ne croit pas en l'école ni au travail, se fait entretenir par les hommes et se sert de sa grande fille comme d'une nounou, l'autre a été trop bouleversée par la vie et ne sort plus de chez elle. L'une est maternante, l'autre non et pourtant toutes deux imposent à leur enfant une responsabilité hors de leur âge.
Comment grandit-on avec cette pression?

La transformation de Frankie se lit aussi dans ses dessins: des personnages par mimétisme artistique, vers une copie de naturaliste des oiseaux et ensuite à un style et à la création d'une espèce ornithologique... Les goûts russes de sa mère, musique et littérature, sont aussi une trame de fond. Les œuvres russes sont tristes, comme la vie. Est-ce qu'il faut alors envisager une fin tragique ou juste se dire qu'elles sont là que comme un référent?

C'était une lecture plaisante mais assez décevante, j'attendais une réflexion plus aboutie sur la psychologie fragile, des mères, de Frankie... Elle reste néanmoins très révélatrice d'un état d'esprit de jeune garçon et de ses relations à sa famille, à ses amis et l'amour comme potentialité.

Le Noël de Balthazar

Beaucoup d'albums sont proposés par le duo Marie-Hélène PLACE et Caroline FONTAINE-RIQUIER mettant en scène un petit garçon, Balthazar, et son doudou vivant, Pépin. A chaque proposition, l'histoire se dévoile avec une manière d'être au quotidien inspirée de Maria MONTESSORI... pour cela il vous suffit de suivre le lien vers l'illustratrice qui vous emmènera, sur ce blog, à tous les livres dont il est question (albums ou livres d'apprentissages).


© Emma KELLY, Marie-Hélène PLACE et Caroline FONTAINE-RIQUIER/ Hatier jeunesse

"Le Noël de Blathazar" de Marie-Hélène PLACE, Emma KELLY et illustré par Caroline FONTAINE-RIQUIER parle de la fête de Noël. Je n'avais pas pu passer à côté, cependant, il reste très simple, voire simpliste par rapport aux autres. Alors pourquoi en parler me direz-vous? Et bien parce que sur ce thème, il est tout de même une belle proposition d'atmosphère (et une belle couverture pailletée).

© Emma KELLY, Marie-Hélène PLACE et Caroline FONTAINE-RIQUIER/ Hatier jeunesse

Balthazar se prépare à la fête, la maison se décore et il suit la suite des jours grâce à sa frise du temps. Mais voilà, il veut faire un cadeau à son ami Pépin mais il n'a pas de sous. Il part tout de même sous la neige vers la boutique de Monsieur Merlin. "Parmi le fouillis et la poussière il y a des trésors si vous cherchez bien" et oui, il y trouve un petit homme de bois parfait pour devenir le conducteur du petit train de Pépin. Pour payer, il demande à Monsieur Merlin s'il accepterait un échange entre sa magnifique collection de billes et le pantin. Monsieur Merlin accepte. Pépin lui aussi veut faire plaisir à son ami. Il trouve au magasin pile ce qu'il souhaitait en échange de son petit train... pour aller avec la magnifique collection de billes de son ami.

© Emma KELLY, Marie-Hélène PLACE et Caroline FONTAINE-RIQUIER/ Hatier jeunesse

Cet album présente le beau sentiment du don, de l'amitié qui passe au dessus des valeurs matérielles. Il y a aussi cette poésie de l'instant, où la fin sera belle et douce. C'est gentil.
Alors oui, malgré cette doucereuse impression, j'ai particulièrement aimé la boutique de Monsieur Merlin. Cette idée que si vous faites un petit effort pour ne pas regarder que les apparences, vous trouverez des trésors, de la compréhension et des valeurs bien plus fortes qu'espérées.
Sur le thème de Noël, un autre "album" de Balthazar répondra aux attentes des plus grands, j'en parle là (et en plus il fait calendrier de l'Avent).

dimanche 25 novembre 2012

Moi, si j'étais grand

"Moi, si j'étais grand" d'Eva JANIKOVSZKY et illustré par Laszlo REBER est une réédition de 1965. Nous aurions pu craindre que l’œuvre soit désuète sans compter qu'elle parle aussi de bonnes manières et non, elle est toujours d'actualité et est même jubilatoire.

© Eva JANIKOVSZKY et Laszlo REBER/ La joie de lire

Ce tout petit garçon rêve d'être grand, parce que, en tant qu'enfant, il est bien plus marrant d'être un garnement. Et bien-sûr seuls les adultes ont le droit de faire ce qu'ils veulent. Les enfants eux doivent obéir et regarder où ils mettent les pieds, ranger leurs jouets, mettre un pull etc...
S'il était grand il pourrait faire ce qui lui plait, ne pas rendre de compte. Il aurait aussi une amoureuse, une fille qui serait la mère de ses nombreux enfants. Parce que oui, il en veut des enfants pour pouvoir jouer avec eux et faire des "bêtises".

Ce petit garçon nous parle de l'éducation autoritaire des parents, qui donnent des ordres, pointent le doigt exigeant et incisif. Il faut se conformer à de bonnes manières comme se tenir bien à table sans bouger les jambes, se laver les mains ou ne pas manger de chocolat avant.

© Eva JANIKOVSZKY et Laszlo REBER/ La joie de lire

Certaines envies d'enfant sont magnifiques, "élever des poissons rouges dans la baignoire", "[faire] pousser un palmier dans le verre à dents", "[mettre] des gants blancs et [passer] la main le long de toutes les grilles" et nous y retrouvons toute la spontanéité et l'émerveillement de l'enfance. Et puis il y a les privilèges de l'adulte: toutes les activités ludiques (et lui étant interdites aujourd'hui) il serait le premier à les faire et en aurait plus, devant sa femme et ses enfants.

© Eva JANIKOVSZKY et Laszlo REBER/ La joie de lire

Devenir grand apparait alors comme une question de taille, une liberté trouvée, une absence d'obéissance de sa part. Devenir grand c'est acquérir les privilèges des adultes... tout en gardant ceux des enfants.
Le garçon commence aussi sa réflexion sur l'éducation parentale, parce que oui, il souhaite que ses enfants soient fiers de lui mais il souhaite aussi qu'ils ne se chamaillent pas, entre autre...

Les illustrations de Laszlo REBER sont presque caricaturales. Des profils, des situations, des gestes, le tout comme des exclamations.

© Eva JANIKOVSZKY et Laszlo REBER/ La joie de lire

Ce duo est marquant dans la culture hongroise et a influencé toute une jeunesse, voir ici.

jeudi 22 novembre 2012

C'est la fugueuse en moi qui lit


"Je dévore des livres choisis pour leur taille - pas moins de sept ou huit cents pages. Le temps passé à lire n'est pas vraiment du temps. Allant d'une page à l'autre, je passe des frontières, j'entre dans des maisons endormies, c'est la fugueuse en moi qui lit et aucun gendarme ne peut la retrouver avant qu'elle ait atteint la dernière phrase, levé la tête sur un ciel qui était bleu au début du premier chapitre et qui maintenant est noir. J'ai vingt-sept ans mais les lecteurs n'ont pas d'âge. Devant le livre ouvert il n'y a qu'une enfance laissée à des jeux dans la rue, bien après dix heures du soir."

(extrait de "La folle allure" de Christian BOBIN, photo de suckmyarthole)