"La cafetière sur le fourneau lui rappelait la maison de sa grand-mère: debout à côté de la vieille femme, arrivant à peine à hauteur de sa hanche, Duncan et lui regardaient le café bouillant remplir peu à peu la boule de verre tandis que l'odeur du café se répandait dans la maison au point de se confondre avec celle de sa grand-mère, avec sa propre odeur et celle du monde entier. Ils s'asseyaient ensuite autour de la table, sa grand-mère versait du café pour tout le monde - Pop, leur mère à l'époque où elle était encore leur mère, Duncan, lui - et on ouvrait également des paquets de sfogliatelle et de biscuits aux couleurs de l'arc-en-ciel qu'on plaçait au milieu de la table avec du fenouil, du raisin, des couteaux à légumes. "Mange du fenouil", disait leur grand-père. Mais il voulait un biscuit arc-en-ciel et, même s'il était trop jeune pour en boire, de ce café qui sentait si bon. "Mange du raisin", disait leur grand-père avant de mettre une grappe dans l'assiette de Conway aux côtés d'une sfogliatella. Les sfogilatelle étaient les pâtisseries préférées de Duncan. Il était capable d'en manger une entière, voire deux. Il adorait le sucre glace sur le dessus. Quand personne ne regardait, il les trempait dans le café de leur mère. Conway, lui, n'aimait pas les sfogliatellle plus que ça. Il leur préférait les biscuits arc-en-ciel. Mais, comme Duncan, il avait hâte d'être en âge de boire du café."
"Le café se mit à bouillir. Alessandra se leva et éteignit la plaque sous la cafetière Laroma. Elle remplit deux tasses, frotta le rebord de la sienne avec un morceau de citron, puis les rapporta à table."
(extrait de "Gravesend" de William BOYLE, éditions Payot-Rivages; photographie et recette de sfogliatelle, de Beau à la louche)