mardi 27 mars 2018

La Malédiction d'Old Haven



Fabrice COLIN offre avec "La Malédiction d'Old Haven" une lecture que j'aurais adorée avoir en main enfant (et je n'ai pas boudé mon plaisir adulte).
Mary est élevée par les Sœurs de la Charité, elle a grandit et même pris quelques fonctions, enseignante des plus petites. Mais elle le sait, à 17 ans, elle doit quitter l'orphelinat et découvrir son métier et surtout le monde.
Comme par hasard, mais il n'y en a pas, elle s'arrêtera en cours de route dans un village. Elle sait qu'elle y a sa place. Old Haven est le lieu de ses ancêtres. Nous sommes à un tournant de l'histoire. La Grand Inquisition tue toujours les sorcières mais il y a pire, ce n'est pas l'hérésie qui est touchée. Mary doit prendre sa part dans le combat.
En découvrant le journal de sa grand-mère, Lizbeth Wickford, elle entrevoit un monde prêt à exploser.

Elle cherche son passé et se découvre en trouvant son aïeule. Elle est sorcière sans s'en apercevoir et doit fuir l'Inquisition mais encore plus l'Empereur, un être redoutable, qui voit en elle une porte de sortie à sa malédiction.
Mary découvre les relations de ses ancêtres, se lie d'amitié, fait confiance ou non, se forme aussi pour son destin.
Le combat se fera sur Terre mais il est aussi question d'un ailleurs. Le processus magique est aussi plein de fantaisie comme l'originalité qu'apporte l'auteur à ses dragons.

Au fil des pages, ce sont de multiples références à la piraterie, aux découvertes scientifiques avec des machines fabuleuses, à la magie, à l'ambiance de Gotham et de son asile de fous, aux indigènes amérindiens, aux mythes de Cthulhu (avec une ou deux tentacules). 
De nombreux personnages apportent de la couleur à cet enchantement: Jack O'Lantern homme à la tête de citrouille, un Jonathan Swift imaginaire, Usher esclave noir si fidèle, l'indienne Nicketti nageant même sous la glace ou Thomas Goodwill pirate amateur d'arts. Et puis des objets magiques marquants comme Sun le chat automate ou le tableau envouté.
L'aventure est au rendez-vous comme la désillusion, la sensualité comme l'obscurité. Celle des sorcières, ancêtres de Mary, mais aussi sa propre volupté et ses désirs.

J'aurais aimé faire un billet plus construit, je vous laisse avec un autre, si bien écrit, par celle qui amena les premières lignes de Fabrice COLIN par chez moi.

"Ainsi, les créatures qui peuplent la Terre ne sont pas des dragons complets. Il faut les voir comme des reflets; il leur manque quelque chose." - La Malédiction d'Old Haven


"- Tes ancêtres ont domptés un dragon. Elles ont marqué son âme à jamais. Mais, si l'animal a rejoint notre Terre, il a tout oublié. Tu n'as aucune chance de chevaucher en unité si ta monture ne se souvient pas de toi, de ton sang, précisa-t-il en exhibant le flacon qui pendait autour de son cou.
[...]
Ce dragon-ci était plus grand que les autres, plus élancé aussi. Tous arboraient la même apparence translucide, fantomatique, et la même couleur noirâtre, mais tous aussi étaient différents. Certains étaient à peine plus grand qu'un homme. D'autres atteignaient cinquante pieds. La forme de leurs gueules variait également. Les pattes étaient plus ou moins arquées, robustes et courtes, petites et griffues. Les ailes portaient de fines membranes ou bien étaient cartilagineuses. Les queues étaient fourchues, divisées, ressemblant à des serpents. Les épines dorsales: couvertes de piquants ou lisses comme du marbre.
Tous uniques.
Tous magnifiques, endormis, irréels.
Le temps passait. Le temps ne passait pas. Je frôlais les carcasses alanguies. Aurais-je avancé la main que je n'aurais rien ressenti. Ces bêtes étaient des fantômes, des songes superbes - songes de guerre et de voyages sans fin, mais des songes tout de même.
Et puis...
Ce museau. Ces moustaches fines. Ce corps replié, ces pattes.
Je frémis.
Celui-ci avait les yeux entrouverts. Il semblait... Non, c'était absurde.
Il semblait sourire."

(extrait de "La Malédiction d'Old Haven" de Fabrice COLIN, édition Albin Michel, dont je parle là; peinture de Jean-Baptiste MONGE)

samedi 17 mars 2018

La Plaine étincelante

De William MORRIS je connaissais ses dessins floraux sur textiles et un ou deux titres de livres dont "La source au bout du monde", mais commencer par "La Plaine étincelante", première approche de la fantasy, était tentant.


Gîtallègre, de la maison des Corbeaux, est fiancé à Otage, de la maison de la Rose. Mais cette dernière est kidnappée. En digne chevalier, Gitallègre part à sa recherche. Il sera peut-être question de rançon, d'échange, de pourparlers? Non. Il se dirige vers l'île de Rançon, aidé par un brigand, Renard-Chétif, pas si chétif. Obtiendra-t-il une entrevue avec les ravisseurs? Pas vraiment. Mais c'est sûr, ils se jouent du héros.
Nous ne savons pas grand chose d'Otage. De Gîtallègre juste sa persévérance sans même saisir si cette quête est celle de l'amour véritable ou d'une idée du sentiment. Renard-Chétif ou Vieux-Chenu, à qui il ne reste pas longtemps à vivre, eux sont plus marqués, ils ont même une histoire avant et après l'épisode.
Ce court roman est une mise en place, les noms parlent autant que le texte, la répétition apporte un rythme lent, les épithètes épiques ne sont pas loin. C'est comme dérouler une tapisserie, un canevas étant imbriqué dans l'autre tout en restant visible, lui-même imbriqué ailleurs. Gîtallègre est en mouvement, en mer puis dans cette merveilleuse Plaine étincelante dirigée par ce Roi qui ne meurt jamais.
Le décor est une forme là aussi de motifs, végétaux, rocheux, lumineux ou sombres. Le merveilleux est dans le paysage mais aussi dans les us et coutumes rencontrées. Un banquet, des tables, des tapis et des alcôves. Des châteaux, des tentes brodées.
Les thèmes se mettent en place doucement aussi. Un code d'honneur, le bien-être artificiel, la liberté de choisir. Un roi qui ne fait que sourire, ne veut que le bien de ses sujets, mais qui sous cette inflexion des lèvres est inflexible! Mais aussi l'amitié, le charme doux des femmes décoratives, la supercherie et la magie. Et l'amour dans tout cela, oui, un peu, comme une miniature dessinée dans un beau livre.

Ce court roman est un avant goût, je suis sûr, pour entrer dans d'autres propositions médiévales. Allez, je me replongerais bien dans la biographie inventée par Benjamin LACOMBE et illustrée par Agata KAWA, "Le carnet rouge".

Merci à l'opération Masse critique de Babelio et aux éditions Aux forges de Vulcain.
tous les livres sur Babelio.com

vendredi 9 mars 2018

Inventaire illustré des dinosaures

Bon, vais-je encore dire tout le bien que je pense des propositions de ce duo, Virginie ALADJIDI et Emmanuelle TCHOUKRIEL?
Vais-je rappeler mon opinion sur ces inventaires, de quoi mettre de la vie sur une diversité animale ou végétale, de quoi allier images et mots spécifiques, de quoi se familiariser aussi avec une classification du vivant?

© Virginie ALADJIDI et Emmanuelle TCHOUKRIEL/ Albin michel jeunesse

Oui, peut-être encore un peu. "L'inventaire illustré des dinosaures" aurait pu être de trop par chez nous. Un fiston avec une période jurassique, crétacé et trias importante. Des figurines. Quelques bons documentaires sur la question. Et pourtant.
Le parti-pris est toujours de vous présenter un candidat. Il n'est pas tant à échelonner ou à distinguer parmi les autres mais bien, mis en avant pour ce qu'il est. Alors oui, vous trouverez le Tyrannosaure rex (poilu), un diplodocus, un stégosaure, un ankylosaure, un cératops ou un raptor (entre autre vedette), c'est pourtant ailleurs que se situera l'intérêt. Dans la présentation des saurischiens ou ornithischiens, et aussi, au au fur et à mesure des pages, les représentants de très très nombreuses familles (compsognathidés, vulcanodontidés, troodontidés, hadrosauridés, droméosauridés,...). 
Une succession de portraits en pied (43) amène chaque dinosaure à être découvert seul mais classé zoologiquement. Quelques éléments épiques sont accompagnés par des anecdotes sur les découvertes en elles-même (les erreurs des chercheurs, leurs hypothèses).
Un lézard souris mais qui atteindra 3 mètres devenu adulte. Des pieds d'éléphant devant et griffues derrière. Un casque bombé mais trop faible pour les combats, des plumes d'apparat, des cous qui ne peuvent pas se redresser, une distinction de chaine alimentaire sans à priori: ils sont dessinés en mouvement mais pas en situation.

L'introduction est aussi toujours intéressante. Les indications de l'illustratrice, quant au choix artistique. Les couleurs, les plumes ou les poils, seront potentiellement remis en question par les futures découvertes.
Et en plus, l'entretien avec la paléontologiste, Claire Peyre de Fabrègues, apporte des éléments sur le métier (travail de bureau et fouilles), les études pour y arriver ou les autres métiers qui "touchent" aux dinosaures. Des détails pour amener les vocations comme les nouvelles découverte, observation de la matière organique (même les globules rouges), changement d'optique sur les attitudes, les dinosaures ne semblent plus apathiques mais bien très dynamiques, la différenciation mâle et femelle...

Le tout est merveilleux, à lire période par période ou une page au hasard.

© Virginie ALADJIDI et Emmanuelle TCHOUKRIEL/ Albin michel jeunesse

Seul minime bémol: j'aime leur format souple avec stickers (moins cher)... il faudra attendre encore pour certains thèmes. Je les rappelle: fleurs, montagne, oiseaux, insectes, mer, arbres, fruits et légumes, merveilles du monde, animaux (et je dois en oublier). En listant je me rends compte que je ne vous les ai pas tous présentés... erreur! Mais l'intérêt est là quelque soit le sujet que vous choisirez!

mardi 6 mars 2018

Au commencement

Je prends moins le temps de partager avec vous mes découvertes littéraires mais je lis encore de nombreuses propositions enthousiasmantes. Je reviendrais en 2018 avec peut-être plus de fréquence.





© Henri MEUNIER et Vincent BERGIER/ Seuil jeunesse


Ici un documentaire sorti à la rentrée 2017, parfait pour les petits curieux. "Au commencement" d'Henri MEUNIER et illustré par Vincent BERGIER présente la vie.
Le rien, puis la chaleur, l'atmosphère et puis le premier signe de vie. Ce pourrait être un énième documentaire sur la naissance de la vie mais le parti-pris, réussi, est de personnifier chaque élément et de marquer avec humour les jeunes esprits.
Ce n'est pas une profusion d'informations mais quelques éléments, étapes clefs, du passage du bouillon de culture à nous. J'ai un coup de foudre pour les premières pages ne parlant que de l'atmosphère et des premières cellules. Pas encore d'animal, juste des bactéries, puis des eucaryotes si sympathiques, enfin des plantes, des mousses, des champignons et des méduses.
Bien-sûr vous aurez les dinosaures, les insectes géants et un mammifère qui se prend pour un tigre à dents de sabre (quand les poules n'auront plus de dents!).

© Henri MEUNIER et Vincent BERGIER/ Seuil jeunesse

Ce ne sont que des dialogues d'éléments de vie (plus une date en début de chaque double page). Ils se parlent et jouent sur les références. Alors oui le livre est destiné à un jeune public mais une seconde lecture est tout à fait possible et jouissive pour les plus grands, adultes compris. Des références de jeux (lego), cinématographiques mais aussi des idées sur la théorie de l'évolution ou même ce que nous connaissons maintenant d'elle. C'est drôle, simple et pourtant une belle ouverture sur d'autres découvertes.

© Henri MEUNIER et Vincent BERGIER/ Seuil jeunesse

Peu de texte donc et une illustration très claire en font un documentaire à lire et relire, dans l'ordre chronologique (voire même pas).