jeudi 28 septembre 2017

"Je n'étais peut-être rien" - Le loup des sables




- [...] Vous étiez partis faire du vélo et dormir sous la tente et je n'ai même pas eu le droit de venir!

- Mais c'était avant que tu sois là! expliqua son papa.
Avant qu'elle soit là? Zackarina observa plus attentivement la photo. Une tente, deux vélos. La forêt, le ciel et la pluie. Deux personnes heureuses, sans Zackarina, qui n'existait pas encore...
"Je n'étais nulle part", songea-t-elle, et elle se sentit incroyablement seule.
[...]
"Mais non, ce n'est pas possible", se reprit-elle. Ça semblait si triste et décevant de ne pas exister, puis soudain de se trouver dans le ventre de sa maman, de naître et de devenir enfin un bébé.
Un volcan peut-être? Une pierre?
"Non, pas moi, se dit-elle. Pas une pierre..."
[...]
J'étais le vent, pensa-t-elle. Le vent dans le ciel a soufflé sur la pluie, et la pluie est tombée pendant des centaines de jours, et tous les gens étaient fâchés car ils étaient trempés jusqu'aux os. Mais, dans une tente sous la pluie, deux personnes étaient heureuses. C'est comme ça que j'ai trouvé maman, et que maman m'a trouvée, puis ensemble nous avons trouvé papa."
- Et voilà comment je suis devenue ce que je suis, conclut Zackarina, songeuse.
- Comment?
- La photo dans la tente sous la pluie.
- Je l'aime bien, cette photo, souffla rêveusement son papa.
- Moi aussi, dit Zackarina."
(extrait de "Le loup des sables" de Asa LIND et illustré par Violaine LEROY, je vous disais tout le bien que j'en pensais; Bayard jeunesse)

mercredi 27 septembre 2017

"Alors, les yeux sur la caméra, elle parle" - Mariages de saison




"On est ce type de couple là. Celui qui ne retient pas l'attention. Celui dont on se demande s'il est venu à la soirée ou pas. [...] On a découvert cette fluidité qui est si rare autour de nous. Le mieux, c'est qu'ils ne nous envient pas. Ils ne sont pas jaloux. Je crois même qu'ils nous prennent en pitié parce que nous ne sommes pas flamboyants, que nous ne nous consumons pas dans les plaisirs, que nous ne sommes pas des feux d'artifice qu'ils pourraient admirer. Et nous les laissons nous regarder avec commisération parce que ça n'a aucune importance, n'est-ce pas? Discrètement, nous ferons le tour de notre monde, et nous irons plus loin qu'eux."

(extrait de "Mariages de saison" de Jean-Philippe BLONDEL; source photo, détail)

dimanche 3 septembre 2017

"Tout ce qu'exige une vie avec des petits enfants est pour nous une contrainte" - La mort d'un père


"Tous les enfants sont naturellement pleins de vie et aspirent à la joie, et pour peu qu'on ait l'énergie de les prendre du bon côté, ils oublient en quelques minutes caprices et colères. Ce qui me mine c'est de savoir qu'il suffirait effectivement de les prendre du bon côté mais d'en être profondément incapable quand la situation l'exige, comme si j'étais embourbé dans un marécage de frustration. Une fois tombé dedans, chaque pas ne fait que m'enfoncer davantage. Et ce qui me mine au moins autant, c'est de savoir que j'ai affaire à des enfants. Que ce sont des enfants qui me coulent. Il y a là quelque chose de profondément indigne. C'est dans ces situations-là que je ressemble le moins à l'être humain que je voudrais être. Je n'avais pas la moindre idée de tout cela avant d'avoir des enfants. Je croyais qu'il suffisait d'être bon avec eux pour que tout aille bien. Et, certes, c'est vrai aussi, mais rien de ce que j'avais vu jusque-là ne m'avait averti de la véritable intrusion que représentent les enfants dans une vie. L'incomparable proximité qu'on a avec eux et l'interaction de nos tempéraments, de nos humeurs font que nos pires défauts, ceux qu'on avait soigneusement gardés pour soi, ressortent et nous reviennent en pleine figure. La même chose vaut évidement pour nos qualités."
(extrait de "Mon combat, livre 1 La mort d'un père" de Karl Ove KNAUSGAARD; source photographie de Linda Mc Cartney où l'on aperçoit Paul Mc Cartney anxieux...)