J'aime bien les éditions Picquier jeunesse. A chaque fois c'est une promesse, et d'exotisme (Asie principalement) et d'une certaine sagesse toute orientale. "Au cochon porte-bonheur" de Kim JONG-RYEOL et illustré par Kim SUK-KYEONG est une belle petite fable satyrique.
© Kim JONG-RYEOL et Kim SUK-KYEONG/ Picquier jeunesse
Les habitants de la ville d'Azalée sont surexcités. Une nouvelle boutique va bientôt ouvrir. Elle a comme enseigne un cochon en redingote et tient des promesses dignes des meilleurs bonimenteurs. "Azaléens! La chance vous attend au Cochon porte-bonheur. Venez nombreux et emportez l'article de votre choix sans débourser un sou. Parole de Cochon porte-bonheur!".
Tout le monde en parle et personne ne sait vraiment de quoi il s'agit... l'attente et le coup de pub créent une effervescence. A l'ouverture, une file de personnes attend tant bien que mal à la porte: seuls les dix premiers seront servis chaque jour.
Même pour aller à l'école, le garçon narrateur est obligé de faire un grand détour. La ville est près d'imploser. Et quand le magasin ouvre ses portes le premier matin, les referme sur les chanceux et les réouvre le soir, c'est encore pire. Le bruit court que les clients ont été comblés dans leurs attentes: le fer à repasser magique du roi d'Arabie repassant un habit à jamais impeccable pour le teinturier, une casserole de la dynastie Ming pour ne préparer que des plats succulents etc....
Tous les habitants veulent aussi un objet magique, même les enfants. Le vélo magique de Fifi Brindacier sans roue est tout de même bien tentant. La queue devant la boutique s'allonge, les habitants campent devant l'entrée, les voisins des villes alentour arrivent aussi. C'est la pagaille.
Mais bon, le mystérieux propriétaire du Cochon porte-bonheur semble honnête, ses clients repartent avec le sourire. Mais à bien y regarder, le narrateur se méfie... touts les chanceux attrapent, justement, un drôle de sourire. Sa mère, aussi influençable que les autres, est revenue avec un vase magique.
" - Tu vois, je ne mentais pas! dit ma mère en battant des mains.
Je la regarde, consterné: son nez s'est retroussé, le bout s'est aplati. Mon père se rend compte alors que quelque chose ne tourne pas rond. Il la dévisage.
- Qu'est-ce qui est arrivé à ton nez? On dirait un groin de cochon."
Et voilà, les chanceux se transforment progressivement en cochon... mais malgré une première impression, les autres habitants ne se rendent compte de rien. Et parmi les habitants cochons, un vrai cochon en redingote se promène dans une brume épaisse.
Le narrateur n'a pas d'autre choix que d'entrer dans la boutique pour parler au propriétaire... les habitants cochons ne sont plus que des cochons à amener dans une ferme.
© Kim JONG-RYEOL et Kim SUK-KYEONG/ Picquier jeunesse
Toute l'histoire parle de l'envie, de l'insatisfaction, de la convoitise en chaque homme. Loin de se raisonner, ils sont là tous perdus. Et pourtant la société change doucement mais aussi par épisodes de folie. Mais personne ne voit. Quelques enfants oui mais encore faut-il qu'ils aient des valeurs fortes et non matérialistes.
La rencontre entre le propriétaire du cochon porte-bonheur et du narrateur est magnifique. L'intérêt porté l'un à l'autre, le choix des portes-bonheurs et le postulat de costume d'un pays à un autre.
Et puis la question reste entière: peut-on aider des personnages aussi influençables?
Les illustrations de Kim SUK-KYEONG ponctuent le texte et apportent un malaise avec ce sourire énigmatique et les cochons qui prolifèrent.