"La gentillesse inattendue de Vola déstabilisait toujours Peter. Parfois, elle lui ordonnait sèchement d'exécuter une dizaine de tractions, ou mimait une explosion devant son visage pour lui déconseiller de s'approcher. Dans ces sas-là, il se sentait dans son élément, comme chez lui. Mais de temps en temps, elle massait ses épaules endolories avec un onguent, ponçait les échardes de ses béquilles, ou abandonnait ses corvées pour lui préparer une tasse de chocolat chaud; il comprenait alors combien elle faisait d'efforts pour qu'il devienne fort et indépendant, et il se sentait coupable.
Il se sentit coupable tandis qu'il enveloppait les crosses dans le tissu doux; il lui dit donc ce qu'il supposa qu'elle voulait entendre:
- Vos nièces devaient être très contentes d'avoir de si beaux cadeaux.
Mais il en doutait. Ses nièces avaient probablement jeté à la poubelle ces marionnettes aux yeux morts, squelettiques comme des rats, le soir même où elles les avaient reçues. Pas de cauchemars.
Vola haussa les épaules, mais Peter se rendit compte que ses mots lui avaient fait secrètement plaisir, et sa culpabilité se dissipa un peu."
(extrait de "Pax et le petit soldat" de Sara PENNIPACKER, Gallimard Jeunesse; dessin de Jon KLASSEN non extrait de ce livre qu'il illustre pourtant)