" "Quand je parlais de la "suie des rues", qu'est-ce que tu imaginais? Réponds à cette question et je répondrai à la tienne. Tu croyais que j'allais t'emmener à l'Extérieur? Que je m'y baladais le soir, quand j'étais de mauvais poil, et que cette fois, j'avais décidé de te prendre avec moi? Comme ça, tranquille?"
Fumeur attrapa ses cigarettes:
"Ce que je voulais savoir, c'était ce que tu entendais pas la "suie des rues". Qu'est-ce que cette question a de si terrible.
- Ce n'est pas ce que tu as demandé. Ta question était: "On va vraiment dans la rue?"
- Non. J'ai commencé par te demander ce que l'expression signifiait. Mais, admettons, comme tu dis si bien. Pourquoi pinailler autant? Tu avais parfaitement compris ce que je voulais dire!"
Sphinx ébranla de nouveau la corbeille.
"Quand tes questions sont plus stupides que toi, c’est déjà pénible, Fumeur. Mais quand elles sont carrément débiles, c'est insupportable. Elles sont comme le contenu de cette corbeille. Tu n'aimes pas l'odeur qui s'en dégage? Moi, ce qui me débecte, c'est celle qui se dégage des mots vides, des mots morts. Il ne te viendrait jamais à l'idée de me jeter ces mégots au visage, n'est-ce pas? Alors pourquoi ça ne te gêne pas de m'accabler de paroles vides de sens, putrides, sans te demander une seconde si ça m'est agréable ou non? Tu t'en fous complètement en fait."
A ces mots, Fumeur pâlit, et sa cigarette se ramollit entre ses doigts moites.
"Bon sans, je te tape vraiment sur les nerfs... Tu sais, je peux carrément arrêter de te poser des questions, il suffit de le dire.
- Interroge-moi tant que tu veux, mais sur ce que tu ignores." "
(extrait de "La maison dans laquelle" de Mariam PETROSYAN, éditions Monsieur Toussaint Louverture; source photo de Tchernobyl de Gerd Ludwig)