"Le convoi de l'eau" d'Akira YOSHIMURA est un conte noir. Inspiré de légendes, de faits divers et de la grande Histoire du Japon, il marque de manière cruelle et poétique le lien des japonais à la terre, à la mort et aux traditions.
A la fin de la seconde guerre mondiale, une vallée en haute montagne est découverte, lieu idéal pour devenir un étang de rétention d'eau d'un futur barrage. Mais en son milieu un hameau ancestral vit ici en complète autarcie. La machine économique a choisi: construire le barrage, détruire le hameau.
Dans ce contexte extrême de travail, les saisons passent, les explosions se succèdent et la cruauté humaine est apparente. Les ouvriers et les autochtones ne se mêlent pas. Les uns dédommagés de leur labeur par un salaire conséquent. Les autres, dédommagés de leur terre et de leur destin devenu précaire, pour un prix symbolique.
Le narrateur n'est pas venu là pour l'appât du gain.
"Et jusqu'à notre arrivée dans la vallée, à chaque pas j'entendais un léger bruit provenir de la boîte. Un cliquetis comme celui de la bille de verre qui ferme les bouteilles de limonade ou de coquillages s'entrechoquant, que je ressentais dans mon corps. Ce bruit qui martelait des reproches pendant que je continuais à marcher. Je ne cessais de marcher en attisant ma haine envers ma femme."
Il fuit et recherche un isolement. Il semble trouver une tranquillité dans la vision de celle du hameau, dans ce lieu en pleine nature, lié aux éléments, humide, et jusqu'ici permanent, sur la défensive. Ému par sa destruction programmée, il trouve en la vivacité de ses habitants non une fatalité mais une force. D'un côté, les ouvriers détruisent pour l'avenir économique du pays, les habitants du hameau, eux, semblent se laisser désaisir tout en reconstruisant leur village prévu à l'inondation.
Mais comment abandonner leur lieu de sépulture, symbole de cette communauté encore préservée?
"Pour la vie en pleine montagne, la moindre parcelle de terre cultivable est précieuse. Les terrains plats des vallées doivent naturellement être cultivés et le cimetière aurait dû se trouver dans les bois à proximité. Du point de vue du bon sens, l'étendue occupée par les tombes du cimetière ne pouvait être que disproportionnée pour des montagnards en manque d'espace cultivable."
Et c'est bien la mort, aiguisée par les drames, qui est le personnage principal dans ce lieu clôt. Elle apparait dans cette impermanence de la vie, dans une logique différente: corps utilitaire de l'extrême et mort indemnisable, mort sacralisée ou ritualisée dans le village.
Elle revêt toutes ses formes, clivages d'un même "sacre". Le contexte dramatique de la mort et la dépouille (l'inhumation, l'incinération, l'hommage mais aussi la décomposition). Mais aussi le respect symbolique aux morts ou le sacrilège et la profanation.
Le combat des villageois contre les éléments, l'expulsion et l'extérieur, envahissant et scrutateur, fait écho à la force des émotions du narrateur. Les actes prennent ici un sens aigu, poétique et dramatique. La honte, la trahison, comme l'expiation des fautes, le repentir ou le pardon trouvent un échappatoire surprenant. Les uns sauvés par l'autre, ce dernier apaisé par eux.
La force du propos est aussi dans ce dynamisme à reconstruire dans un cycle de vie dramatique: les mousses des toits restant pour moi un des moments forts de ce récit.
A la fin de la seconde guerre mondiale, une vallée en haute montagne est découverte, lieu idéal pour devenir un étang de rétention d'eau d'un futur barrage. Mais en son milieu un hameau ancestral vit ici en complète autarcie. La machine économique a choisi: construire le barrage, détruire le hameau.
Dans ce contexte extrême de travail, les saisons passent, les explosions se succèdent et la cruauté humaine est apparente. Les ouvriers et les autochtones ne se mêlent pas. Les uns dédommagés de leur labeur par un salaire conséquent. Les autres, dédommagés de leur terre et de leur destin devenu précaire, pour un prix symbolique.
Le narrateur n'est pas venu là pour l'appât du gain.
"Et jusqu'à notre arrivée dans la vallée, à chaque pas j'entendais un léger bruit provenir de la boîte. Un cliquetis comme celui de la bille de verre qui ferme les bouteilles de limonade ou de coquillages s'entrechoquant, que je ressentais dans mon corps. Ce bruit qui martelait des reproches pendant que je continuais à marcher. Je ne cessais de marcher en attisant ma haine envers ma femme."
Il fuit et recherche un isolement. Il semble trouver une tranquillité dans la vision de celle du hameau, dans ce lieu en pleine nature, lié aux éléments, humide, et jusqu'ici permanent, sur la défensive. Ému par sa destruction programmée, il trouve en la vivacité de ses habitants non une fatalité mais une force. D'un côté, les ouvriers détruisent pour l'avenir économique du pays, les habitants du hameau, eux, semblent se laisser désaisir tout en reconstruisant leur village prévu à l'inondation.
Mais comment abandonner leur lieu de sépulture, symbole de cette communauté encore préservée?
"Pour la vie en pleine montagne, la moindre parcelle de terre cultivable est précieuse. Les terrains plats des vallées doivent naturellement être cultivés et le cimetière aurait dû se trouver dans les bois à proximité. Du point de vue du bon sens, l'étendue occupée par les tombes du cimetière ne pouvait être que disproportionnée pour des montagnards en manque d'espace cultivable."
Et c'est bien la mort, aiguisée par les drames, qui est le personnage principal dans ce lieu clôt. Elle apparait dans cette impermanence de la vie, dans une logique différente: corps utilitaire de l'extrême et mort indemnisable, mort sacralisée ou ritualisée dans le village.
Elle revêt toutes ses formes, clivages d'un même "sacre". Le contexte dramatique de la mort et la dépouille (l'inhumation, l'incinération, l'hommage mais aussi la décomposition). Mais aussi le respect symbolique aux morts ou le sacrilège et la profanation.
Le combat des villageois contre les éléments, l'expulsion et l'extérieur, envahissant et scrutateur, fait écho à la force des émotions du narrateur. Les actes prennent ici un sens aigu, poétique et dramatique. La honte, la trahison, comme l'expiation des fautes, le repentir ou le pardon trouvent un échappatoire surprenant. Les uns sauvés par l'autre, ce dernier apaisé par eux.
La force du propos est aussi dans ce dynamisme à reconstruire dans un cycle de vie dramatique: les mousses des toits restant pour moi un des moments forts de ce récit.