dimanche 10 juin 2018

"Pleure encore un peu, tu veux?" - La piscine


"Le printemps disparut en un clin d’œil, et soudain il y eut la pluie tous les jours. Une pluie faible comme le bruit d'ailes d'un insecte, qui trempait la végétation du jardin de l'institut. [...] Depuis le commencement des pluies, toutes sortes de moisissures envahissaient le réfectoire au sous-sol de l'institut. Le petit pain du goûter que quelqu'un avait laissé se retrouva le lendemain parsemé de bleu, tandis que la tarte aux pommes faite par la cuisinière fut couverte de blanc au bout de trois jours. Ces nourritures d'aspect grotesque jetées dans les poubelles en plastique réveillèrent ma tendance à la cruauté. Si j'enfermais Rie dans la poubelle, hurlerait-elle encore de frayeur comme la dernière fois? Allait-elle pleurer et pleurer encore jusqu'à être trempée de larmes, de transpiration et de morve et qu'au bout d'un moment ses cuisses veloutées se couvrent de moisi comme un duvet teint avec une poudre colorée? Chaque fois que j'apercevais la poubelle au sous-sol, j'imaginais des moisissures se développant sur ses cuisses."
(extrait de "La piscine" de Yôko OGAWA)

1 commentaire:

  1. C'est mal de jeter les filles aux cuisses veloutées. Oui mais on ne peut pas tout garder? T'as pas honte de dire des horreurs pareilles? Oui, mais il nous arrive "aussi" de pleurer notre morve, et nous nous sentons moisillons.

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