mardi 29 septembre 2009

Littérature jeunesse en attente

Bientôt je vous parlerais de ceux-là :


Et si vous ne pouvez pas attendre, n’hésitez pas à lire les billets dans la catégorie « Maman ou Papa lit » : littérature jeunesse que je lis en ce moment à notre petit d’homme de 3 ans. Je pense que cette catégorie rassemble toutes les lectures du soir et les histoires qu’un enfant avant la phase d’apprentissage de la lecture prendra plaisir à suivre avec ses parents.

Vous pouvez aussi lire ou relire les billets de la catégorie « Je lis seul ", livres plus pour les 6 à 13 ans.

Et si jamais vous ne pouvez pas patientez, prenez donc plus de temps et suivez les billets de mon blog principal (repris pas à pas ici) mais là-bas avec des exploitations de lecture toutes « personnelles ».

La pomme rouge

« Le 8 novembre

Mademoiselle,

Je me sens ridicule d’appeler ainsi une fillette de douze ans, une enfant gâtée, insupportable, un petit démon buté, pourtant je ne trouve pas un autre mot pour commencer ma lettre. J’aurais pu vous appeler : mon enfant. Mais, grâce à Dieu, je ne suis ni ne voudrais être votre père, si ce n’est pour avoir le plaisir de vous donner une bonne fessée. J’aurais pu dire : Guillemette, s’il n’avait fallu faire précéder votre nom de : ma chère. Non, non, mille fois non. Vous ne m’êtes pas chère, et votre nom ne veut rien dire. Où l’avez-vous déniché ? Quelle est la malheureuse vierge et martyre qui aurait osé s’appeler ainsi ? C’est plutôt un prénom poussiéreux et moyenâgeux de sorcière : Guillemette Babin, votre double, votre homonyme (cherchez donc ce mot dans le dico, petite ignare), une vieille sorcière d’antan (mais pourquoi dit-on que les sorcières sont vieilles ? J’en connais une bien jeune…) D’où vient donc Guillemette ? De guillemet, ou de guillemot qui est un oiseau palmipède plongeur ? Si c’est le féminin de Guillaume, permettez-moi de le trouver plus ridicule que le masculin de Guillemette.
Mademoiselle donc, petite donzelle impertinente, même si le terme vous comble d’aise, je n’aime pas beaucoup vos manières d’agir. Vous ne me connaissez que comme voisin d’en face, et je pourrais en dire long sur votre conduite à la fenêtre. (Passons…) Alors, dites-moi de quel droit vous m’avez littéralement assailli, au jardin public, et embrassé par surprise sur la joue ? Sous les rires et les cris de vos petites camarades ? Que vous apprend-on, à l’école, en dehors de la géographie et de l’orthographe ? Appelez-vous ça un jeu d’enfants sages ? Etiez-vous obligée de m’embrasser sous le vain prétexte qu’il vous fallait exécuter un gage ? Sachez, petite fille, que je ne veux pas être le jouet de vos Amstramgram. Et que je pourrais bien être vexé d’avoir été choisi par le sort plutôt que par un caprice de gamine. Je vous en veux surtout pour les huées de vos camarades. Sont-elles jalouses à ce point ? Quelle position ridicule que la mienne ! Et je m’enfonce encore davantage en vous écrivant ma réprobation, avec des mots de grande personne qui glisseront sans blesser. Pourtant, comme j’aimerais vous blesser ! Vous êtes laide, laide, laide, laide, laide…. Comprenez-vous ?

P.-S. – De rage, vous pouvez déchirer cette lettre, la piétiner ou la froisser, ou même vous en faire un bonnet d’âne, ça m’est égal
. »
(extrait de "La pomme rouge" de Francis GARNUNG" dont je parle là avec délice )

Une si longue lettre


Je suis rentrée par la fenêtre dans une maison en deuil, celle de l’héroïne d’ « Une si longue lettre » de Mariama BÂ. J’ai suivi les confidences de Ramatoulaye à son amie Aïssato et ai découvert un monde : la condition féminine au Sénégal.

Que c’est intimidant d’arriver là, de lire les mots d’une autre, cette femme fictive, si réelle pourtant, que j’imagine être la femme dans la norme là-bas.

Ce livre, fort, épistolaire, reprend le parcours d’une vie féminine, du moins dès son adolescence. Le choix d’un mari comme l’aboutissement social, familial et sociétal d’une communauté : un choix de raison et non de cœur. Une éducation traditionnelle, religieuse, amène les jeunes pubères à se vouer à être la femme, une des femmes, d’un homme.

*source cauris

J’aime les avis masculins placardés qui reprennent une biologie instinctive comme prétexte : « J’ai vu un film où les rescapés d’une catastrophe aérienne ont survécu en mangeant la chair des cadavres. Ce fait plaide la force des instincts enfouis dans l’homme, instincts qui le dominent, quelle que soit son intelligence. Débarrasse-toi de ton excès de sentimentalité rêveuse. Accepte la réalité dans sa brusque laideur. » Quel grand écart entre cette aventure extraordinaire, si forte en spiritualité et en vie (j’y reviendrais), que ce drame humain et ce prétexte à la polygamie consommée.

La condition féminine du Sénégal traditionnelle m’est transmise de plein fouet: élevée dans l’élan de l’Islam, pour rendre honneur à son mari, en étant convenable, en restant dans sa caste, nourricière et mère. Etre une femme et accepter les autres femmes de son mari, les charges financières qu’un soutien de famille, mâle, doit à celle d’où il vient, se soumettre au tour (séjour réglementé du polygame dans la chambre de chaque épouse) et au déshonneur en cas de rupture conjugale de son fait. Par l’histoire de son amie, l’émancipation de la femme, comme le passage de l’Afrique traditionnelle à une Afrique plus moderne, plus féministe, apparait et traine derrière elle tous les « déshonneurs » des traditions. Etre jusqu’à sa mort la femme de, perdre sa personnalité à la mort de son mari, cela aussi m’apparait bien loin de nous.

Alors ce passage entre deux Afriques apparait, autonome par rapport aux actions et idées des anciens colonisateurs, amis intéressés. Une réévaluation à la hausse d’une société et de ces individus qu’il faut liée à l’éducation : « Nous sortir de l’enlisement des traditions, superstitions et mœurs ; nous faire apprécier de multiples civilisations sans reniement de la nôtre ; élever notre vision du monde, cultiver notre personnalité, renforcer nos qualités, mater nos défauts, faire fructifier en nous les valeurs de la morale universelle (…) »

Les livres semblent des aides, des tuteurs, des supports : « Tu eus le surprenant courage de t’assumer. (…) Tu t’assignas un but difficile ; et plus que ma présence, mes encouragements, les livres te sauvèrent. Devenus ton refuge, ils te soutinrent.
Puissance des livres, invention merveilleuse de l’astucieuse intelligence humaine. Signes divers, associés en sons ; sons différents qui moulent le mot. Agencement de mots d’où jaillissent l’Idée, la Pensée, l’Histoire, la Science, la Vie. Instrument unique de relation et de culture, moyen inégalé de donner et de recevoir. Les livres soudent des générations au même labeur continu qui fait progresser. Ils te permirent de te hisser. »

Ce livre parle aussi de l’amitié, si riche, si précieuse, ici décrite comme émotion plus forte que l’amour. Il retrace aussi quelques éléments de l’éducation familiale des enfants comme une condition féminine et amène une réflexion sur les traditions et le religieux.
Une très belle lecture pour aller encore plus loin dans le rapport des traditions à nos états de vie, à nos réflexions sur l’éducation, à nos ouvertures amicales. Vous en voulez encore plus, aller donc lire le superbe billet d'Arlette et ici. Malice nous ammène à une autre lecture, aussi sur la condition des femmes...

Mon chien stupide


Ma chère Holly golightly, que j’aimerais tant suivre dans les soubresauts d’intelligence, de pertinence et de contre-courant, m’avait appâtée. Et Lily m’avait harponnée . L’opération Masse critique de Babelio a fait le reste. J’ai lu "Mon chien stupide" de John FANTE à la volée, pas de cette vitesse sans intérêt mais bien rapidité de sens, d’inspiration, de compréhension. Et j’ai mis un mois avant de faire un billet.

J’ai aimé ce style vif, claquant, à propos. Nous suivons une courte période de la vie d’un écrivain médiocre, dans sa villa au bord de la mer. L’arrivée d’un chien lubrique semble être pour le narrateur, l’écrivain raté, l’avatar de FANTE, comme un nouvel ami permettant de sortir de relations difficiles aux siens. Il n’en est rien, il sera bien plus un déclic.

Molise, la cinquantaine, voit en ce chien-ours lubrique, un akita inu prêt à sortir de son fourreau sa carotte pour chevaucher une jambe ou un chien (de préférence mâle), un pied de nez sordide aux normes de la victoire et de l’échec dans l’existence. Ce chien surnommé « Stupide » mais au doux nom de « Tu le regretteras » ne répond pas aux offres et demandes environnantes mais bien à son envie de jouir de la vie. Et cette obscénité animale entraine au cours du livre une autre, bien plus sourde et déprimante : celle de la parentalité.


*cette couverture de livre n'a que la vocation de montrer l'ours déchu mais aussi l'homme dans son obscénité.

L’éducation est une suite de compromis, d'efforts. Le don contre don est une perversion de l'esprit parental. Les parents, Henry et Harriet, se confrontent à des enfants ingrats, ils réclament une reconnaissance. Seulement cette envie ne devrait pas avoir lieu d'être : une forme d’injustice devrait être principe de base. L'éducation, nos actes à soutenir et permettre à nos enfants de devenir grands, se doivent d’être gratuits, aucune reconnaissance n’est exigible, l’ingratitude est de mise quand les parents souhaiteraient que leurs actes soient encensés.


Nous sommes ici loin d’un foyer idyllique, le père a choisi la stratégie et le calcul, la mère une fuite vers de doux sentiments de filiation, d'affection légitime. Mais rien n'est moins légitime. Les enfants, eux, attendent une compréhension. La promiscuité est difficile, ne va pas de soi. Avec le temps, la demande de confort est plus présente, tout est un épuisant processus : les réconciliations d’avec sa femme, les discussions avec ses enfants, l’arrivée des pièces rapportées.
Le narrateur nous livre n’avoir pas fantasmé la vie de ses enfants, pourtant il a pêché par un autre vice, croire connaître ses enfants et, pire, les étiqueter : considérer l’un abruti, l’autre garant de sa retraite et sans surprise, l’autre chat sauvage et théâtrale… L’amour parental n’est pourtant pas remis en cause. C’est juste une remise en place de ce pessimisme, de ce cynisme. L’aigreur ne fait pas l’éducation : « - Ca recommence, tu t’excuses encore. Tu t’excuses toujours après avoir insulté quelqu’un. Tu te débrouilles d’abord pour l’insulter comme du poisson pourri, et puis tu t’excuses.
- J’essaie d’être honnête.
- Honnête ! Tu es tortueux comme un serpent, tu ruses et tu magouilles pour que tout le monde file doux. Tu es le pire faux jeton que j’aie jamais rencontré. »
John FANTE nous réaffirme, à juste titre, que même si le temps passe vite, les enfants sont aussi des êtres squatteurs, un peu parasites de la vie du couple. La promiscuité ne va pas de soi, ni entre différentes générations, ni entre femme et mari. L'irritation est là même si le manque, après, peut apparaître.

L’obscénité va aussi plus loin. Oui je suis d’accord avec John FANTE : devenir parent est un acte égoïste. Nous décidons de faire entrer un être dans ce monde vile, non choisi, avec nos valeurs et non les siennes. « Merci de l’avoir engendré sans lui demander la permission. » Et oui c’est difficile d’être parent. L’homme est là pour engendrer mais l’acte de survie en présence d’autrui, à côté d'un être faible, sans défense, est toujours un acte fort, douloureux : « Les hurlements d’un enfant ! Faites-moi avaler du verre pilé, arrachez-moi les ongles, mais ne me soumettez pas aux cris d’un nouveau-né, car ils se vrillent au plus profond de mon nombril et me ramènent dans les affres du commencement de mon existence. »

Même si une réflexion sur le penchant sexuel (pour le même sexe) du chien envahie le narrateur (théorie de la souffrance enfantine, première expérience sexuelle désastreuse ou choc des cultures d’une bâtardise congénitale entre un chien allemand et un autre japonais), c’est bien une réflexion sur sa façon d’être au monde, à sa femme, à ses enfants qui apparait tout du long entre les lignes. L'insouciance ou les choix pris si irraisonnablement (est-ce si vrai?), que le narrateur envie, sont bien une force, une énergie de vie de la jeunesse. Avec l'absurdité des circonstances, Molise découvre que laisser le choix à ses enfants de porter leurs croix est un acte fondateur de parent et aussi que les gestes et les mots doux d’après restent au travers de la gorge de ne pas avoir été dits à propos. L’absurdité de la vie du chien, stupide ou non, ramène à l’absurdité de regarder les défauts des autres et de ne pas voir qu’ils sont les nôtres.

La petitesse humaine apparait alors, au scalpel : l’envie d’un retour à la vi(ll)e idéale, l’abus de substances illicites pour fuir le quotidien ou pour s’armer contre la souffrance, le viol ordinaire, les petites thérapies possibles (avoir un chien pour donner du sens à son existence ou prendre un amant). Et puis la vie qui s’échappe, la fuite, différente selon les âges, le vide laissé par les quatre enfants autour d’un « cercueil de lasagnes », de petites occupations médiocres, des amitiés brisées parce que non fondatrices, des chambres vidées, égrainées au son de « quatre moins un égale », « quatre moins deux », « moins trois », « moins quatre »… Et ces positions sans arguments que nous portons en nous, ce fascisme quotidien, ce racisme primaire, cette honte de la mesquinerie héritée de soi et ce dégoût d’un altruisme que nous n’avons pas pu engendrer nous-mêmes.

Au travers de la lecture, aussi, une prise de position sur l’acte d’écrire, sur ce monde si cruel des scénaristes, rempli d’ambitions nauséabondes. L’acte d’écrire comme un acte de jeunesse ou d’insouciance mêlée de connaissance : « Pour écrire, il faut aimer, et pour aimer il faut comprendre. »

L’homme est face à la vie comme ce chien face à la baleine naufragée, inoffensif et en danger permanent ! Deux solutions : la fuite et une idée de liberté (en solitaire), le choix d’être heureux ensemble, avec nos petits moyens.
D’autres voies de lectures ici et . Malice a été aussi conquise et un très beau billet nous dévoilant aussi les trames de lieux si importantes dans ce roman, et ce chien dans un jeu de familles, ici chez Sébastien.

livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.com

L'art entre nuit et jour


Un coup de cœur pour ce livre "L'art entre nuit et jour" de Marjatta LEVANTO, illustrations de Julia VUORI (pour enfant et pour nous). Il s’agit d’un parcours au sein des expositions du Musée d’Orsay en suivant le fil de la journée et de la nuit. Un pigeon apprenti artiste ou au moins connaisseur nous emmène dans l’univers des peintres avec des anecdotes mignonnes et attachantes sur les œuvres. C'est un petit trésor: de très belles photos, de petites histoires illustrées, des calques et une manière de découvrir l'art très didactique.


Les peintres de la nuit et de l’aube du Musée d’Orsay y sont présentés comme invités à notre table. Pour les plus jeunes, des illustrations de pigeons reprennent le thème ou montrent un détail… le détail…




« Les œuvres d’art sont un peu comme les hommes. Avec certains, on s’entend tout de suite. Avec d’autres, il faut faire connaissance pour devenir amis. Il y en a qu’on ne peut jamais aimer. Comme les hommes, certaines œuvres d’art sont bruyantes et parlent à voix haute, d’autres ont une voix à peine audible et certaines sont si hautaines qu’elles font carrément peur. Chacune a pourtant quelque chose à dire. Elles présentent une différence avec les humains, c’est que elles, elles ont tout leur temps.

Il faut faire attention avec les œuvres d’art. Car souvent l’essentiel est ce qu’elles ne représentent pas, ce qu’on ne voit pas, ce qui n’a pas lieu. Et qui pourtant étrangement présent, car dans l’art tout est possible.
Ce livre parle de l’impossibilité, de tout ce que l’art est seul à pouvoir dire. Comme guide, nous avons Mercure le veilleur, avec ses pigeons parisiens, sur le toit du musée d’Orsay. »



J’y aime les calques de photographies d’époque, d’ambiance, de réels personnages, femmes, enfants …de quoi suivre Degas, Toulouse-Lautrec ou Rodin.




De quoi aussi rêver aux pastels de William Degouve de Nuncques… présentés dans ce même musée.

*source William Degouve de Nuncques

La nuit de Jean-Louis GEROME : La nuit est une femme vêtue de noir, descendant sur le globe terrestre avec son flambeau en veilleuse avec dans l’autre main des pavots, fleurs somnifères : est-elle douce, sécurisante comme une veilleuse ou menaçante avec ses fleurs comme pressentiment d’un sommeil définitif ?



Au lit d’Edouard VUILLARD : L’artiste, membre du groupe secret des nabis, a comme principe de faire apparaitre l’invisible et de ne pas répéter le monde familier. Cette œuvre le suit : pas la moindre profondeur, tout est simple surface avec de « beaux gris » (idéal nabi).



L’étang des nymphéas pour Claude MONET : source d’inspiration pour plus de trente ans, soit la manière dont la lumière réfléchissait la surface de l’eau en fonction des heures.





Le guerrier pacifique


J’ai lu avec beaucoup de plaisir « Le guerrier pacifique » de Dan MILLMAN.


J’ai suivi cette fiction aux brins d’autobiographie dans cette initiation à l’illumination, au chemin vers le statut de guerrier pacifique. Dan rencontre un vieil homme, surnommé Socrate à l’occasion, dans une station service un soir. De nuit en nuit, une relation amicale, de maître à élève, s’installe… vers une appréciation différente du réel, une victoire sur ses peurs, ses utopies de vie, ses lâchetés. Ou comment devenir le guerrier (actif) pacifique de sa vie quand nous sommes pourtant un champion de sport accompli.

Je ne pouvais que me sentir concernée dès le début : « Tu comprends beaucoup de choses, mais tu n’as pratiquement rien réalisé. »… « (…) la valeur d’un secret ne réside pas dans ce que tu sais, mais dans ce que tu fais. »
Par des voyages télépathiques, fictifs, Dan se remet en cause, devient plus attentif à lui-même et à son fonctionnement, cérébral et physique.
D’une part, le mal-être dû aux pensées négatives est une conséquence du bavardage du mental. « Le mental est une excroissance illusoire des processus cérébraux fondamentaux. Il ressemble à une tumeur. Il comprend toutes les pensées aléatoires et incontrôlées qui, surgies du subconscient, font surface dans notre conscient comme des bulles. La conscience n’est pas le mental ; l’attention n’est pas le mental. Le mental est une obstruction, une aggravation. Il s’agit d’une sorte d’erreur dans l’évolution de l’être humain, une faiblesse de base de l’expérience humaine. » Un carnet permet à Dan de se rendre compte de la multitude de ses pensées et de leur négativité. La pensée serait une réaction inconsciente à la vie : une demande de rééquilibrage physique mais aussi psychique. En temps de trouble, il faudrait laisser nos pensées et s’occuper de notre esprit. Une des premières approches d’un jeûne de l’esprit est la méditation : « le silence est l’art du guerrier… et la méditation est son sabre. » Ma lecture date de quelques mois et pourtant je suis ravie de constater que l’approche du livre, loin d’être dans les modèles extrêmes, exploits de la méditation, renvoit plus à une pratique régulière, un souffle, une énergie et non une activité pseudo-spirituel montrée comme un étendard pour se faire beau. En cela, la lecture de « L’art de la méditation » de Matthieu RICARD est attendue. La méditation est un acte de rééquilibrage de l’esprit, l’action de l’inaction. Un petit bémol cependant : Socrate accroche l’attention de Dan en sautant par-dessus la station service. Là il ne faut pas voir de réelles aptitudes à la ninja mais plus une métaphore et une accroche spirituelle.


*source de l'Homme volant du Cirque du Soleil, spectacle Allégria

Et par des circonstances douloureuses mais aussi de nombreux exercices vus comme une hygiène de vie, Socrate entraîne Dan à ne plus être victime de sa vie mais acteur, guerrier. La colère des situations devient une colère maîtrisée et dirigée, pour prendre place de la peur ou la tristesse. L’alimentation est aussi un point principal des méthodes de recentrage (pour se trouver). Dans ce livre, après un jeûne purificateur et des exercices physiques, l’alimentation devient végétarienne, vivante et très crudivore. Ainsi la vraie force de l’homme serait nous de savoir se battre mais bien plus de se connaître et retrouver un équilibre, santé et esprit. La même application est donnée au traitement de la douleur et du corps, dans tous ses muscles… un massage jusqu’à l’os pour acquérir cette aptitude des chats à avoir des muscles « fondants ».
Ce livre permet aussi de reprendre goût à nos envies, formes détournées d’un accès au satori (bien-être zen).

Il est bien dur de parler de ce livre. Il nous parle ou nous laisse de marbre. Il se lit à plusieurs niveaux. J’avais été enthousiasmée et angoissée. Ce livre n’est pas une méthode mais pour peu que vous commenciez un chemin spirituel il apporte des réponses, des envies, des intuitions positives. Maintenant faire le chemin d’ascète que Dan, un sportif, a fait, cela devient difficile… mais très instructif : la vraie santé physique et spirituelle n’est pas l’apanage des plus grands sportifs ou des plus grands praticiens de la méditation et d’une alimentation vivante… il faut être conscient à chaque instant de chacun de nos gestes.

Une lecture, relecture à faire, refaire, à exploiter, à mettre en application le plus possible pour voir derrière les mauvais jours un simple mauvais jour et non une cause de désespoir. J’aime beaucoup cette idée de guerrier et cette injonction de vie, ici vous pourrez lire le modèle du guerrier dans ce qu’il prévoit d’action et d’harmonie du corps et de l’esprit.
Une très belle relativité des choses est proposée par Dan MILLMAN lui-même. Et ici vous lirez le pourquoi du livre. Et pour vous faire une idée de ce que propose Dan MILLMAN c’est aussi ici.
La p'tite nénette me rappelait aussi qu’il y a eu un film tiré du livre, « Peaceful warrior ». A voir, c’est sûr ! En attendant, le premier pas du guerrier est la désillusion, voyez plutôt.

Gisèle de verre


J'en avais parlé il y a quelques temps et je ne peux que confirmer mes envies de garnir la bibliothèque familiale de livres jeunesse, pas décalés, mais différents. Différents par les thèmes ou plus exploitables: « Gisèle de verre » de Béatrice ALEMAGNA reste ainsi un livre magique.


Très beau livre-objet, illustré de découpages, coloriages, dessins ou calques, permettant à chaque fois une illustration simple et une plus métaphorique. Nous y découvrons une enfant née de verre, attrait de toute la population car nous pouvons lire en elle littéralement.


Toutes ses pensées sont offertes à son entourage. Seulement après l’attrait, elle est expulsée parce que ces idées et réflexions ne sont plus aussi douces qu’avant et va partir par le monde chercher accueil.
Cette histoire se relit avec plaisir et soulève de bien nombreuses questions. Le refus d’être confronté aux désarrois des humains, même nos proches. « Celui qui écoute la vérité n’est pas inférieur à celui qui la dit » de Kahlil GIBRAN en est le fil conducteur. Plus insinueux, le refus de considérer les enfants comme des personnes confrontées elles-aussi à des prises de conscience fulgurantes mais aussi en dehors de cette étape du développement normal, refus de croire qu’un enfant ne vit pas dans une bulle ouatée, pleine de rêves, d’insouciance. J’y vois aussi cette malsaine attirance des foules pour les êtres hors norme, une foire à monstres. De normes physiques nous en sommes aux normes de non-handicap ou psychologiques (sans compter les raciales toujours à la dent dure !). L’autre fait peur et le regarder en face, le respecter n’est pas encore évident !

samedi 26 septembre 2009

Le gourmet solitaire

« Le gourmet solitaire » de Jiro TANIGUCHI et Masayuki KUSUMI est une BD sans action apparente, nous suivons un homme d’affaires, célibataire la plupart du temps, qui, à la moindre occasion, entre dans les restaurants de quartier…il aime la gastronomie de tous les jours.



« Il faut un sacré courage pour entrer la première fois dans un restaurant inconnu, quand on y pense. Et je ne parle pas d’entrer dans un de ces restaurants hyper chic dans un pavillon traditionnel aux murs passés au brou, ni dans un de ces restaurants français qui vous refusent l’entrée si vous n’êtes pas en smoking-cravate.
Non, je veux parler d’entrer dans un de ces restos tout ce qu’il y a de plus banal. Enfin, « banal »…Les tenanciers n’apprécieraient sans doute pas qu’on traite leur établissement de « banal », mais je veux dire un de ces petits bistrots comme il y en a partout avec un plat du jour tel foie de porc à l’ail à la poêle à 680 yens, salade de tofu froid inclus, ou une de ces gargotes de soupe de nouilles ramen plus demi-portion de riz cantonnais à 600 yens. Ce genre d’endroit devant lequel, la première fois, vous vous posez la question : « Entrerai-je ? N’entrerai-je pas ? »
(…)
Provoquer une certaine appréhension, en fait, c’est le premier critère pour qu’un restaurant soit « bon ». Un restaurant doit conserver une part d’ombre, des recoins peu clairs, une atmosphère plus ou moins tendue, une aura mystérieuse et sombre. Même dans un bistrot sans prétention, il faut que les clients restent suffisamment sur leurs gardes pour qu’en cas de mauvaise cuite ce ne soit pas là qu’ils aillent se sentir mal, se battent ou fassent du grabuge. Une sorte de système de contrôle automatique de l’inconscient des clients.
Cela fait dix ans que je prends plaisir à rechercher les bons bistrots et les bons restos, ceux qui me plaisent à titre personnel, pas parce qu’on en parle dans les magazines ou à la télé. Quand j’en découvre un, vite je veux parler de ce plaisir, même si je sais très bien que ce plaisir est aussi lié à cette appréhension qu’il m’a fallu affronter, en frissonnant. Je veux le recommander à tout le monde..et je ne veux en parler à personne. Ce sentiment, est-ce que vous croyez que ces abrutis qui vont faire la queue devant un restaurant parce qu’un guide gastronomique en a parlé peuvent le comprendre ? »



Si vous êtes de ceux-là et que la cuisine japonaise (un peu familial) vous tente, n’hésitez plus. Vous en aurez l’eau à la bouche…



Unagi-don (bol d’anguilles grillées sur riz)



" Oeuf de saumon à la sauce de soja, marinés à la sauce de soja, les oeufs de saumon bien gros, belle quantité. Pousse de ginembre rose. Navet. Algues nori des rochers: ce sont des nori cuites à la sauje de soja, là encore c'est copieux. Peau de tofu crue à la kyôtoïte: fourrée à la ciboulette, servie avec une sauce "ponzu" vinaigre et agrume sauvage. Le riz a l'air un peu lourd. Bol d'anguille grillée sur du riz (servi vec un bouillon clair au foie de poisson et légumes confits au sel): tronçon d'anguille plutôt court, joli aspect glacé, bien gonflé."


Manjû (petit gâteau cuit à la vapeur)

Shumai (bouchée vapeur à la viande)


Mamekan (haricots noirs sucrés en gelée)


"Les haricots noirs: bruns, à gros grains, appétissants et vraiment fondants. Sauce au miel noir mais sans goût entêtant, plus léger; doux sans être trop sucré. La gelée: translucide avec effet moiré."



Bol de riz garni "à la ENOSHIMA"

"Turbo cornu cuit dans sa coquille. Pré-découpé sans assaisonnement. Légumes confits au sel: deu légumes différents; aucun commentaire particulier. A vue de nez ça a l'air d'être un bol de riz "oyako" (avec poulet et oeuf) dans un bol très évasé, beaucoup de lamelles d'algue "nori "et peu de riz. Soupe miso au crabe: une moitié de crabe trempé dans la soupe. Ca fait de l'effet mais le miso est plutôt fade."



Je ne peux qu’encourager Lu Fanni à continuer sur sa lancée et nous proposer encore d’autres « gourmande solitaire », le 1 et le 2 .

Il ne faut pas oublier que dans ce manga, en suivant ce solitaire, nous déambulons dans le Japon populaire, nous nous mêlons à la foule et le voyage culinaire en devient aussi sociologique. Vous pouvez lire le billet très bien fait de Pollanno ici .

Le musée du silence




« Le musée du silence » de Yoko OGAWA : Un jeune muséographe est embauché pour répertorier, classer et conserver des objets incongrus : objets du quotidien dérobés appartenant aux défunts du village. Nous entrons tout de suite dans une atmosphère pesante (froide ou étouffante) d’une société banale mais non sans secret. Des côtés pratiques liés à la réalisation d’un musée, nous passons par la vie saugrenue d’une société et l’enlisement dans un trafic pas très sain.

Ce roman pourrait être glauque mais la lecture est continue : comme le narrateur, nous recherchons quelque chose sans savoir de quoi il s’agit. Il est peut-être question de silence : un silence profond en soi quand tout autour est bruyant « Les prédicateurs sont à la recherche du silence, pas de l’interdiction de parole. Le silence doit exister en nous, pas autour. ». Une certaine recherche de plénitude, une reconnaissance de ce pourquoi nous sommes ici. Il n’y a pas de noms prononcés, juste des fonctions (la jeune fille, la vieille dame, le jardinier, la femme de ménage, le prédicateur…la ville… la place).
L’idée de transmission aussi m’a beaucoup touchée. Une transmission matérielle, émotionnelle, mais pas celle que nous croyons. L’objet destiné au Musée du silence n’est pas légué par la famille…il est « arraché » au défunt, comme si la seule mémoire possible d’autrui est ce que nous lui subtilisons et non ce que l’autre veut bien nous transmettre. L’objet est symbolique mais pas dans la représentation que nous nous faisons de son propriétaire mais dans celle qui perdure au-delà de la mort.

*oeuvre photographique de Dave Mc Kean
« En dehors du hall d’entrée, je voudrais détruire cette remise au bout de l’aile à l’est pour en faire un espace de repos avec un sofa. Cela donnera une couleur à la visite et permettra de se reposer de la « fatigue du musée ».
- Parce qu’on se fatigue en venant au musée ? Ce n’est pourtant pas un travail pénible.
Elle balançait ses jambes qui n’arrivaient pas jusqu’au sol.
- Oui, c’est vrai, la distance à parcourir n’exige pas une grosse dépense d’énergie. Mais un musée est source de tension nerveuse spécifique. Parce que c’est la confrontation, dans le calme, des objets exposés et des visiteurs. A plus forte raison si ces objets sont hérités des défunts. »


Une bonne résolution me reste après la lecture : ne m’occuper dans ma vie que de ce que j’ai acquis par moi-même. L’héritage, c’est peut-être cela, laisser aux autres le soin de conserver leurs passés et futurs fantasmés et ne partager que notre présent commun.

Pour avoir une idée de cette auteure, n’hésitez pas à lire l’avis sur un autre de ses livres de Katell ici et le très complet billet pour ceux qui voudraient se lancer à corps perdu dans son œuvre.

vendredi 25 septembre 2009

Radhika, la petite hindoue

©Chrystel PROUPUECH/ Mila Editions

Voici le second livre/activités de Chrystel PROUPUECH:

« Radhika, la petite hindoue » reprendra la spiritualité hindouiste, les karmas, l’encens,
©Chrystel PROUPUECH/ Mila Editions

le passage au temple, un repas et les saris. Sur le cahier d’activité, des kolams, portes bonheur,
©Chrystel PROUPUECH/ Mila Editions

et des têtes de marionnettes indiennes, sont présentés. La partie découverte du peuple est plus importante que pour le petit Ndébélé.

*source kolam

Kobé, le petit Ndébélé d'Afrique du Sud

©Chrystel PROUPUECH/ Mila Editions

Il y a-t-il un âge pour l’ouverture d’esprit ? Je suis persuadée que non. J’ai eu un coup de cœur pour la série de livres-activités de Chrystel PROUPUECH. Ils emmènent les enfants vers d’autres pays avec leurs mots à eux et une bonne dose de culture.
A chaque livre, l’enfant est pris à parti par un autre, le héros du livre, qui parle de son pays, son histoire, ses coutumes, ses occupations etc…avec un cahier d’activité. Ils s’adressent à des enfants de 10 ans et plus.

Voici le premier:

« Kobé, le petit Ndébélé d’Afrique du Sud » vous proposera de parler de l’Apparteid,

©Chrystel PROUPUECH/ Mila Editions

de la fabrication d’une maison,
©Chrystel PROUPUECH/ Mila Editions

des couleurs de décorations de ces dernières, des esprits, des anneaux autour du cou de sa maman et de sa poupée Milingakobé.
©Chrystel PROUPUECH/ Mila Editions

Dans son cahier d’activité, vous pourrez reprendre les motifs de décors des maisons et faire un jeu de dominos.
*source photo

Le têtard mystérieux


Un autre livre recommandable pour nos petits chenapans à mettre sous un arbre décoré (ou sur le bras d’un fauteuil) : « Le têtard mystérieux » de Steven KELLOGG.


Un vrai petit délice de surprise. Louis est un petit garçon très intéressé par les curiosités de certains cabinets… corail, bois de cerf, coquillages sont pour lui des précieux. Et comme chaque année pour son anniversaire son oncle Mc Allister vivant en Ecosse lui fait parvenir une petite merveille. Et ici oh surprise, un têtard qui très vite ne répond plus aux normes réelles… ce ne sera pas une grenouille. Ce livre, très ancré dans la réalité, jours d’école, repas, ablutions, amène sa magie par ce gentil monstre… du Loch Ness. Mais comment garder ce gigantissime ami, même docile et domestiqué, les espaces de vie sont réduits et le zoo est proche.

Je ne sais pas ce qui attire notre lutin dans ce livre mais il aime le fait de cacher le monstre, de pleurer pour le garder avec soi… de le passer d’un bocal à une baignoire etc…


Ce petit conte reprend quelques notions de contes pour enfants : piraterie, monstre, découverte d’un trésor, en le rendant presque plausible.
Le têtard est effectivement créé comme un monstre gentil, son regard affectueux et confiant en son jeune maître, inconscient des drames possibles, le rend presque peluche, animal de compagnie. Le caractère effrayant est à peine suggéré. Les illustrations, toutes douces, mettent en valeur cette peau de monstre de toutes les couleurs, camélon affectif...
Les contextes de vie sont ici considérés comme pour un adulte, espace de vie, argent mais bien entendu avec des solutions d’enfant.
J’y aime aussi ces aspects sciences naturelles à même de partir vers d’autres lectures et découvertes, entre "La Hulotte" et découverte de la préhistoire… et puis juste une dernière chose, votre enfant aime les hamburgers !, alors espacez vos lectures !

En allant plus loin dans cette relecture du mystère du Loch Ness, il y a le très beau film "Le Charmant Dragon" de Jay RUSSELL… entre réalité et mythe. Avec ce petit de poche là, cela nous fait donc deux Nessy à la maison…