jeudi 27 septembre 2012

Brise glace

"Brise glace" de Jean-Philippe BLONDEL est un roman pour adolescent avec tout ce qu'il faut de sensibilité. J'ai suivi l'auteur après une lecture très émue de son "Baby-sitter", roman pour adulte. Et je viens de finir "G229"... il me fallait bien écrire sur au moins un de ses livres.


Aurélien a 17 ans et tente de longer les murs pour ne pas se faire repérer dans cette nouvelle ville. Il est à la limite, depuis 4 ans. Il se veut transparent mais aussi comme tout le monde.
Thibaud, le gars le plus cool de la classe, vient un jour à sa rencontre. Il l'invite, le côtoie, provoque la discussion. Il ne lâche pas le morceau. C'est sûrement un recruteur de secte, il a dû ressentir l'adolescent en plein désarroi. Et pourtant non. Il veut devenir son ami et mieux, ou pire, il veut devenir son brise-glace... un effet de style de son texte de slam.

"- C'est différent du tableau de Friedrich. Le mec, il était en haut de sa montagne, et il allait redescendre, découvrir une autre existence, bonne ou mauvaise, il n'en savait rien.
- Et alors? Où est la différence?
- Nous, quand on va redescendre, on va reprendre notre vie où on l'a laissée.
- Je n'y crois pas une seconde.
- Comment ça?
- A partir du moment où on est présent dans l'existence de l'autre alors qu'avant, on n'existait pas, tout est modifié. Tu veux une cigarette?"

Comme souvent, Jean-Philippe BLONDEL entre dans l'univers des adolescents, des désillusions mais aussi des espoirs. Il incise, donne de la consistance mais aussi des couleurs et une bolée d'air.
Aurélien survit. Il n'est plus le roi de son monde, le meilleur ne reste pas à venir. Il est seul, le seul, et survit. Il est empêtré dans la culpabilité, celle d'être resté, celle d'être le témoin, la marque d'un drame. L'oppression, les émotions qui glacent, le frisson qui arrive par vague et le rire qui n'est plus dans la gorge comme le symbole de l'enfance et de la vie. Ce court roman est fait de tout cela.
Mais l'amitié reprend, la confiance comme les possibles trahisons. Les émotions retrouvent vie, redonnent de la pulsation, le sang recircule. L'amitié et l'amour peuvent sauver de la solitude adolescente. Il ne suffit pas toujours de relativiser les drames mais plutôt de donner corps, de donner de la voix (des mots), de s'engager... à nouveau.

Je ne reste pas indemne après la lecture des œuvres de BLONDEL. Il y a toujours entre les lignes des vagues d’émotions, des ombres du passé, des histoires de survivance. Le billet d'"In cold blog" présente les thématiques de l'auteur et tout ce qui m'interpelle, me saisit.

mercredi 26 septembre 2012

Charles, prisonnier du cyclope

Nous attendions avec impatience le second volet des aventures de Charles dragonnet poète. "Charles, prisonnier poète" d'Alex COUSSEAU et illustré par Philippe-Henri TURIN nous ramène à Charles maintenant dragon libre et maitrisant le vol après des débuts difficiles. Il est pourtant un peu seul, il recherche l'amitié.

© Alex COUSSEAU et Philippe-Henri TURIN/ Seuil jeunesse

Oui, il y avait bien la mouche mais elle est morte. Il lui faut trouver un ami, un qui vit longtemps, un qui est grand et non minuscule. Charles part à la recherche au pôle nord... puis aux terres chaudes.

Dans cette aventure, Charles est beaucoup plus avenant... avec presque tout le monde mais dénigre bien les petites coccinelles. Elles meurent trop vite, ils les pleurerait trop longtemps... mieux vaut chercher un autre animal, plus grand... mais il va aller de refus en refus jusqu'à rencontrer le cyclope Polyphème (oui, oui le même que celui rencontré par Ulysse lors de son odyssée).
Et là, le danger gronde aussi...

© Alex COUSSEAU et Philippe-Henri TURIN/ Seuil jeunesse 

L'amitié apparait dans l'entraide et le choix réciproque. Et Charles (oh, menteurs d'auteur/ illustrateur! ;) ), apprend enfin à cracher du feu...
Il y a toujours une gouaille des plus agréables entre les pages et des références, mythologique là mais aussi dans l'humour... comme une ombre de Chaplin (dans le perdu et gaffeur peut-être). Charles a l'esprit toujours alerte et en vers. Nous prenons énormément de plaisir à suivre son festin et à découvrir les états d'esprit de ce petit insatisfait.

© Alex COUSSEAU et Philippe-Henri TURIN/ Seuil jeunesse 

Le travail de Philippe-Henri TURIN est encore plus abouti. Charles est toujours aussi chenapan et détaillé... écailles par écailles, ailes souples et plantes de pied. Mais c'est encore plus les attitudes du dragon et surtout les luminosités qui restent même après la fermeture du livre. Dont un magnifique contre-jour!!!!

samedi 15 septembre 2012

Le lièvre et la tortue


Rien ne sert de courir; il faut partir à point.
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.
Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
Si tôt que moi ce but. Si tôt ? Êtes-vous sage ?
Repartit l'Animal léger.
Ma Commère, il vous faut purger
Avec quatre grains d'ellébore.
Sage ou non, je parie encore.
Ainsi fut fait : et de tous deux
On mit près du but les enjeux.
Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire;
Ni de quel juge l'on convint.
Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire;
J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint
Il s'éloigne des Chiens, les renvoie aux calendes,
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D'où vient le vent, il laisse la Tortue
Aller son train de Sénateur.
Elle part, elle s'évertue;
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire;
Tient la gageure à peu de gloire;
Croit qu'il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s'amuse à toute autre chose
Qu'à la gageure. À la fin, quand il vit
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit
Furent vains : la Tortue arriva la première.
Eh bien, lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi l'emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?

Fable de LA FONTAINE (illustration d'Arthur RACKHAM, bien-sûr)

jeudi 6 septembre 2012

Quelques minutes après minuit

© Patrick NESS et Jim KAY/ Gallimard jeunesse

 
"Quelques minutes après minuit" de Patrick NESS d'après une idée originale de Siobhan DOWD et illustré par Jim KAY est un roman fantastique (mais pas que) coup de poing. Il se lit en une slave, une slave d'angoisse, de tension, d'émotion.

Conor est un enfant de 13 ans prenant avec ferveur son rôle de soutien auprès de sa mère malade. Il tient bon, prépare son petit-déjeuner, et montre même au quotidien une logistique du foyer digne d'un adulte.
Ce soir, quelques minutes après minuit, le vieil arbre au centre du cimetière à côté de la maison prend des allures de monstre. L'if prend vie et sera le partenaire terrifiant de rendez-vous nocturnes.

"Conor cligna des yeux. Plusieurs fois.
- Tu vas me raconter des... histoires?
Absolument, répondit le monstre.
Conor regarda autour de lui, incrédule
 - Mais... en quoi est-ce un cauchemar?
Les histoires sont les choses les plus sauvages de toutes, gronda-t-il. Les histoires chassent et griffent et mordent."

Sa mère, atteinte d'un cancer, ne réagit pas très bien aux derniers traitements. Sa grand-mère vient pour aider la famille et même le père, parti aux États-Unis pour fonder une autre famille, reapparait pour quelques jours. Conor ne veut pas d'eux. Il est assez grand pour s'occuper de lui et de sa mère et puis ce père n'est pas venu depuis si longtemps, qu'a-t-il à partager avec lui.

Entre cette vie de jeune adolescent, solitaire au collège et presque adulte à la maison, Conor se débat avec le désespoir, la honte d'être mis en marge des autres enfants, la tristesse de voir sa mère perdre ses moyens.


© Patrick NESS et Jim KAY/ Gallimard jeunesse

Mais le monstre ne lui fait pas peur, il s'en moque presque... le pire est bien le véritable cauchemar, la vérité, celle qu'il devra raconter à cette manifestation de bois.
L'if vivant vient et revient à 00h07. Les histoires se succèdent ainsi que ces rencontres menaçantes et c'est toute la méchanceté qui se redéfinit, se montre sous un regard neuf, là où on ne la percevait pas. Les émotions de Conor sont alors illustrées, exultées, remises dans le contexte et... assumées.
La vie n'est pas que justice, la vie ne se résolve pas par des rêves... grandir c'est aussi lâcher prise et ne pas se culpabiliser.


© Patrick NESS et Jim KAY/ Gallimard jeunesse

Jim KAY offre là des illustrations obsédantes. Des vues nocturnes, faites d'encrage, de gravures, de taches d'encre. Le tout est végétal mais plutôt griffant comme des branches à même la peau.
Ces images noires apportent la texture fantastique, un côté terrifiant, mystérieux et aussi une immensité qui dépasse Conor. Le monstre apparait ainsi sous une iconographie forte et perturbante. L'if aux mille noms, dont Cernunnos, Herne le chasseur, l'éternel homme vert, retrouve sa vitalité carnassière, son appétit de mort... et de vie.

mercredi 5 septembre 2012

Le cartable rêveur

Pendant que tu étais
Sur la plage, cet été,
Ou bien dans la forêt,
As tu imaginé
Que ton cartable rêvait ?
Il rêvait d'avaler
Des crayons, des cahiers,
Puis d'aller comme on vole,
Sur le chemin de l'école.

Carl NORAC (illustration de Jean-Jacques SEMPE du "Petit Nicolas")