vendredi 23 mai 2014

Leviathan

C'est assez complexe de parler du travail de Jens HARDER. Il y a trop à dire... Sans vous les commenter vraiment, j'ai acquis "Alpha... directions" et "Béta... civilisation, tome1". Puis ce "Léviathan", écrit bien avant. Ses albums sont sans parole. Celui-ci aussi à part des extraits mystérieux en exergue de chaque chapitre.

© Jens HARDER/ l'an 2

"Léviathan" est un exercice de style du dessinateur fou, une déclinaison d'un thème sur 140 pages. En suivant des références littéraires et d'actualités diverses, il propose un album aux pages bi-chromiques alliant dynamique, emphase et encyclopédie.

Le léviathan est ce monstre mythique des mers profondes, un temps cette créature imaginaire inventée par les premiers explorateurs, puis le nom désignant la baleine avant de mieux la connaître. C'est surtout un cachalot que nous suivons là. Le cétacé s'en prend aux pécheurs, se venge d'un navire de croisière remplis de touristes à la beaufitude hébétée, nage avec un éléphant retournant à l'Arche de Noé ou fait chavirer le navire Pequod comme la baleine blanche Moby Dick. Il est le témoin privilégié du naufrage du Titanic, des jours de cauchemars des survivants sur le radeau de la Méduse.
A travers cette histoire, discontinue, le cachalot nage, danse, se cabre, saute, virevolte. Il passe en fluidité à travers des vignettes disparates et des références éclectiques: bestiaire catholique, conte fabuleux, Léviathan personnage du pouvoir créé par Thomas HOBBES et illustré par Abraham BOSSE.

© Jens HARDER/ l'an 2

D'ailleurs c'est aussi cela les albums de Jens HARDER: des emprunts stylisés d'une iconographie mondiale, anthologie d'un bestiaire marin, selon par exemple le religieux Olaus MAGNUS, le monstre marin en habit d’évêque, Gustave DORE mais aussi d'autres références de la bande dessinée moderne. Le dessinateur montre aussi une rigueur importante quand au détail de la faune marine.
Le Léviathan apparait, mange le bestiaire fantastique, se réinscrit dans une réalité de la chaine alimentaire des abysses, se délecte d'un plésiosaure puis s'idéalise ailleurs.

© Jens HARDER/ l'an 2

Cette bande-dessinée offre de multiples lectures, juste pour les yeux, après avoir pris connaissance des références littéraires, dans sa contestation sociale, sociétale, religieuse ou simple et géniale accumulation iconographique.

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Une très bonne nouvelle, l'album "Moby Dick" d'après Herman MELVILLE, adapté par Fouca DABLI et illustré par Jame's PRUNIER a été réédité et ce avec une nouvelle couverture:


mercredi 21 mai 2014

"Et pourtant elle ne sait rien faire d'autre que s'asseoir, prendre son biberon et dire "areu". - Maintenant nous sommes deux


"Assise dans sa chaise haute, Lulu n'arrêtait pas de jeter son hochet par terre. Je le ramassais, je lui rendais, alors elle éclatait de rire, puis elle le jetait à nouveau. Elle riait comme si on lui faisait des chatouilles.
Mamie nous regardait depuis la cuisine avec un drôle de sourire. Un sourire comme quand elle avale une gorgée de café. Ou comme quand elle regarde un film qui la fait un peu pleurer, ou encore comme quand elle serre fort maman contre elle."

(extrait de "Maintenant nous sommes deux" de Antonio MALPICA et illustré par Mélanie RUTTEN)

mercredi 14 mai 2014

PROBLEMES - Allô Jésus, ici Momo


"- Dans la vie, je n'ai jamais de problèmes, répète la mère de Doumbia. Dès que j'en vois un arriver, je m'assois dessus.
Elle a cousu sur un coussin, en grosses lettres, le mot "PROBLEMES" et c'est avec grand plaisir que, tous les jours, elle l'écrase avec ses fesses."
(extrait de "Allô Jésus, ici Momo" d'Eric SIMARD, source du très beau coussin victorien pieuvre)

mardi 13 mai 2014

Ma mère est une sirène où les mots sont parfois comme les poissons, difficiles à pêcher

La collection "Trimestre" des éditions Oskar propose des ouvrages toujours aussi justes. Par année, ce sont quatre albums aux textes courts mais riches et aux illustrations très particulières d’aplats de couleurs et de dessins, donnant à chaque fois un style gravure ou croquis et une belle bichromie.
© Benoît BROYARD et Laurent RICHARD/ Oskar

"Ma mère est une sirène où les mots sont parfois comme les poissons, difficiles à pêcher" de Benoît BROYARD et illustré par Laurent RICHARD est une tranche d'émotion.
Thomas se demande où est partie sa maman. Luc, son père, n'est pas bavard. En rentrant de sa journée de pêche, il prend son temps pour réparer les filets. Il faut le laisser travailler, ne pas le déranger. Oui mais l'enfant veut savoir et le papa ne veut pas montrer ses larmes, ce serait trop dur pour son fils.
Alors Thomas imagine sa maman redevenue sirène par malédiction à sa naissance. Il va aller lui parler, au fond de l'eau, elle va le cajoler et lui expliquer. L'enfant imagine des retrouvailles, une rencontre. Ce ne sera pas dangereux, la maman est sirène, il est donc à demi-poisson et puis en plus, elle viendra vite à sa rencontre.

© Benoît BROYARD et Laurent RICHARD/ Oskar

L'album présente ce manque de communication entre le père et le fils, une difficulté à dire l'indicible, une envie de ne pas culpabiliser, de ne pas amener plus de malheur. Le silence n'est pas un manque d'amour
A travers cette métaphore, l'eau est l'inconnu et l'attente pour l'enfant mais aussi le lien avec ses parents, le déclic. Un filet de pêche peut peut-être attraper une sirène et dénouer les larmes et les mots.
© Benoît BROYARD et Laurent RICHARD/ Oskar

Le travail de Laurent RICHARD est lui aussi une fantasmagorie. Le réel et l'imaginaire sont ainsi repris avec des croquis, des découpages bruts et des dessins à l'encre d'une science naturelle, d'une imagerie féérique ou de dessins industriels. 

lundi 12 mai 2014

"A vue d'oeil" ou "Nappe comme neige"....

J'ai souvent eu du mal avec les livres pour les tous petits. Je leur trouvais quelque fois tous les torts: images pas intéressantes, histoire sans saveur et si texte il y avait, pas de sensibilité (contrairement à sensiblerie). Mouais, je devais être d'une mauvaise foi profonde, il me fallait tout: ne pas prendre l'enfant pour un attardé et appâter, en plus, sa curiosité.

Je crois ne pas être totalement guérie et pourtant certains livres pour les tous petits me plaisent énormément. Bon, faut-il confirmer qu'ils viennent d'une maison d'édition pour le choix éditorial de laquelle j'ai beaucoup d'affinité. La collection "L'oiseau sur le rhino", sélection "Les hirondelles", des éditions Notari nous offre ainsi de petits livres au vrai parti-pris artistique et d'étonnement.

© Jennifer YERKES et Marion FAYOLLE/ Notari

"A vue d'oeil" de Jennifer YERKES est un petit album sans texte et même sans histoire. Ce sont des doubles pages d'illustrations stylisées.

© Jennifer YERKES/ Notari

La première page présente sur fond blanc une forme colorée géométrique. Et juste après, la seconde permet la surprise d'une insertion dans une illustration. La forme devient quelque chose, une partie d'un tout. L'intérêt du livre est justement dans cette apposition.

© Jennifer YERKES/ Notari
Jennifer YERKES ne se contente pas de reprendre l'aspect géométrique et d'y trouver une vue qui va de soi, le rond n'est pas un ballon mais un bouton aux quatre trous de fil. Elle demande une pause, une seconde pour comprendre, pour retourner le livre. La surprise de retrouver la forme initiale est alliée à une construction nouvelle du réel.

"NAPPE comme NEIGE" de Marion FAYOLLE joue aussi sur le visuel avec cet abécédaire humoristique.
Chaque lettre bénéficie d'une double page (ou plus pour certaines). La première offre les premiers abords d'un abécédaire conventionnel: A comme aubergine, B comme bouteille ou O comme oeuf. Mais juste après la lettre correspond à un autre mot et l'illustration de ce second reprend aussi le premier. C'est un choc visuel et un étonnement garanti.

© Marion FAYOLLE/ Notari

Et puis les illustrations racontent maintenant des histoires loufoques et drolatiques: des crottes de cailloux, des déluges de diamants.

© Marion FAYOLLE/ Notari
C'est ainsi une autre proposition de mise en perspective, de pause sur le réel. Cela peut même être une porte ouverte sur quelques questions d'actualité et de quoi les mettre à distance.

Merci aux éditions Notari pour toujours, encore, me faire confiance.

mercredi 7 mai 2014

La colo

Pas moyen de publier ce billet pendant les vacances, bah tant pis! Je profite de ce dernier long week-end de mai! Allez, un petit tour dans les aventures enfantines ou adolescentes s'impose! "La colo" de Rémi COURGEON vous mettra dans l'ambiance.

© Rémi COURGEON/ Mango jeunesse

"C'est en déménageant que je l'ai trouvé, au fond de la bibliothèque: mon journal de colo.  En l'ouvrant, un parfum d'enfance a envahi la pièce. J'entrais par effraction dans les secrets de ce petit Moi oublié. L'été de mes neuf ans courait sur le papier, s'échappait d'entre les fautes d'orthographe et éclatait dans ma tête en fines bulles de mémoire."

© Rémi COURGEON/ Mango jeunesse

Page après page, ce sont des anecdotes, des jeux idiots ou dangereux. Le garçon y décrit ses aventures, ses exploits avec effectivement de ses petits secrets à dévoiler à son propre enfant (le risque, le rapport à la vie et la mort) mais aussi les premières sensations émoustillantes.
Les pré-adolescents apparaissent dans leur quintessence avec leur surnom, les rapports de force sans trop en faire et leurs fabulations.

© Rémi COURGEON/ Mango jeunesse

Rémi COURGEON prouve, s'il en avait encore besoin, qu'il maitrise cette évocation des émotions frétillantes de l'enfance. C'est réjouissant, avec un chouïa de frissons à même de finir la lecture et de partir dans le jardin retrouver les copains et les jeux de la vie.
Et puis il y a la pâte colorée de cet illustrateur: des postures vivantes, du comique de situation, des effets de sens. C'est graphique, reconnaissable et toujours très actuel!
De quoi ne pas se priver de cet album disponible en petit format à prix tout doux.

mardi 6 mai 2014

Lieux de mémoire, lieux d'espoir...

Encore consommer des produits culturels, encore contribuer à éveiller la conscience, la mienne comme celle du plus jeune. Au même titre que la philosophie, à aborder très tôt, le débat et l'actualité sont à envisager avec des livres de très bonne tenue. "Lieux de mémoire, lieux d'espoir..." de Karine TOURNADE et illustré par Yann AUTRET est une ouverture sur notre histoire, au choix volontairement réduit et subjectif.

© Karine TOURNADE et Yann AUTRET/ Oskar

Quatorze lieux sont présentés sur quatre pages, des villes mais aussi des monuments, des régions. De nombreux lieux sont symboliques d'intolérance, de massacres, de guerres, d'atteinte à l'humanité. Et pourtant oui, ils peuvent être chargés d'espoir, au moins celui de ne pas reproduire les mêmes situations.

© Karine TOURNADE et Yann AUTRET/ Oskar

Les exemples nous amènent à une conception du monde géographique avec les explorateurs, découvertes des continents avec le San Salvador, la conquête spatiale avec la lune, historiques avec l'avancée de l'homme sur terre (son plus ancien ancêtre trouvé dans le désert de Djourab) et dans ses accomplissements (l'écriture arrivée en Mésopotamie, les nouvelles technologies à la Silicon Valley).
Quelques lieux nous entrainent sur aussi ce qui fait les rapports humains, les alliances et les conflits, les guerres comme le pire du pire, (la colonisation pour l'humain, Sarajevo, Auschwitch), que les avancées scientifiques ont empiré (Hiroshima).
Et puis la barrière de corail emporte le sujet aussi sur la nature, la vie autour.

© Karine TOURNADE et Yann AUTRET/ Oskar

Ce n'est pas pompeux mais instructif: un bref résumé de la situation, les causes dans les décisions humaines, les alliances et les retombées encore actuelles.