mardi 29 novembre 2016

J'offre des livres jeunesse... pas vous? 2/ Spécial documentaires

Je suis persuadée que la curiosité des enfants se doit d'être entretenue... Les questions sur le monde sont un moteur d'envie et de vivacité. Les documentaires jeunesse forment une bonne part de notre bibliothèque jeunesse familiale. Les réponses sont ainsi faites par des passionnés, des passeurs de curiosité, et amènent aussi d'autres réflexions.



Une petite partie de notre bibliothèque...

Imagiers, leçons de chose, mise en pratique de la science, focus historique etc... Je vous laisse aller visiter le premier billet que je faisais là, en attendant un second.

dimanche 27 novembre 2016

J'offre des livres jeunesse... pas vous? 1/... Spécial filles

Les fêtes arrivent et j'ai des nièce et filleule, filles d'amis et connaissance alors voici un premier billet sur les livres que j'aime offrir aux filles. Même si je n'aime pas la différenciation sexuelle des lectures, il faut avouer que j'ai tout de même une thématique pour justement ne pas se contenter d'être une fille.

Parce qu'il faut qu'elle grimpe aux arbres, s'écorche les genoux, danse, court et tire la langue.
Parce qu'elle doit restée curieuse et un peu effrontée... parce que je les aime corsaires presque plus que princesses.

(un lien est mis sur les livres dont j'ai parlé plus longuement ailleurs et les tranches d'âge ne sont qu'un indice - billet en cours mais il faut bien que je le publie avant de le rendre plus complet encore et inter-thématique)

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Pour les plus jeunes:
- des albums:
  Afficher l'image d'origine Zizi chauve-souris, tome 1 : Cheveux rester par Trondheim Zizi chauve-souris, tome 2 : 700 000 aventures par seconde par Trondheim  La Barbe Bleue ou conte de l'oiseau d'Ourdi par Fdida Le petit chaperon rouge ou La petite fille aux habits de fer blanc La Belle au bois dormant ou Songe de la vive ensommeillée Afficher l'image d'origine Le grand désordre par Crowther L'Enfant racine par Crowther

"Brindille" de Rémi COURGEON (ou se trouver une place, être pugnace pour enfin être soi)
"Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon" de Christian BRUEL, d'Anne GALLAND et illustré par Anne BOZELLEC (ou le questionnement sur les attentes parentales face aux garçons et aux filles)
"Le grand voyage de Mademoiselle Prudence" de Charlotte GASTAUT (ou l'aventure d'une enfant presque princesse)
"Pas belle" de Claude K.DUBOIS (pour parler de ce dictat de la beauté)
Les contes d'avant PERRAULT racontés par Jean-Jacques FDIDA, "Cendrillon ou La Belle au soulier d'or", "La Belle au bois dormant ou Songe de la vive ensommeillée" illustrés par Delphine JACQUOT, "Le Petit Chaperon rouge ou La Petite Fille aux habits de fer-blanc" illustré par Régis LEJONC"La Barbe Bleue ou conte de l'oiseau d'Ourdi" illustré par Jean-Jacques CACHIN
"Histoires de reines" de Camille VON ROSENSCHILD et illustré par Hélène DRUVERT (pour le choix de 5 personnages féminins de caractère: Pocahontas, Sissi impératrice, Cléopatre, Marie-Antoinette et la Grande Catherine)
"Le grand désordre", "L'enfant racine", "Annie du lac" de Kitty CROWTHER (parce que Kitty CROWTHER est merveilleuse dans les nuances des émotions)
"Zizi chauve-souris" de Lewis TRONDHEIM et illustré par Guillaume BIANCO (avec monstres, nuit noire, sang, chauve-souris... parce que les garçons ne sont pas les seuls à aimer)



Afficher l'image d'origine Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origine Fifi à Couricoura par Lindgren Fifi Princesse par Lindgren
- petits romans (à leur lire si elles ne sont pas encore lectrices)
"Fifi Brindacier" d'Astrid LINDGREN et illustré par Ingrid VANG NYMAN (ou l'effronterie, la spontanéité et l'espièglerie sont de mise, en 3 tomes)
"Les malheurs de Sophie" de la Comtesse de SEGUR, pas d'adaptation, le texte intégral ou certains épisodes (pour le plaisir des bêtises, d'une certaines idée de l'enfance et de la spontanéité) et si vraiment cela lui plait poursuivez la trilogie avec "Les petites filles modèles" et "Les vacances" (illustrations de Sophie de LA VILLEFROMOIT ou de Claire DEGANS par exemple)

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Pour les pré-adolescentes:
Afficher l'image d'origine Afficher l'image d'origine Afficher l'image d'origine Afficher l'image d'origine Afficher l'image d'origine  Les carnets de Cerise, Tome 1 : Le Zoo pétrifié par Chamblain Les Carnets de Cerise, tome 2 : Le Livre d'Hector par Chamblain Les Carnets de Cerise, tome 3 : Le Dernier des cinq trésors par Chamblain Les carnets de Cerise, Tome 4 : La déesse sans visage par Chamblain Afficher l'image d'origine Afficher l'image d'origine

 "Quatre soeurs", "Enid" et "Hortense" et "Bettina" (extrait) de Malika FERDJOUKH et illustré par Cati BAUR (ou la transmission entre filles et le passage de l'enfance à l'âge adulte avec 5 personnalités)
"Alice aux pays des merveilles" et "Alice de l'autre côté du miroir" de Lewis CARROLL (illustré par Benjamin LACOMBE, Arthur RACKHAM ou Rébecca DAUTREMER)
"Les Carnets de Cerise" de Joris CHAMBLAIN et illustré par Aurélie NEYRE (parce que Cerise est espiègle, curieuse, entreprenante et enquêtrice et qu'elle cumule les dessins et les écrits de ses émotions), 3 tomes indépendants.
"Le luminus tour" (pour la poésie des petits détails et les multiples références, pour ces indices de princesses, pour une Alyss), "Chapellerie pour dames de coeur, chats bottés et enfants songe" de Frédéric CLEMENT (micro-détail de l'émerveillement)

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Pour les adolescentes:
Afficher l'image d'origine Il était une fois les filles ... mythologie de la différence par Banon
"Miss Charity" de Marie-Aude MURAIL et illustré par Philippe DUMAS (ou une enfant grandit dans la curiosité scientifique et créatrice)
"Il était une fois les filles... mythologie de la différence" de Patrick BANON et illustré par Anne-Lise BOUTIN (pour que jamais plus il y ai une différence... arguments à l'appui)


Billet complété au fur et à mesure des découvertes (et des oublis)!
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liens click

jeudi 24 novembre 2016

"Il parlait anglais aux personnes, français aux chats et latin aux oiseaux." - Le ciel nous appartient

"Imaginez la nuit dotée d'une voix. Ou bien le clair de lune s'adressant à vous. Ou imaginez encore que l'encre ait des cordes vocales. Donnez à ces choses un visage fin aux traits aristocratiques et aux sourcils en pointe, de longs bras et de longues jambes, et vous saurez ce que la fillette aperçut quand elle fut extraite de son étui à violoncelle pour être mise à l'abri. Charles Maxim - ainsi se prénommait son sauveur - décida, en soulevant l'enfant de ses grandes mains, les bras tendus comme s'il s'agissait d'un pot de fleurs percé, qu'il la garderait."
(extrait de "Le ciel nous appartient" de Katherine RUNDELL, éditions Les grandes personnes; source Victorian Star Wars Picture de Terry FAN)
... ou comment faire un portrait (aide CM2)

mardi 22 novembre 2016

"Chaque mois, c'est quand même un peu casse-pieds..." - Quatre soeurs, Bettina


"- Quand une fille a ses règles pour la première fois, une mère est censée dire certaines choses.
- Quoi par exemple?
- Eh bien, il convient de dire : "tu es une femme, ma fille" ou "tu es grande maintenant, fais attention avec les garçons."
- Mais ce n'est pas ça que tu vas me dire?
- Ah si! Ce genre de propos peut encore avoir cours. Mais il y a ce qu'on dit plus rarement. Pour moi c'est comme porter, quatre ou cinq jours par mois, un diamant caché, même si tu es fringuée comme une voleuse de poules. C'est porter un objet précieux à l'insu de tout le monde, une plaisanterie très privée, rien qu'entre toi et toi.
- Une plaisanterie? Ah, tu trouves?
- Ce que je préférais quand j'étais encore de ce monde, c'était marcher sur la plage ces jours-là. J'avais la sensation que personne, sauf moi, ne pouvait comprendre avec une telle perfection les vagues et leur mouvement.
- Chaque mois, c'est quand même un peu casse-pieds...
- Ça dépend. Parfois tu penseras quelle idée! Quelle idiotie! Quel fardeau! Quel ennui! Et d'autres fois, tu diras quelle idée (mais sur un ton différent), quelle surprise, quelle chose étonnante! Parfois tu te sentiras délicate. ... d'autres fois incassable."
(extrait de "Quatre soeurs 3, Bettina" de Malika FERDJOUKH et mis en scène par Cati BAUR; édition Rue de Sèvres)

mercredi 16 novembre 2016

Mais toutes ces algues, là... ça me fait peur... - La poudre d'escampette


"On dirait les cheveux d'une sorcière...
Meuh non... il ne faut pas avoir peur... Ce ne sont pas ceux des sorcières... Ce sont les cheveux des créatures des ruisseaux... Mais reviens! Tu n'as rien à craindre d'elles! C'est pas comme les sirènes qui habitent dans la mer, qui chantent des trucs super beaux pour t'attirer au fond de l'eau... Celles qui habitent ici, elles sont toutes petites, et ce sont des grosses feignasses. Elles passent leur temps à dormir dans la vase.Elles adorent qu'on leur démêle les cheveux avec les doigts de pied... Si tu fais ça, elles t'enverront des petits cadeaux!"
(extrait de "La poudre d'escampette" de Chloé CRUCHAUDET; éditions Les enfants gâtés)

Carnet d'un imposteur


Ma lecture est partie de rien. Je n'avais pas lu "Le petit prince cannibale", récit de cette maman aux prises avec son fils autiste, encore uniquement dans son monde, et la société incapable de les aider. Je n'avais pas lu "L'empereur c'est moi", le récit de ce même enfant devenu adulte sur son enfance.
Je commence ainsi "Carnet d'un imposteur" d'Hugo HORIOT avec juste ce qu'offre là cet homme, dans les médias et sous la plume.

Hugo se dévoile par courts chapitres.
De cet enfant "atypique", qui ne parle pas. De celui que sa maman traine pour être parmi les autres, à la crèche, au parc, à l'école. De celui qui subit un monde qu'il ne comprend pas.
De ce jeune homme qui se construit une face, multiple mais surtout belle et aimable pour mieux se préserver et prêt à sortir les crocs si besoin est. De cet homme cherchant la maîtrise, de son art d'acteur, de cette couverture médiatique mais aussi de séducteur au monde et aux femmes. De cette sensibilité accrue, de ce désir qui n'accepte pas l'attente.
De cette faille nouvelle qu'est la paternité. Une possible blessure, une prise de risque, un nouveau défi pour découvrir son monde et ne pas jouer.

Mais ce n'est pas juste un témoignage. C'est une prise de position. Forte. L'homme est en réaction permanente, aux aguets, sur la défensive ou à l'attaque. Il a dû tuer l'enfant qu'il était, Julien. Il en est l'assassin, cet enfant sans parole, qui ne trouvait qu'incompréhension dans le regard des experts et pour qui le monde n'était pas déchiffrable. Sa naissance s'est fait par la violence. Il a choisi son entrée au monde ennuyeux des neurotypiques. Ne pas juste parler mais maîtriser le langage pour s'adapter. Refuser de s'intégrer mais forcer les autres à faire avec lui. Il parait sûr de lui, peut-être même affable mais c'est juste pour mieux nous observer. Cela peut être violent à entendre pour nous, autour d'enfants ou d'adultes comme lui, mais c'est tellement salvateur, pour eux.
"A Hugo maintenant de s'inventer une image, de porter un discours et de devenir une personne digne d'intérêt en adéquation avec la comédie sociale. Suffisamment dangereux et invisible: un monstre d'adaptation. Un monstre que personne n'enfermera et qui, un jour lointain, te protégera. Julien. Lui qui voulait juste rester un monstre aux yeux du monde.
Julien se rêvait en dragon. Hugo se rêve en homme. Ni Julien ni Hugo ne voulaient être un enfant."

Ce fut dur de parler de ce livre intense. Trop de choses à dire. Intense car de voyeur(s) que nous aurions pu être, nous devenons confident(s) interposé(s) et aussi presque dindon(s) de la farce.
Non, ce n'est pas un livre coup de poing, juste une claque pour ne pas avoir pris en compte la différence.

Merci aux éditions L'iconoclaste et à l’opération Masse critique de Babelio.
tous les livres sur Babelio.com

dimanche 13 novembre 2016

Le Chevalier au Papegau découvre la véritable identité du Chevalier Poisson - La grande épopée des chevaliers de la Table ronde

Attention extrait spoiler ou divulgâcheur... mais juste un chouilla, je vous laisse d'innombrables découvertes!


"Était-ce vraiment un chevalier? Arthur n'avait jamais rien vu d'aussi horrible! Le cheval était aussi gros qu'un éléphant, le cavalier aussi énorme qu'un géant! [....]
Arthur recula devant le Chevalier Poisson. Sa seule chance contre un adversaire si terrible était de le fatiguer et de le pousser à la faute. Rendu fou furieux par la résistance d'Arthur, le voilà qui sr démenait comme un ours pris dans un filet. C'était chose la plus stupéfiante au monde, car en tournoyant dans tous les sens et en frappant à l'aveugle, il avait abattu autour de lui une dizaine d’arbres et plus encore, si grands qu'il aurait bien fallu cent bœufs pour les tirer! [....] Les cris de ce terrible ennemi se changeaient en plaintes déchirantes, puis en gémissements bouleversants. Arthur en était ému. Tout à coup, homme et cheval s'écroulèrent, faisant une dernière fois trembler la terre. [....] Il se dirigea lentement vers les corps inertes. [....]
- Ce cheval n'a pas de tête!
Il voulut voir le visage de l'homme. Il saisit le heaume pour lui enlever.
- Voilà qui est étrange! Il est chaud!
Arthur tenta de l'arracher, mais c'était impossible! Il ne faisait qu'un avec la tête! Arthur examina le mort d'encore plus près. La peau était noire et pleine d'écailles comme celle d'un serpent.Et soudain, Arthur comprit: ce n'était là qu'une seule et même créature! Arthur avait entendu parler des centaures, ces êtres à corps de cheval, à buste d'homme. Peut-être celui-là était-il un centaure de la mer?"
(extrait de "La grande épopée des chevaliers de la Table ronde" de Sophie LAMOUREUX et illustré par Olivier CHARPENTIER, éditions Actes sud junior; j'en parle ici)

jeudi 10 novembre 2016

"[...] il lève les yeux vers le gamin qui vient de dire une phrase, une phrase où il est question d'écrire une lettre, comme si cela changeait quoi que ce soit, comme s'il y avait un but à ça." - Le coeur des hommes

"Ce gamin a quitté une bonne place sur une barque à rames, qui passe son temps plongé dans les livres [....] Bon à rien. Inutile. Tout comme l'homme assis face à lui, le directeur de l'école en personne. Est-ce la soif de poésie et de savoir qui les rends à ce point propres à rien?
Inutile. Oui. Bon à rien. Peut-être. Mais pas tout à fait, pas complètement, il est capable d'en aider certains, et à sa manière. Il a dans sa poche une lettre de Maria, ou un morceau de papier, la seule chose qu'elle ait pu envoyer, quelques mots qui expriment sa gratitude, et ses rêves. [....] Peu de choses comptent autant que de recevoir une lettre. Une manière de proximité habite les lettres, elles abolissent les distances et sont une compagnie précieuse et durable pour l'être humain, elles le réchauffent, longtemps après avoir été lues."
(extrait de "Le cœur de l'homme" de Jon Kalman STEFANSSON, folio; couverture étrangère de son nouveau livre "D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds"... le contre-courant, l'idée aussi de faire une part...)

... Non, non, je n'aime pas du tout cette trilogie. "Entre ciel et terre", "La tristesse des anges" et "Le coeur des hommes" sont à mettre dans toutes les bibliothèques. Et à chaque âge de la vie, leur lecture nous apportera encore et encore de précieuses bribes.
Tellement beaux, tellement puissants, que je n'ai pas réussi à en parler.

vendredi 4 novembre 2016

"A Tale of Two Cities. [....] Ce conte ne comporte que très peu de maladresses, que très peu de défaites, ce qui rend le travail du traducteur plus ardu, mais lui apporte plus de satisfactions." - Le coeur de l'homme


"Il y a beaucoup de force dans ce texte, déclare Helga lorsque le gamin a terminé les cinq pages, ces mots qu'il a puisés dans la langue pour bâtir un pont afin que les autres, mais également lui-même, puissent visiter des mondes lointains, des vies étrangères, des sentiments, visiter ce qui est l'existence. Les traductions, lui a confié Gisli, il est difficile de dire à quel point elles sont importantes. Elles enrichissent et grandissent l'homme, l'aident à mieux comprendre le monde, à mieux se comprendre lui-même. Une nation qui traduit peu et ne puise sa richesse que dans ses propres pensées a l'esprit étroit, et si elle est nombreuse, elle devient en plus un danger pour les autres car tant de choses lui demeurent étrangères en dehors de ses propres valeurs et coutumes. Les traductions élargissent l'horizon de l'homme et, en même temps, le monde. Elles t'aident à comprendre les peuples lointains. L'homme est moins enclin à la haine, ou à la peur, lorsqu'il comprend l'autre. La compréhension a le pouvoir de sauver l'être humain de lui-même. Il est plus difficile aux généraux de te pousser à tuer si tu comprends l'ennemi. La haine et les préjugés, laisse-moi te dire, sont le fruits de la peur et de la méconnaissance, tu peux noter ça quelque part."
(extrait de "Le cœur de l'homme" de Jon Kalman STEFANSSON, folio; couverture de Phiz, édition anglaise du "Conte des deux cités" de Charles DICKENS)

mardi 1 novembre 2016

"Est-ce là de l'enseignement, est-ce ce que tu appelles transmettre le savoir?" - Le coeur de l'homme


"Bon, alors, dit Gisli, et d'où le roi tient-il ce pouvoir immense qui consiste à accorder la grâce aux criminels, tu as commis un crime, assassiné un homme, tu t'es rendu coupable d'un vol, mais je te pardonne, qu'est-ce qui lui permet de dire une telle chose, d'où lui vient ce pouvoir? Je l'ignore. Ce n'est pas une réponse, tu dois faire un effort, ne jamais renoncer, allez, fais un effort! De Dieu? Du Démon? Bien, complimente Gisli, fichtrement bien, [....] mais peux-tu me nommer un individu, un être humain, qui aurait un pouvoir plus grand que celui du roi? Non. Eh bien, voilà une question qui mérite réflexion: si le roi possède tout ce pouvoir pour des raisons incompréhensibles, peut-il pour autant accorder sa grâce à celui qui revient sur sa parole, le roi peut-il gracier celui qui se trahit lui-même? [....] Est-ce là de l'enseignement, est-ce ce que tu appelles transmettre le savoir? [....] Je sais ce qui est important, et je vais l'enseigner à ce garçon, je ne faillirai pas à ma tâche, je suis trop lâche pour ça. Mais je compte le subvertir un peu, il faut dire qu'il s'y prête. [....] Que signifie se trahir soi-même? interroge Gisli qui poursuit son monologue sans la moindre hésitation, il interroge le gamin qui s'efforce de suivre les propos du directeur de l'école et s’emploie à chasser de sa pensée l'image de Geirbruour, cette femme qui est vieille sans l'être, et qui chevauche en ce moment à califourchon sur l'une des bêtes de Johann, loin du Village. Écoutez-moi ça, avait déclaré Arni au campement des pêcheurs, l'hiver précédent, lisant à haute voix un article de Pjooviljinn: Les femmes de la haute société à Paris, Londres et New York renoncent à monter en amazone et chevauchent maintenant à califourchon, avait répété Einar, agacé, où va-t-on, non mais, où va-t-on, on se demande franchement où va ce fichu monde!?
Le gamin ferme les yeux, comme pour s'échapper, l'espace d'un instant: Ne pas oser.
Gisli: Ha, bon, voilà, mais quoi, ne pas oser quoi?
Le gamin: Vivre. Ne pas oser parler. Ne pas oser avoir peur. Ne pas oser se battre et triompher des... des tempêtes qui nous agitent. Si on reste les bras croisés, on trahit tous ceux qui nous sont chers. Pour peu qu'on ait des êtres qui comptent pour nous, je veux dire, des êtres qui soient en vie. D'ailleurs, ça ne change peut-être rien, je veux dire, le fait qu'ils soient vivants ou pas. On doit également se garder de trahir les défunts, on doit aussi vivre pour eux, ils ne doivent pas rester prisonniers des ténèbres et du froid, ils ne doivent pas être oubliés au fond de l'océan."
(extrait de "Le coeur de l'homme" de Jon Kalman STEFANSSON, folio; source L'éperon photographie ancienne les femmes et le cheval)