jeudi 31 décembre 2015

L'encyclopédie curieuse et bizarre, Les chats par Billy Brouillard

Nous ne pouvions pas passer à côté. Dans le second tome de "Billy Brouillard, le petit garçon qui ne croyait plus au Père Noël"(dont je n'ai pas parlé, mince alors... et pas non plus du tome 3!?), Tarzan, le chat du chenapan était mort, se décomposait et Billy partait dans le monde fantastique de la nuit grâce à son don de trouble vue, pour découvrir où l'âme de son chat était et si le Père Noël pouvait le ramener à la vie.

© Guillaume BIANCO/ Soleil

Nous avons donc suivi avec bonheur Guillaume BIANCO dans ce nouveau chapitre, surtout que le lutin a maintenant à la maison une féline avec un sacré caractère. J'avais tout de même peur de retrouver dans cette "Encyclopédie curieuse et bizarre, les chats" des extraits des autres aventures, je vous parlais là de la première. Il n'en est rien (ou presque). Bien sûr nous retrouvons quelques éléments anatomiques déjà entrevus. Bien-sûr il est fait allusion à la mort de Tarzan. Mais le gros du contenu est inédit.

© Guillaume BIANCO/ Soleil

Le chat, ses super-pouvoirs, ses techniques de chasse, d’intimidation, de développement. Entre des éléments tout à fait réels, l'auteur offre toutes ses excentricités. Quelques pages magiques, de divinations et sortilèges. Mais surtout des pages de leçon de chose tarabiscotée avec le compte rendu de ce petit bonhomme scientifico-fabuliste qu'est Billy Brouillard. Des pages de comportement, de personnalité, de caricatures félines. Une chanson à mimer "Trois p'tits chats", une gymnastique féline à tomber par terre.

© Guillaume BIANCO/ Soleil

Une histoire aussi: Billy Brouillard nous explique qu'un chat est le meilleur ami d'un petit garçon. Nous découvrons comment il a choisi Tarzan dans la portée de chatons, comment celui-ci a perdu ses 8 premières vies. Le tout jeune Tarzan entrainera ainsi Billy la nuit, bien avant que ce dernier ai le don de trouble vue. Il découvrira la mission spéciale des chats, ces représentants félins et humains, leurs ennemis aussi.

© Guillaume BIANCO/ Soleil

Comme toujours Guillaume BIANCO n'est pas avare d'anecdotes scientifiques et d'autres toutes aussi alambiquées. C'est farfelu, un peu cabinet de curiosité sur certaines pages. Puis l'histoire met en avant l'amitié, même si elle est plus entre l'enfant et son animal domestique, mais aussi la prise de risque, le besoin d'imaginaire et de quoi surmonter quelques belles frayeurs enfantines. C'est le moins effrayant des albums de Billy Brouillard.
L'auteur interpelle aussi beaucoup ses jeunes lecteurs, leur proposant de le suivre, de compléter, de participer... en réel.

mercredi 30 décembre 2015

Veillées des 100 contes


"A l'époque d'Edo, les gens aimaient se réunir à la nuit tombée pour se raconter des histoires de fantômes et de monstres. Lors de ces "veillées des cent contes", il était d'usage de placer de l'huile dans une soucoupe avec laquelle on pouvait allumer cent mèches de lanterne. Chaque fois que l'un des participants avait terminé de raconter son histoire, on éteignait une des lanternes, de sorte qu'à la fin du centième conte la pièce se trouvait plongée dans l'obscurité - et c'est alors que se produisaient d'étranges phénomènes, disait-on.
[...]
Avec l'humour et l'inventivité qui le caractérisent, Kuniyoshi renverse une fois de plus les rôles entre les êtres humains et les monstres, lesquels, pris de panique, prennent leurs jambes à leur cou."

(extrait de "Kuniyoshi le démon de l'estampe" de Yuriko IWAKIRI)

mardi 29 décembre 2015

Dutch

Comme une envie de prendre dans mes bagages un livre dont je ne comprends pas un traitre mot. Une idée intéressante, des illustrations chouettes, une dose de leçon de chose et un soupçon de fiction (enfin il parait).


"Wonder van jou en je biljoenen bewoners" de Jan Paul SCHUTTEN et illustré par Floor RIEDER. Pardon?! Vous n'avez pas compris grand chose. C'est normal, même mes origines néerlandaises des barbes de la famille de m'aident pas...

*click sur la source où le livre est présenté... en néerlandais

Cette illustratrice a aussi offert sa version d'Alice aux pays des merveilles... hum à suivre


Rajout du 01/11/2016: ça y est, il est sorti en français. "Le mystère de la vie" est édité aux éditions École des loisirs

 

Brouillées (et père-fille) - Marzi 1989

Où, au détour d'une bande dessinée, des rapports filiaux se décrivent avec subtilité, douceur, exigence... ou le rapport au monde se dévoile aussi


"Je ne comprends rien aux histoires de ma mère. C'est pou ça que je ne réponds pas habituellement, surtout quand mon père n'est pas là. Mais quand je ne dis rien, pour ma mère c'est aussi grave. Elle pense que je refuse de lui parler car je me sens supérieure à elle. Je ne me sens ni supérieure, ni inférieure. Tout simplement, je ne sais pas pourquoi elle crie comme ça. Si je fronce les sourcils, ce n'est pas pour t'agacer encore plus, maman. Si je me mords les lèvres, ce n'est pas pour me moquer de toi. C'est juste que j'ai peur de ta colère. Parfois, quand tu me regardes, je me vois dans tes yeux, toute petite et déformée. Peut-être que tu me vois tout le temps comme ça. Si c'est le cas, je comprends pourquoi tu me méprises. Je ne suis pas belle dans tes yeux. Je ne suis même pas humaine. Je ressemble à une poupée de chiffon. J'ai plus de poupée de chiffon, mais je sais que comme avec tous les jouets, on aime bien s'amuser, mais aussi les tirer, vérifier leur résistance aux coups, on les maltraite... La différence, c'est que je suis en vie alors qu'eux ne sont que des objets. Je voudrais bien te l'expliquer, maman, mais je pense que ça va t'énerver encore plus... je préfère ne rien tenter du tout."


"Les yeux de mon père sont fatigués, plissés. Est-ce qu'ils étaient comme les miens, avant? Grands ouverts? Ils voulaient tout voir, tout comprendre, tout contenir? Est-ce que l'âge change la taille des yeux? La taille de la curiosité? Peut-être que moins de choses nous surprennent quand on grandit. Ou tout simplement, il y a des choses qu'on ne voit plus ou qu'on veut plus voir. Chez papa, ça doit être la fatigue. Et ses grandes poches le confirment. Elles sont bien gonflées, aujourd'hui et pas seulement les siennes. C'est propre aux adultes. C'est l'endroit où ils rangent tout ce qui ne va pas. Tout ce qui les préoccupe, tous leurs soucis. J'aime les yeux de mon père. Rieurs et tristes en même temps. Tout le monde dit: tu as les yeux de ton père. N'importe quoi! Si j'avais les yeux de mon père, avec quoi il regarderait le monde?"


(extrait de "Marzi, 1989" de Marzena SOWA et illustré par Sylvain SAVOIA; Dupuis. Je parle du premier tome de l'intégral ici)

jeudi 17 décembre 2015

Les Ogres-Dieux: Petit

© Hubert et Bertrand GATIGNOL/ Soleil

Est-ce un intégral? Un premier tome? "Les Ogres-Dieux" de Hubert et illustré par Bertrand GATIGNOL n'en reste pas moins une entrée fracassante dans une atmosphère de violence aiguë.
Petit est un tout petit bébé, né comme une poussée de pets, sans que sa mère s'en rende compte ou presque. Sa mère est une ogre de taille moyenne et Petit, aussi petit qu'un bébé humain. Minuscule, comme un petit haricot blanc à leurs yeux. D'ailleurs, lors de ce festin royal, son arrivée provoque l'étripage de tous les convives: a-qui le gobera tout cru? Et bien ce sera sa mère, pour le protéger... de son père, cet Ogre-Dieu monumental, le Roi Gabaal.

© Hubert et Bertrand GATIGNOL/ Soleil

Il fut un temps où l'ogre était devenu si petit qu'il n'avait que deux têtes de plus que les humains. Le Fondateur était seul. Il tomba fou amoureux d'une châtelaine guerrière. Mais son amour enceinte, la nature du Fondateur jaillit... "Aussi, quand elle lui annonça qu'elle attendait un enfant, il fut fou de joie. Il posait son oreille contre le ventre de son épouse, écoutant battre à l'intérieur le cœur de l'enfant à naître. [...] Pourtant, le dixième mois écoulé, l'enfant n'était toujours pas né, et le ventre de la reine continuait à grossir. "Ce n'est pas normal, disaient les femmes assemblées autour d'elle. Il se passe quelque chose d'étrange." Le Fondateur se mit à changer. Il contemplait fixement l'énorme proéminence qui déformait la robe de son épouse. Ses yeux se détournaient quand elle cherchait son regard. Et l'on voyait parfois son sourire inquiétant flotter sur ses lèvres quand était évoquée devant lui l'étrange grossesse de son épouse. "Ne vous inquiétez pas. Il sortira quand il sera temps, répondait-il alors. Il lui faut encore grandir.""

© Hubert et Bertrand GATIGNOL/ Soleil

Se créer alors un nouvel arbre généalogique d'ogres. En choisissant les compagnes, en allant vers une consanguinité accrue, ils deviennent plus grands, plus robustes, plus bestiaux et, pour certains, presque éternels. Il y a bien deux ou trois aïeuls plus modérés, plus humanistes, explorateurs, comme cette Desdée, perdue pour la cause des ogres en raison de son amour pour la danse et son affection pour les humains. Mais Petit va devoir grandir. Il est peut-être destiné à de grandes choses, à faire un trait d'union entre les humains et les ogres ou à propulser ces derniers vers un futur moins dégénéré mais tout autant brutal, bestial, fou qu'est le monde des ogres. Est-il déterminé dans ses gênes à la folie?

© Hubert et Bertrand GATIGNOL/ Soleil

Cette bande dessinée de 170 pages environs porte le présent en chapitres et le passé en écrit avec quelques pages du livre des aïeux. Même si l'on attendrait une suite à cette histoire pour encore peaufiner les vengeances, trahisons et morts, ce tome est extrêmement puissant. Par la succession de ses pages en noir et blanc et ses écrits plus poussés proposant une hérédité et un envolée maléfique de cette race. Le noir devient rouge sang même sur les lèvres des pires ogres-dieux, il apparait visqueux. Le blanc se croit poudré ou luisant de sueur et pas du tout candide ou pur.

© Hubert et Bertrand GATIGNOL/ Soleil

Les Ogres-Dieux sont magistraux, cruels à souhait et les scènes entre eux et les humains époustouflantes. Les ogres mangent les humains, vous ne le saviez pas? Ils ont même créer des fermes et des protocoles de sélection pour une chair encore plus agréable. Vous saviez aussi que les hommes sont leurs esclaves. De petits insectes qui déambulent autour d'eux, faciles à expédier d'une pichenette.
Les Ogres-Dieux offre ainsi un panel des défauts bien humains: volonté de puissance, folie, sexe, femmes juste bonnes à engendrer la vie, bonnes âmes un peu paumées, pas très fortes à survivre dans un monde cruel. Et si vous croyez voir dessinés certains personnages historiques (Raspoutine, Colomb et d'autres), ce ne sera pas forcément une vue de l'esprit.


dimanche 13 décembre 2015

Marzi, la Pologne vue par les yeux d'une enfant

Bande dessinée découlant d'une rencontre, celle d'un français Sylvain SAVOIA, et d'une polonaise, Marzena SOWA. Il écrit et dessine de la bande dessinée, elle lui parle de son enfance et Marzi nait. La couverture de ce premier recueil, comprenant les quatre premiers tomes de l'aventure, ne me donnait pas forcément envie. Une ruée historique et politique, mouais. Mais en l'ouvrant, la bande dessinée est extrêmement addictive, autant pour les jeunes lecteurs que pour les adultes.

© Sylvain SAVOIA et Marzena SOWA/ Dupuis

Marzi est fille unique d'un couple habitant un immeuble dans une ville ouvrière de Pologne. Nous découvrons son enfance par bribes. Des moments de classe, de jeux d'enfants pas vraiment sages mais que nous ne pouvons pas détestés. Qui n'a pas appelé l’ascenseur juste pour embêter un adulte à un autre étage? Marzi se raconte, la famille chez qui elle va, les cadeaux offerts par le tonton, les premières boucles d'oreilles, la télévision, les jouets de pauvres ou de riches, les jeux d'extérieur.
Un enfance un peu comme toutes les autres. Et bien non, elle ne connait que sa vie mais le quotidien d'une petite polonaise des années 1980 est bien différent du notre. Les priorités ne sont pas les mêmes: se nourrir en Pologne communiste en ce temps-là, c'était ravitaillement primaire, tickets de rationnement, files d'attente pour acheter un produit unique (de quelques heures à une nuit, voire même à quelques semaines en se montrant tous les matins pour l'appel des clients). Nous nous émouvons devant un réfrigérateur, des oranges ou un collier de papier toilette. Certaines rencontres la déstabilisent, une cousine née en France venue au pays en vacances, tellement différente avec son paquet de mouchoir en papier.

© Sylvain SAVOIA et Marzena SOWA/ Dupuis

Et puis il y a la politique et son actualité. Présente en filigrane mais à demi-mots. Les adultes n'en parlent pas dehors, juste chez eux et les parents de Marzi ne lui disent rien. Il y a la télévision mais la gamine ne comprend pas. La guerre est déclarée le 13 décembre 1981, les tanks défilent, les "zomos" chassent les grévistes des usines, il faut des papiers d'autorisation de circulation dans la région. Marzi en saisit la tension, la peur de se faire massacrer ou de devenir une petite espionne. Mais elle reste dans le flou.
Ce qui transpire plutôt ce sont les astuces des polonais pour faire face. A la pénurie alimentaire en ramenant des provisions de la campagne, en cultivant un petit jardin même le week-end, en organisant un mini-marché noir "au prix des voisins", en se donnant le mot d'une nouvelle livraison au magasin, en se reléguant dans les files d'attentes. La religion prime aussi, un chemin balisant la semaine, la vie même. La messe, la première communion, des carpes en aquarium de baignoire, une certaine forme de communication.
Le plus fort reste la solidarité, les amis et la famille. Dans des appartements minuscules, ils accueillent, préparent des festins, partagent, discutent, déplument les oies, prient, chantent et chantent encore.

En suivant le regard de cette enfant, tout en pan de petits bonheurs apparait. Une vie est dure mais accompagnée. Et Marzi est pleine de vie.

"Ma mère se plaint toujours que je suis une rêveuse incorrigible, que je m'intéresse pas aux choses de ce monde, que la réalité c'est pas mon truc. Mais je sais qu'elle a tort. Je regarde les petites bêtes qui vivent dans l'herbe, je fais des gâteaux de boue, je m'occupe du jardin quand il faut. Tout ça, c'est terrestre. Et si j'aime bien monter dans les arbres, c'est pour m'éloigner de la terre, c'est juste pour mieux observer la vie qui s'y déroule."
© Sylvain SAVOIA et Marzena SOWA/ Dupuis

Un quotidien trivial mais aussi empli de poésie, de réflexion. Marzi petite gamine grandit. Ses premiers intérêts comme les jouets, la décoration de sa chambre, deviennent plus complexes, jalousie, solitude, peur pour sa famille.

"C'est injuste de n'avoir personne à qui parler! Mes voisines, Monika et Ania sont deux, même trois avec la petite Magda. Ania et Andrzej sont deux aussi! Tout le monde vit en tandem! Moi, je suis seule avec les histoires qui naissent dans ma tête, avec mon lapin qui me regarde avec pitié! C'est plus facile quand on est deux. On peut se rassurer et rigoler, on peut confronter nos idées et trouver des réponses.Alors que là, je me moque de mes propos et j'en pleure, je m'autocritique, j'ai peur..."
© Sylvain SAVOIA et Marzena SOWA/ Dupuis

"Marzi" est une magnifique proposition. Dans ses souvenirs d'enfance, il y a bien sûr une autobiographie mais la Pologne se découvre dans ce qui fait sa chaleur. Peu à peu nous comprenons quelques éléments de son contexte politique et surtout les moyens mis en avant par ses habitants. La résistance électrique à la boutonnière comme résistance politique, la nuit et les bougies contre la vision imposée d'une seule communication propagandiste. Et Lech Waleza arrive: le second recueil "Marzi, 1989" semble être plus tourné vers l'actualité de ce pays. A suivre!

Ce premier intégral comprend: Petite carpe, Sur la terre comme au ciel, Rezystor, Le bruit des villes.

jeudi 10 décembre 2015

Les oiseaux seront nombreux et la mer retirée - Falaises

*source Michelle MORIN

"Cette vie ne m'a guéri de rien, elle était juste possible, quand aucune autre ne l'était, et surtout pas celle que je venais de quitter. C'était une vie de silence et de vide, d'absence et de présence aigüe aux choses, aux variations de la lumière, au mouvement immobile des eaux, aux parfums, à la texture de l'air. C'était une vie où enfin je trouvais une place, en retrait de toutes choses mais tranquille, un corps que l'on emplit d'air et d'embruns, un cerveau qu'occupent tout entier le bruit de la mer et du vent, la fréquentations des oiseaux. J'écrivais parfois. [...] Les années ont filé ainsi, je passais l'automne et l'hiver à sillonner les côtes, à me saouler de vent, à me perdre sur les sentiers, à mâchonner des herbes et à dormir dans les rochers, à boire du whisky tandis que l'air me rabotait la peau, à écrire des lives qui paraitraient six mois plus tard."

(extrait de "Falaises" d'Olivier ADAM, Points éditions de l'Olivier)
...

Oui encore un extrait, je ne sais pas parler des romans en ce moment. Pourtant j'aimerais, de celui-ci comme d'autres... en attendant voici ce qu'en dit Lily ici.

mercredi 9 décembre 2015

A soupçonner un mensonge dont nous n'avons jamais su ce qu'il recouvrait - Falaises

 
"Que savons-nous de ceux qui nous embrassent alors que nous ne sommes encore que des enfants? Rien. Nous les embrassons en retour et c'est tout, on les serre du plus fort que l'on peut et ils nous répondent en nous serrant plus fort encore."

"Mon frère a disparu et au fond, d'année en année, de rencontre en rencontre, d'escale en escale, c'est ce qu'il semblait faire. Je le reconnaissais un peu moins chaque fois, ses gestes anciens s'effaçaient sous de nouveaux, ses sourires, ses attitudes, son visage sous d'autres sourires, d'autres attitudes, un autre visage. Mon frère changeait comme on s'efface, se recommence et, dans ce processus irréversible, bientôt je fus la dernière trace d'une vie passée, et qu'il voulait oublier."

(extrait de "Falaises" d'Olivier ADAM, Points éditions de l'Olivier)

samedi 5 décembre 2015

C'est drôle, comme on se sent mieux quand l'exemple à suivre est imparfait - Le Premier Été

"Antoine plaisante à propos des monos qui se sont déguisés avec des chapeaux en papier et du maquillage de clown, il dit qu'ils font pitié. Je devine à l'instant qu'ils ont fait ça exprès, justement pour nous faire rire, qu'ils ont pris délibérément tout le ridicule sur eux, pour que les ados se sentent mieux, se sentent supérieurs, différents. Ce sont des adultes. Ils peuvent se permettre d'avoir l'air idiot. Ils assument la bêtise pour nous laisser l'intelligence. J'ai envers eux un mouvement subit de reconnaissance, une bouffée de gratitude. Je suis écrasée sous le poids de ma propre sagesse. Je voudrais qu'on m'ampute du cerveau."

(extrait du "Premier Été" d'Anne PERCIN, Actes sud Babel)

mardi 1 décembre 2015

Un bob bleu rayé de blanc - Un minuscule inventaire

"C'est mon premier ami, je crois.

Bien sûr, il y a les copains d'enfance, tous ces gens avec lesquels on grandit et qui déteignent sur vous. Les camarades de classe ou de bâtiment avec lesquels on joue au foot dans la cour ou au croquet sur des terrains de fortune, ceux avec lesquels on monte dans les marronniers et on court sur les corniches.
Bien sûr, je me souviens de tous leurs noms et des moments que nous avons passés ensemble. Mais je me souviens aussi de l’imperceptible éloignement, de réflexions lancées par ces prétendus amis et qui, sans raison apparente, se mettent à se heurter aux toutes premières convictions faites de relents de séries télévisées et de premières lectures. Non, je ne pense pas que Danny Wilde soit plus fort que Brett Sinclair dans Amicalement vôtre. Non, je ne pense pas que lire des histoires, ce soit uniquement pour les filles. Non, je ne pense pas que Rocheteau soit le meilleur joueur de Saint-Étienne. Je ne crois pas non plus que la musique, ce soit sans réelle importance.

Une affirmation progressive.

[...]
Un samedi, c'est le mois de juin - Christian Lapierre m'a demandé si je voulais aller au lac en vélo. Nous avons fait quinze kilomètres sous un soleil de plomb. Il porte une sorte de bob bleu rayé de blanc, ce serait ridicule sur la tête de n'importe qui d'autre, mais sur lui, c'est élégant."

(extrait de "Un minuscule inventaire" de Jean-Philippe BLONDEL, éditions Robert Laffont)