samedi 27 octobre 2012

Le grand voyage de Mademoiselle Prudence

Il me fallait choisir deux livres pour l'anniversaire de jumelles, copines du lutin. Leur goût va énormément vers le rose et les princesses. Je voulais trouver des livres lumineux, ciblés filles mais pourtant pas gentillets. J'ai volontairement laissé de côté les belles robes et les couronnes pour aller sur le terrain de la féminité.

 © Charlotte GASTAUT/ Flammarion

"Le grand voyage de Mademoiselle Prudence" de Charlotte GASTAUT est une parfaite proposition. Très peu de texte, où, d'ailleurs, seule l'intention est importante, et beaucoup d'ouvertures vers l'imaginaire.

Prudence est une enfant échevelée, à la chambre en grand désordre (quoique). Elle y vit dans cette pièce, cela se voit, elle est investie, les dessins de princesses sont punaisés sur les murs, les livres éparpillés par terre. La fille est demandée, ses parents l'appellent, allez la "belette", range ta chambre et vient.
Mais non, les paroles des adultes sont comme un brouhaha informe et elle nargue les réprimandes. Elle va partir, mais seule.

© Charlotte GASTAUT/ Flammarion

Oui, espiègle, elle traverse les pages, vole dans les airs, plonge dans un océan, parcours la jungle en liane. Les doubles pages sont autant d'univers colorés et merveilleux. La végétation est vivante, mystérieuse et accueillante, la faune est végétale. La nuit, les animaux, les oiseaux, les créatures mystérieuses, ouatés ou non... elle découvre tout, rencontre, galope.
Elle, qui ne veut pas entendre la voix des parents, semble écouter la voix des songes et de la liberté. Elle ne veut pas ranger... ou si peut-être, après les rencontres, les rendez-vous pris pour d'autres aventures.

© Charlotte GASTAUT/ Flammarion

Les illustrations sont magnifiques et allient couleurs et enchevêtrements dans les rêves pour revenir à plus ordonné dans la vraie vie. Les découpages et transparence amènent aussi cette liberté de la vie et de l'imaginaire.

Ce livre, où fourmillent les détails, offre aussi des clins d’œil, par exemple le livre jeunesse "La croûte" de Charlotte MOUNDLIC et illustré par Olivier TALLEC sur un sujet pas simple.

Et pour mon second choix? Ce sera mon billet suivant...

jeudi 25 octobre 2012

Mon premier livre de peinture chinoise, Enfants, fleurs et oiseaux

© Fujing YANG/ Picquier jeunesse

"Mon premier livre de peinture chinoise, Enfants, fleurs et oiseaux" de Fujing YANG est un petit livre d'activité. Comme son nom l'indique, il donne des bases aux enfants pour peindre à l'encre leur premier sujet.

 © Fujing YANG/ Picquier jeunesse (c'était le lutin tout petit, la photo date de plus de 4 ans!)

J'aime beaucoup ce petit livre à spiral livré avec un petit pinceau. Il propose une explication très brève, mais suffisante au départ, de la tenue du pinceau et des effets attendus, par la pointe, par l'appui de la totalité du pinceau, par la proportion en eau et encre et par la couleur.

© Fujing YANG/ Picquier jeunesse

Puis pas à pas, les étapes sont présentés. De très nombreux modèles sont ici décrits et permettent de nombreuses peintures d'enfants joufflus, aux scénettes du quotidien (avec animaux de compagnie, la danse, la musique, la pêche, ...), de personnages  d'opéra mais aussi de très nombreuses fleurs (prunier, capucine, lotus, chrysanthème, ...) et quelques oiseaux (mainate, poussin, hirondelle, ...).

© Fujing YANG/ Picquier jeunesse

Et paradoxalement, les difficultés suivent ces thèmes... les plus accessibles sont les personnages, les fleurs et les oiseaux, eux, demandent une plus grande concentration sur les "techniques" du pinceau et de ses effets.

© Fujing YANG/ Picquier jeunesse

Ce livre est aussi décliné en paysages et animaux.


mardi 23 octobre 2012

Oreiller d'herbes... ou passer les 30 ans

"Ayant vécu vingt ans en ce monde, je compris qu'il valait la peine d'y vivre. A vingt-cinq ans, j'ai eu la révélation que la lumière et les ténèbres étaient les deux faces d'une même réalité et que partout où naît la lumière, de l'ombre tombe sur nous. Aujourd'hui à trente ans, voici ce que je pense: plus profonde est la joie, plus profonde est la mélancolie; plus grand est le plaisir, plus grande est la souffrance."

Natsume SOSEKI extrait de "Oreiller d'herbes"... et une année de plus dans cette dizaine.

Je suis un chat... le mochi

"Le morceau de mochi que j’ai vu ce matin est toujours là, avec les mêmes couleurs, collé au fond du bol. Je dois avouer que je n’ai jamais encore mangé de mochi. Il a l’air bon, et cependant il me met légèrement mal à l’aise. J’écarte de ma patte avant les légumes qui le recouvrent et je m’aperçois que mes griffes deviennent gluantes à son contact. Son odeur est celle du riz que l’on transfère de la marmite dans la boîte où l’on met pour le servir. Je regarde autour de moi, hésitant à le manger. Par chance, ou peut-être pour mon malheur, personne ne vient. La bonne, O-San, joue au volant, son visage indiquant qu’elle se moque de savoir si nous sommes à la fin de l’année ou au printemps. Dans une pièce du fond, les enfants chantent « que dis-tu, petit lapin ? » C’est maintenant ou jamais. Si je laisse fuir cette chance, il me faudra vivre jusqu’à l’année prochaine sans connaître le goût de ce qu’on appelle mochi. Tout chat que je suis, je comprends à cet instant une vérité profonde : l’occasion fait le larron. A vrai dire, je n’ai pas tellement envie de manger du zoni, et même, plus je regarde ce qui se trouve au fond du bol, plus je me sens mal à l’aise. Maintenant cela me dégoutte. Si O-San ouvrait la porte de la cuisine, j’abandonnerais le bol sans aucun regret et je ne me soucierais plus du zoni jusqu’à l’année prochaine. Mais voilà, personne ne vient, j’ai beau prendre tout mon temps, personne ne vient. Et je sens malgré tout quelque chose m’inciter à manger. Tout en contemplant l’intérieur du bol, je prie pour que quelqu’un se montre vite, mais personne ne vient. Il me faut donc manger du zoni. Enfin, faisant porter tout mon poids sur le bol comme pour y tomber, je plante mes dents fermement dans un petit coin du morceau de mochi. Avec la vigueur que j’ai mise à mordre, j’aurais dû pouvoir couper presque n’importe quoi, mais à ma stupéfaction, mes dents restent immobilisées quand je tente de retirer ma prise ! J’essaie de mordre plus profondément, mais je ne peux plus remuer les mâchoires. Je me rends alors compte que les mochi sont des démons, mais il est déjà trop tard. Comme un prisonnier dans un marécage se débat pour en sortir, plus je mords, plus ma bouche devient lourde, et plus mes dents sont progressivement enserrées. Elles ont bien prise sur le mochi, mais celui-ci ne cède pas et je ne peux plus rien faire. L’esthète Meitei a fait un jour observer à mon maître qu’il est insondable : c’est un sage remarquable. Ce mochi est aussi insondable que mon maître. Je peux mordre et mordre, cela n’a pas de fin, comme la division de dix par trois. J’arrive à une deuxième vérité profonde dans ce tourment : « Tout être vivant peut pressentir par intuition si une action est approprié ou non ». J’ai déjà découvert deux vérités, mais le mochi qui m’emprisonne en retire tout le plaisir, il happe mes dents qui me mettent au supplice comme si on les arrachait ; si je ne me hâte pas de couper ce morceau, O-San va arriver et les enfants, qui semblent avoir fini leur chanson, accourront certainement à la cuisine. Au comble du martyre, je secoue ma queue en tous sens, je dresse et couche mes oreilles, mais tout en vain ; d’ailleurs, ma queue et mes oreilles n’ont aucun rapport avec le mochi et je renonce quand je m’aperçois que je les agite en pure perte ; à la longue, je conclus que la seule chose à tenter est de repousser le mochi avec mes pattes de devant, et je donne d’abord quelques coups de ma patte droite près de ma bouche, mais le piège qui me retient ne se relâche pas pour si peu, je presse alors ma patte gauche et je décris des cercles furieux avec ma tête, en prenant ma bouche comme centre, mais cette danse ne suffit pas à conjurer le démon. Puis je me dis que la patience s’impose et j’appuie alternativement à gauche et à droite ; mes dents restent toujours collées dans le mochi. « Ah, ça suffit ! » m’emporté-je, et j’utilise mes deux pattes ensemble. A mon grand étonnement, je réussis à me tenir sur mes pattes de derrière, avec la vague impression de ne plus être un chat. Mais cela n’a aucune importance dans ma situation et, prenant la résolution de lutter jusqu’à ce que ce diable de mochi lâche prise, je me racle le visage dans tous les sens. L’agitation furieuse de mes pattes de devant me fait parfois perdre l’équilibre, que je dois rattrapper avec mes pattes de derrière, et je ne peux pas rester sur place ; je parcours ainsi toute la cuisine en bonds désordonnés. Modestie mise à part, j’arrive fort habilement à rester dressé sur deux pattes. Une troisième vérité m’illumine brusquement : « La nécessité rend ingénieux, c’est une grâce du Ciel. » J’ai été élu pour recevoir cette grâce, et je me débats toujours aussi violemment avec le mochi lorsqu’il me semble entendre un bruit de pas à l’intérieur de la maison."

extrait de "Je suis un chat" de Natsume SOSEKI (autoportrait de l'auteur)

lundi 22 octobre 2012

Mowgli



Rudyard KIPLING (illustration du "Livre de la jungle")
... oh ce dessin à l'encre si chère à mon coeur

Comptines de relaxation

"Comptines de relaxation" de Gilles DIEDERICHS, illustré par Nathalie CHOUX et interprété par Noémie BROSSET, Philippe WERCKER et Olivia HURTEBIZE est un livre audio que nous avons depuis quelques années. Quel dommage de l'avoir laissé dans les étagères sans en profiter au maximum. Il est destiné aux enfants de 2 à 4 ans, nous avions aimé l'écouter aux 3 ans du lutin, presque comme une histoire du soir racontée mais c'est encore plus maintenant, à l'aune de ses 6 ans qu'il est encore plus motivé, la connaissance corporelle aidant.

© Gilles DIEDERICHS et Nathalie CHOUX/ Nathan

Onze comptines amènent les enfants à se relaxer. C'est autant un livre à regarder pour les illustrations qu'une méthode auditive pour se détendre.
A chaque fois, le relaxologue utilise un comportement animal pour inciter l'enfant à suivre quelques mouvements doux, de base, permettant de relâcher les muscles, de détendre les tensions. Une petite mise en situation de l'animal est suivie de la comptine. Pour relâcher les parties du corps: le gorille et le renard pour les jambes, le kangourou pour les hanches, le singe pour le visage, le tigre pour le haut du corps. Mais aussi pour s'initier à la respiration attentive, consciente, à même de détendre après l’effort, de préparer l'endormissement, de lâcher les tensions.

© Gilles DIEDERICHS et Nathalie CHOUX/ Nathan

Les illustrations de Nathalie CHOUX sont toutes douces et très colorées. Elles apportent le compagnon animal mais aussi des étapes de la gestuelle. Les voix sont toutes douces et les musiques empruntant aux folklore mondial sont aussi très plaisantes... rythmes africains, harpe et cornemuse celtiques, didgeridoo australien, impression indienne d'Amérique ou du continent asiatique et des bruits d'ambiance (oiseaux, vents, vagues et végétation).

C'est un bon début pour démarrer les étirements, des bases de yoga et de la relaxation... de quoi aller vers la méditation (billet à suivre).

dimanche 21 octobre 2012

La Terre, la vie, l'Univers

J'aime beaucoup les documentaires pour la jeunesse. Ce sujet-là me plait aussi énormément car il représente les débuts de la vie, les débuts de notre histoire. Il répond parfaitement aux premières questions fondamentales à aborder entre 6 et 9 ans (et en cela je ne fais que suivre les Grandes leçons à la Montessori): la naissance de la terre, de la vie et de l'homme.

 © Jean-Baptiste De PANAFIEU et Mayana ITOIZ/ Milan jeunesse
 
"La Terre, la vie, l'Univers" de Jean-Baptiste De PANAFIEU et illustré par Mayana ITOIZ propose ainsi des doubles pages répondant aux questions cruciales. La formation de l'Univers, de la Terre, du Soleil et sa mort. Les étoiles, une autre planète habitable, l'évolution de la Terre. Les conditions nécessaires à la vie, les premiers signes de vie, les plantes, les animaux, les hommes et leurs évolutions.
Ce documentaire reprend avec un texte clair, précis mais pas trop long les éléments explicatifs. Ce sont des débuts de réponses (suffisantes aussi en soi) permettant de mettre l'accent sur l'une des questions abordées sans la retirer de son ensemble, création ou naissance, scientifique et non religieuse, évolution et mort. L'univers et le vivant sont réinscrits dans leur logique.

 © Jean-Baptiste De PANAFIEU et Mayana ITOIZ/ Milan jeunesse

Comme à chaque fois Jean-Baptiste De PANAFIEU propose une vulgarisation qui reste précise et scientifique. Le fait de choisir de répondre à des questions permet aussi plus de compréhension de la part des plus jeunes (6/8 ans). L'homme descend-il du singe? Quand la vie est-elle née sur Terre? Le Soleil va-t-il s'éteindre un jour?
Les illustrations de Mayana ITOIZ sont très belles, réalistes tout en étant stylisées, elles apportent l'aspect scientifique tout en offrant une vision plus enfantine.

Ce sont souvent les publications de ce scientifique que j'achète: il a l'art de parler aux enfants. Je ne peux que vous recommander ses focus aux éditions Gulfstream remplis d'humour et d'anecdotes propices à retenir les informations: "Les bêtes qui rôdent, qui rongent, qui rampent à la ville", "Les bêtes qui crachent, qui collent, qui croquent à la mer" dont je parlerais d'ici peu et "Humanimal, notre zoo intérieur" dont je parle là.

vendredi 19 octobre 2012

La couverture, une histoire en petits carreaux (de tissu)

"La couverture, une histoire en petits carreaux (de tissu)" d'Isabel MINHOS MARTINS et illustré par Yara KONO est un livre d'histoires... une histoire à raconter le soir avant de s'endormir. Une histoire encore plus jolie que toutes les autres lues au fil des pages des livres. Un grand coup de cœur!

© Isabel MINHOS MARTINS et Yara KONO/ Éditions Notari

Une grand-mère fortunée est morte. Elle possédait des châteaux, des terres, des bijoux mais la brouille familiale entourant l'héritage ne concerne que la couverture. La vieille dame dormait dans un immense lit et sur celui-ci une lourde couverture immense formée de petits carreaux de tissus apportait une pesanteur rassurante. Quand les enfants et petits-enfants dormaient avec elle, il n'y avait pas d'histoires du soir mais bien des histoires de vie.
"Chaque recoupe, une histoire. Quand nous indiquions une recoupe, grand-mère disait toujours:
- Ah, celle-ci n'a rien à raconter...
Mais après, elle commençait. Et le voyage était toujours émouvant."
... tel tissu venait d'un sac de plage, tel autre d'une pochette sur la robe de la maman où vivait un gnome...

© Isabel MINHOS MARTINS et Yara KONO/ Éditions Notari

Au travers des coutures, des tissus élimés, décolorés, ce sont des histoires d'autrefois, toute une oralité de la famille, des liens, de l'amour et de la vie.
Isabel MINHOS MARTINS apporte, à chaque livre, l'amour de ces instants précieux, une parentalité de petits bonheurs, de petits riens qui forment pourtant cette couverture imagée de chaleur humaine permettant à tout enfant de s'endormir, de jouer, de grandir en sécurité (affective). Ce livre est doux comme les bras d'une grand-mère. Il donne à sentir cet amour intemporel pour les personnes chers au coeur.
J'aime aussi cette priorité donnée aux sentiments et non aux biens matériels parce que oui, la couverture est matière, fabrication aimante, reconstruction, partage et reste en devenir.

© Isabel MINHOS MARTINS et Yara KONO/ Éditions Notari

Les illustrations de Yara KONO sont aussi comme des bouts de tissus. Des motifs prenant vie aux des tissus, donnant matière au réconfort. Des couleurs d'automne, des motifs évoquant des voyages, des naissances.

Merci infiniment aux éditions Notari.

lundi 15 octobre 2012

Lancelot du Lac

"Lancelot du Lac" de Anne-Laure BONDOUX et illustré par Joëlle JOLIVET est une bien belle proposition pour entrer dans l'univers des légendes arthuriennes.

© Anne-Laure BONDOUX et Joëlle JOLIVET/ Tourbillon

Lancelot a 17 ans quand il arrive à Camelot devant le Roi Arthur pour devenir Chevalier de la Table Ronde. Il est courageux, audacieux et très volontaire. Lancelot prête serment à son Roi et à sa Reine, Guenièvre. Mais rester fidèle à son Roi est une chose, suivre ses passions une autre.
Fils adoptif de Viviane, la Dame du Lac, il découvrira son véritable nom, l'amour et les choix douloureux.

Offert comme un petit roman, les chapitres sont courts mais offrent une histoire bien ficelée. A l'anecdote héroïque se rajoutent des encarts de fin de chapitre apportant aussi beaucoup à la compréhension. Ce ne sont pas juste les modes de vie au Moyen-Age explicités ou l'ascension au rang de chevalier mais bien les modes de pensée: loyauté au Roi, dignité et l'amour courtois qui ici prend une place de choix.

© Anne-Laure BONDOUX et Joëlle JOLIVET/ Tourbillon

Le choix de la quadrichromie dans cette collection apporte une approche épurée. Les illustrations de Joëlle JOLIVET sont magnifiques, les paysages stylisés pour mettre en valeur les attitudes des personnages. Les personnages d'ailleurs sont traités comme des éléments décoratifs inclus dans l'ensemble.

mardi 9 octobre 2012

Jason et la Toison d'or

Je profite de la sortie d'un autre épisode pour vous informer que, oui, la collection Milan jeunesse mythologie se met au petit format, couverture souple et prix doux (maintenant dans la collection "coffret à histoires")... oui, oui, oui "Thésée et le minotaure" dont j'ai parlé là et "Ulysse et le cheval de Troie" de Christine PALLUY et Aurélie GUILLEREY dont je vous parlerais sous peu... et celui-ci.

© Christine PALLUY et Aurélie GUILLEREY/ Milan jeunesse

"Jason et la Toison d'or" de Christine PALLUY et illustré par Aurélie GUILLEREY est encore une très belle proposition d'album illustré présentant un pan de la mythologie aux plus jeunes. Les textes sont assez courts et pourtant avec de la trame.

Le roi, père de Jason, est détrôné par son demi-frère Pélias. Pour sauver sa vie, la mère de Jason le confie à Chiron le centaure. Jason grandit et revient demander son trône. Bien-sûr Pélias ne veut pas et par peur de ce jeune homme à une seule chaussure, l'envoie voler la Toison d'or réputée garantir la fortune d'un royaume.
Jason aventureux accepte, fait construire le navire Argo et, accompagné des argonautes, part en Colchide. Parce qu'il leur a offert l'hospitalité avant de s'enquérir de leur visite, le roi du lieu Aétès ne peut pas tuer Jason et ses compagnons. Il ruse et offre la Toison en retour d'un combat de Jason contre des taureaux cracheurs de feu et des guerriers géants issus de dents de dragon.

© Christine PALLUY et Aurélie GUILLEREY/ Milan jeunesse

Ici encore la femme a une grande place, une déesse, Héra, pour protéger, une princesse, Médée, pour sauver. Cet épisode reprend ainsi quelques éléments de Jason, surtout axé sur la rencontre amoureuse, les duels entre le héros et des créatures fabuleuses et les astuces ou outils de victoire (ici une astuce et une crème d'invulnérabilité). Des détails sont absents ainsi l'histoire reste assez claire pour les plus jeunes lecteurs. Comme dans l'autre collection "Le fil d’Ariane", des détails significatifs sont repris en fin de volume ouvrant encore le monde mythologique et ses imbrications.

© Christine PALLUY et Aurélie GUILLEREY/ Milan jeunesse

Les illustrations d'Aurélie GUILLEREY sont toutes douces, claires. Les pages colorées au texte en surimpression offrent une immersion. Jason à la chevelure blonde et longue nous montre son plus beau profil... à l'image du fabuleux navire.
Une bien belle proposition.

mardi 2 octobre 2012

L'homme qui court

"L'homme qui court" de Michaël Gerard BAUER est une belle proposition.


Joseph est un garçon réservé, timide et transi de peur. Autour de lui des femmes, sa mère, la voisine pipelette, Madame Mossop, qui a un avis sur tout, l'autre voisine mystérieuse (les parents Leyton sont morts dans un accident, restent dans la maison les frère et sœur maintenant adultes et seuls)... les hommes sont assez absents: le père parti travailler très loin, le commerçant comme un réconfort clownesque. Joseph se débat entre solitude et cauchemars dont 'un est cette course poursuite, cette attaque, de l'homme qui court.

Sa voisine Caroline Leyton, un jour, lui propose des travaux de jardin et, pour son travail scolaire, de dessiner le portrait de son frère, Tom. Mais Tom est ce cinquantenaire cloîtré dans la maison familiale, il est mystérieux, invisible et peut-être dangereux, sûrement d'ailleurs, il est revenu se terrer dans cette maison, il avait été professeur, il a été renvoyé, il ne sort plus... Dangereux!
Sauf que, par défi, pour ne plus être considéré comme un peureux, pour "devenir un homme" fort comme le veut son père, Joseph va accepter.

Cette rencontre entre le bourru et l'enfant se délie au fil des pages. Du silence, des croquis, des regards puis de la curiosité pour l'intérieur de boites à chaussure... des œufs de vers à soie.
Ils ont l'air desséché, vide... et comme par volonté ils vont revenir à la vie. L'homme y croit et Joseph croit qu'il y a quelque secret derrière l'homme.

Et à travers les mots, ce sont les affres de la vie, les douleurs, les drames qui balafrent les corps. Tom se livre en offrant des bribes, en s'ouvrant de ses peurs, il revient cassé de la guerre du Vietnam. Joseph évoque ses souffrances... et cet homme qui court, affolé, dégingandé.

La métamorphose des vers à soie en magnifiques papillons enfermés à vie à l'intérieur d'une boite est un prétexte à la métamorphose des hommes: l'enfermé et sec Tom, l'enfant Jospeh... et pourquoi pas l'homme qui court au devant du paradis ou en fuyant l'enfer.
Le cycle de vie et les métamorphoses de l'homme suivant le court de sa vie sont ici magnifiquement retranscrits par les mots, les silences mais aussi le cycle de vie des vers à soi, les dessins de Maurits Cornelis ESCHER ou de Lynd Ward (ou la monstruosité humaine) mais aussi par les poèmes, de Douglas STEWART "Les vers à soie" et de John MILTON issu du "paradis perdu".
Faut-il donc croire aux miracles? Faut-il avoir la foi en dieu, en l'homme?

Merci à Anaïs et au Divan Jeunesse
Rajout du 10/06/2013: poème de Douglas STEWART sur les vers à soie, extrait du livre.

Frankenstein

*source de l'illustration de Lynd WARD

"Le deuxième dessin paraissait être une illustration, tirée d'une histoire. Il représentait un homme allongé sur le sol, autour d'une mare. [...] L'artiste avait représenté le personnage depuis un point de vue légèrement surélevé, si bien que son visage n'apparaissait pas nettement. Cependant, son reflet se voyait dans l'eau, et il paraissait fasciné, comme s'il le voyait pour la première fois. Tout comme l'homme de la gravure, Joseph examina le reflet; et c'est là que le visage qui se reflétait à l'envers dans la mare d'encre lui rendit son regard, les yeux écarquillés d'horreur.
[...]
- Mais qui est-ce? Est-ce que ça vient d'une histoire?
- Frankenstein.
- Frankenstein? répéta Joseph, incrédule, en se retournant vers le dessin. C'est Frankenstein? demanda-t-il, les sourcils froncés.
- C'est la créature de Frankenstein. Frankenstein était le nom du docteur qui l'avait créée.
Joseph regarda le visage du dessin avec encore plus d'attention. Il ne ressemblait à aucun des Frankenstein qu'il avait vus jusque-là. Pas de cicatrices ou de boulons, pas de posture bizarre, rappelant un robot, pas de visage fou, de sous-homme, difforme.
- On dirait un homme normal.
[...]
- Comme la plupart des monstres."
(extrait de "L'homme qui court" de Michael Gerard BAUER dont je parle là)