mercredi 30 septembre 2015

Les oiseaux globe-trotters

Je ne sais pas pourquoi j'imaginais juste découvrir le vol des oiseaux en ouvrant "Les oiseaux globe-trotters" de Fleur DAUGEY et illustré par Sandrine THOMMEN. En fait, ce n'est pas tant cela qui prédomine à la lecture. Le livre sous des airs simplistes est en fait très détaillé.

© Fleur DAUGEY et Sandrine THOMMEN/ Actes sud junior

Les oiseaux source de nombreux questionnements dans l'histoire, l'auteure évoquent certaines suppositions abracadabrantes: ils hiberneraient comme certains animaux, pour certains dans l'eau ou iraient l'hiver sur la lune. Puis elle apporte les premiers pas d'une connaissance ornithologique.
Les oiseaux se dévoilent par leurs noms, leurs "territoires", leurs migrations, leurs modes (de vie, alimentaire mais aussi aventurier ou casanier, diurne ou nocturne, changeant ou non lors de la migration).

© Fleur DAUGEY et Sandrine THOMMEN/ Actes sud junior

Puis ce défi, ce vol à travers les continents. La migration est explicitée par obligation alimentaire de certains oiseaux surtout les insectivores et les mangeurs de reptiles. Leur plumage leur permettrait pourtant de rester.
Les routes sont dessinées, du nord vers le sud mais pas seulement, certains vont en transversal. Et la diversité apparait encore plus
Bien-sûr il est question aussi de la mécanique du vol. Comment peuvent-ils voler si loin? si longtemps? sans manger? reviennent-ils? Nous apprenons les astuces des oiseaux. Ils se préparent: pour certains les plumes tombent pour se renouveler avant le vol, pour d'autres ils adoptent un régime gras pour avoir des réserves et d'autres encore transforment leur anatomie interne (les organes grossissent ou diminuent rapidement de taille).
Ils partent seuls ou groupés. Un beau matin, en suivant la météo et les signes du refroidissement, en suivant leurs gènes, ils vont vers un lieu inconnu encore d'eux ou bien délimité par les anciens qui montrent le chemin. Ils s'orientent grâce au soleil, aux étoiles ou au champ magnétique terrestre. Le vent les aide à traverser le désert (pour le vent du nord) ou les étendus d'eau mais aussi par ses colonnes d'airs chaud (importantes pour les planeurs). Les obstacles géographiques ou humains prennent alors une importance: les montagnes, les installations électriques mais aussi les détroits (moindre effort pour passer d'un continent à l'autre sans air chaud).

© Fleur DAUGEY et Sandrine THOMMEN/ Actes sud junior

La migration prend aussi des aspects bien personnels selon les espèces: un chemin court ou long, à faire le plus vite possible, avec pause ou sans arrêt majeur...

La migration est aussi un retour... pour nidifier tranquillement. Au fil des pages nous comprenons en quoi ces vols saisonniers, année après année, sont des prises de risque. Pourtant, les oiseaux partent et reviennent. Fleur DAUGEY amène aussi le positionnement des experts, des scientifiques, la question du réchauffement climatique et nous présente ce déluge d'oiseaux dans le Suffolk, au sud-est de l'Angleterre.

© Fleur DAUGEY et Sandrine THOMMEN/ Actes sud junior

Une superbe invitation à suivre la migration de tous ses oiseaux... des ouettes des Andes, des barges rousses, des chevaliers solitaires, des gobemouches noirs, des engoulevents, des roselins cramoisi, des tadornes de Belon, des puffins... Une description et des présentations des exploits.
Les oiseaux peints par Sandrine THOMMEN sont des silhouettes réhaussées de touches colorées. Ces oiseaux en vol partant vers le bord droit de la page sont en ligne pure et leur fausse simplicité apporte une légèreté, leur nom souligne leur courbe et c'est avec bonheur que les yeux circulent du texte aux envols.


lundi 28 septembre 2015

L'Odyssée d'Homère pour réfléchir

J'hésitais... je pensais faire un billet groupé afin de mettre en valeur la collection "Des mots pour réfléchir" des éditions Oskar. J'en ai beaucoup (et j'en commande encore). Et puis non, ce ne sera pas pour cette fois-ci.

© Isabelle WLODARCZYK et Marie De MONTI/ Oskar


"L'Odyssé d'Homère pour réfléchir" d'Isabelle WLODARCZYCK et illustré par Marie De MONTI permet de reprendre les moments forts de ce retour vers Ithaque avec de brefs résumés et offre de belles réflexions en double page juste après.
Mais quel intérêt de proposer une énième version de la mythologie grecque ? Justement. L'auteure, Isabelle WLODARCZYK, entraîne le jeune lectorat dans les us et coutumes de la Grèce antique. Les défis lancés par les dieux à Ulysse se conçoivent alors plus comme des règlements de compte et une obligation de la part du héros de s'y soumettre. Il doit suivre une ligne de conduite, en tant qu'homme, en tant que croyant et en tant que héros.

© Isabelle WLODARCZYK et Marie De MONTI/ Oskar

En décryptant les rencontres avec le cyclope Polyphème, avec Circé ou Calypso, en reprenant les erreurs de ses compagnons avec l'outre des vents, le troupeau de l'Ile du soleil ou les massacres des créatures fantastiques que sont Charybde et Scylla, les sirènes ou les Lestrygons, nous avançons dans une éthique de vie. L'Odyssée suit les grandes qualités que l'homme (et d'autant plus un héros) doit avoir à cette époque: le sens de l'hospitalité, la reconnaissance de la patrie ou l'héroïsme d'une vie.
Le livre se veut aussi interactif. Il propose une mise en situation pour les plus jeunes lecteurs et une question

© Isabelle WLODARCZYK et Marie De MONTI/ Oskar

Grâce à cela, une géographie se dévoile (au lecteur de retrouver certains lieux), une mentalité mais aussi des travers humains comme l'hubris condamnée (démesure ou vouloir plus que ce qui nous revient), l'orgueil ou la prétention d'un Ulysse qui ne veut pas être "Personne", la justice par soi-même, la fidélité (pas vraiment réciproque d'ailleurs). Nous découvrons ainsi qu'Ulysse a un fils autre que Télémaque, Télégonos, conçu avec Circé.
Nous entrevoyons aussi d'autres points de vue sur des concepts encore bien d’actualité: la barbarie, la manipulation qui flatte l'ego (les sirènes).

Encore une fois: une proposition de "Philo: des mots pour réfléchir" à mettre entre toutes les mains!

mercredi 16 septembre 2015

Le grand match

© Fred BERNARD et Jean-François MARTIN/ Albin michel jeunesse

Un album illustré sur un match de rugby, bouais. Mais "Le grand match" de Fred BERNARD et illustré par Jean-François MARTIN est une virée beaucoup plus intense qu'une simple confrontation entre deux équipes. Et tout de suite cela se sent. Il y a cette ambiance des ruelles, désertes. Et puis ces drapeaux avec un symbole bien proche d'une croix gammée.

© Fred BERNARD et Jean-François MARTIN/ Albin michel jeunesse

L’Équipe Nationale rencontre les Aigles Frères. La première n'est plus tout à fait celle d'origine: les juifs, les noirs, les homosexuels, les opposants au Guide ont déjà été éliminés. La seconde doit vaincre, pour l'honneur du gouvernement Fanultra en place. Mais rien ne se passe comme prévu. Volodia nous en parle, il y était, il a joué.
Portée par la foule, par la population, par ceux qui ont dû s'exiler pour survivre, l'équipe de Volodia suit son meneur, Eugenio, un jardinier passionné. Contre toutes attentes, au risque de leur vie, ils décident de gagner ce match, de résister.
Ils donnent tout. Leur arrêt de mort est au bout. A moins qu'il y ai un miracle.

La sueur, le sang, la hargne. Le match, les matchs se suivent. Les points adversaires et les leurs aussi. Combien de temps seront-ils épargnés? Les rugbymens se révoltent contre le fanatisme en place, avec leur moyen, le sport. Mais que peut faire une équipe? Changer le slogan pour se démarquer? Gagner? Et puis ce ne sont pas des professionnels.
"Dans les vestiaires, Eugenio sait d'un regard nous encourager et trouve les mots justes. [...] Poser nos mains sur son bonsaï encore, comme un talisman...
"Cet arbre est petit, mais il a la force des géants." Le temps de me faire la réflexion que, au moins, aucun homme ne peut être pendu à ses branches et je remets mon protège-dents avec la furieuse intention d'aplatir du fanultra et des ballons!"

© Fred BERNARD et Jean-François MARTIN/ Albin michel jeunesse

L'album est puissant, emporté par la dynamique des matchs, des courses, des coups, des ballons aplatis. Le rythme est juste avec comme un vrai journal, pour reprendre de plus belle. Le tout est puissant de résistance, de faiblesse et de force, de peur et d'espoir. Nous en sortons hors d'haleine.
Je retrouve aussi avec énormément de plaisir les illustrations de Jean-François MARTIN. Encore des couleurs sépia, porteuse d'une certaine réminiscence de temps lourds du passé (que du passé?!). Il apporte aussi énormément de force dans ces corps en mouvement, en déséquilibre et bousculés, choqués, écrasés, face à ceux lisses et immobiles des hommes de pouvoir. Le mouvement est pourtant en marche, dans le stade, dans les tribunes et sur les trottoirs.


Qui va rassurer Tounet/Tibou ?


"Tounet partit vers l'ouest sur ses pattes endolories, toujours aussi seul. Dans une clairière, un joyeux émule donnait une grande réception. On dansait sous les arbres et quatre manèges tournaient en musique avec treize mouchaillons qui tenaient des ballons. Tous les invités avaient accrochées des fleurs à leur queue. L'émule fit partir un feu d'artifice tout en savourant une grosse tartine au beurre et à la framboise. Personne ne remarquait Tounet, debout à la lisière du bois.
Qui va le rassurer et lui dire:
- Il faut entrer et dire bonjour pour qu'ils sachent que tu existes!"
(extrait de "Qui va rassurer Tounet?" de Tove JANSSON, édition Circonflexe ou pour une version plus récente "Qui va rassurer Tibou?" aux éditions P'titGlénat)

... émules, filigondes, touilles, mouchaillons, selve, trolls, La Mume, rican, touillette, dronte... ou les habitants de la vallée des Moumines
... à la lisière nous aussi, nous entrons et allons dire bonjour, pour qu'ils sachent que nous existons.
- Bonjour Moumine ou autre troll!