lundi 26 avril 2010

Le Salon du livre de Paris, angle jeunesse et éditeurs écolo-compatibles (il y a 1 mois)

Cela fait quoi ? 1 Mois? Oui bien cela, mes pas m’avaient amenée dans les couloirs de ce salon rempli de livres avec énormément d’envie.
Certains disent que nombres d’éditeurs ont séché par manque d’intérêt pour ce salon qui, en prenant de très grandes dimensions et de l’assurance, nargue la convivialité et les petits budgets des éditeurs. Moi, neuve d’une année à lire, à acheter, à découvrir la littérature jeunesse, je me suis régalée.

Je n’ai pas été aux dédicaces. J’ai pour cet exercice une certaine aversion. J’aime énormément d’écrivains, d’illustrateurs. J’aime leur travail, j’aime aussi leur investissement à nous faire plaisir individuellement dans ce gri-gri sur la page de garde. Mais je suis en manque. En manque de vraie proximité, de partage. En lisant leurs œuvres, ils m’offrent leur univers, leur imaginaire, leur humour. Je n’ai pas assez de temps pour en parler dans les deux minutes de signatures… parce que ce qui m’intéresse n’est pas la signature, ce serait une discussion réelle. J’en avais parlé là.
J’avais déambulé avec une ligne directrice : la littérature jeunesse. Furetant ici et là devant les stands des maisons d’éditions. Deux choses m’ont attirée plus précisément. Le stand du collectif Les éditeurs écolo-compatibles et la conférence « Littérature jeunesse, une littérature à part entière ».

Les éditeurs écolo-compatibles me sont sympathiques. Ils partent sur la voie d’une sensibilisation du public.
Je ne peux qu’être très, très contente de l’engouement des lecteurs pour la littérature jeunesse. J’aime cette profusion, j’aime les partis-pris de certains éditeurs offrant vraiment une autre approche du livre jeunesse, divertissement mais aussi ouverture sur une autre manière de voir le monde, de l’appréhender, de le saisir, de jouir d’un objet, de lire ou de regarder une image.
Mais il est vrai que nous ne connaissons pas le cycle de vie du livre, de sa fabrication à sa destruction (quelque fois fulgurante). Leur défi d’écologie éditoriale est donc important. Ils veulent même nous amener à nous questionner sur l’achat d’impulsion… pile pour moi, non ?!

En plus les éditeurs regroupés offrent de très belles propositions, je suis cliente de bien d’entre eux : Plume de carotte, Pour penser à l’endroit et La plageLa plage est très présente dans ma bibliothèque culinaire dont je parle ici et Pour penser à l’endroit est une des maisons d’édition qui m’interpelle beaucoup en ce moment. Leur ligne éditoriale est toujours d’ouverture vers une façon d’être, même pour les plus jeunes…
La conférence « Littérature jeunesse, une littérature à part entière » a été aussi un bon moment. Animée par Johanna LUYSSEN et avec Philippe DELERM (PDE), Anne ROBILLARD (AR), Marie DESPLECHIN (MD) et Timothée de FOMBELLE (TF) en participation, c’était déjà une bonne proposition, dommage qu’elle n’ai pas duré plus longtemps. Le public était assez présent, même au fond les personnages des "Chevaliers d'Emeraude".

La ligne directrice était bien la différence entre lecture jeunesse, littérature jeunesse et littérature adulte.
1/ Quelles sont les lectures de jeunesse de ces écrivains ?
Des livres ouvertement pour les enfants, des collections vertes ou roses, mais aussi des lectures foncièrement pour adultes, des documentaires, des romans ardus, des bibliographies ou même des catalogues commerciaux preuves d’un autre hémisphère.
PDE : "Le club des cinq" d'Enid BLYTON, Fred et Sully, "Crin blanc" de René GUILLOT (la lecture étant la métaphore de la vie)
MD : Historia, oui-oui, les mémoires de POUCHKINE, "Le lion" de Joseph KESSEL, "Mon bel oranger" de José Mauro de VASCONCELOS (des émotions qui touchent physiquement)
TF : documentaires nature, catalogue Manufrance relié par ce que expatrié en Afrique, "Tom Sawyer" de TWAIN, "Mon bel oranger", "Arsène Lupin" de Maurice LEBLANC (auteur très secondaire par rapport aux personnages)
AR : "Bob Morane" de Henri VERNES, documentaire sur la guerre et l’histoire

2/ Quels sont, pour eux adultes, les chefs d’œuvres de la littérature jeunesse ?
Pour bon nombre d’entre eux, ce sont des lectures faites adultes qui emportent leur suffrage.
MD : « Peter Pan » de JM.BARRY, les Lewis CARROLL, HANDERSEN, André DHOTEL, SEGUR
PDE : André DHOTEL, DICKENS sans édulcoration, « L’ile au trésor » de STEVENSON, Lewis CARROLL (cherche des ambiances et pas seulement une histoire comme quand il était enfant)
TF : « Les trois mousquetaires », « Le Comte de Monte-Cristo » d'Alexandre DUMAS, les livres que se partagent les générations
Chacun a marqué cette différence entre ce qu’ils recherchaient enfant dans la lecture et ce qu’ils en attendent maintenant pour les enfants. La magie de leurs lectures d’enfant reste comme préservée car peu ont tenté de les relire pour garder cette passion, cette fougue, cet intérêt pour l’action et les personnages et beaucoup moins pour le style.

3/ Quelle mode d’écriture jeunesse est choisie par les écrivains qui écrivent pour adulte et pour enfant ? Quelles sont les limites que ces écrivains s’imposent ?
PDE : tous les romans se devaient d’être pour adulte, « La première gorgée de bière » a eu une première version pour enfants… la littérature jeunesse qu’il écrit garde une part d’enfance. Le style est différent, pas de tournures syntaxiques, pas de vocabulaires compliqué (mais avec cette panoplie de vocabulaire plus réduite offrir la même sensation, la même atmosphère). « La recherche du temps perdu » de PROUST redonne le gout de l’enfance mais n’est pas un livre pour enfant.
TF : pas de limite de complexité, de l’ampleur et de la densité. Le théâtre pour adulte, le roman pour enfant (le roman est ainsi vécu comme lieu de liberté totale, pour enfant).
AR : préparer une histoire et ne pas se focaliser sur les personnages, besoin de magie et d’échappatoire.
MD : pas de connivence, de références avec d’autres textes, un lexique choisi avec comme offrande d’un nouveau mot.
Là, la différence entre enfance et enfant a encore été reprise. Là où l’adulte cherche une écriture, des références, l’enfant cherche à être capté, a rentré dans l’histoire. L’enfant n’est pas naïf dans sa lecture et le texte ne doit pas être bête mais pourtant la littérature de l’enfance et bien loin de la littérature jeunesse.

Je me suis régalée aussi de détails, de ces détails qui attirent l’œil, intéressent une ribambelle d’enfants,
(des héros)(des expériences)(de l'exotisme disparu) (des contes racontés)
des détails qui vont agglutiner des amoureux d’art, des estampes (gravures, lithographies ou eaux-fortes).... plutôt lithographie en cours là, non?! Pour savoir faire la différence, suivez donc ce lien)... là aucune idée si ce n'est que c'était d'Europe de l'est

...amoureux de beaux livres J’ai adoré ne pas suivre les foules, juste admirer les queues, par les pieds…
et voir quelques petites surprises, le livre de ma tante par exempleA quand le notre ? Les miens ?
... j'avais ramené ces livres-là, que j'ouvre sur ce blog-ci.

Rajout du 12/05/2010: c'est vrai aussi, mais je l'avais passé sous silence... je ne sais pas pourquoi... j'avais rencontré Christian BRUEL fondateur de la maison d'édition Être. Je venais pour acheter "L'atelier des papillons" de Gioconda BELLI et illustré par Wolf ERLBRUCH et j'étais repartie avec d'autres en espérant m'offrir encore et encore de ses petites merveilles d'impertinence, d'intelligence et de sens.
Avec beaucoup, beaucoup de plaisir je l'avais écouté me parler de la version de"Peter Pan" de James Matthew BARRIE, illustré par Susanne JANSSEN qu'il propose. Il avait stupéfait ma tante qui n'avait jamais cru que derrière l'image mièvre reflétée par les simplissimes versions arrivées jusqu'à nous, l'histoire était aussi riche, intense et complexe sur l'enfance et l'acte de grandir. J'avais une pensée pour Holly Golightly bien-sûr.
J'avais aussi été admirative du travail d'édition de l'abécédaire de ce pédagogue pour qui la lecture était indispensable à l'acte de grandir et d'éduquer: "Le nouvel abécédaire" de Karl Philipp MORRITZ, illustré par Wolf ERLBRUCH.
Je viens d'apprendre que cette maison d'édition meurt... horreur!

Pour les Chroniques littéraires

samedi 24 avril 2010

Jo singe-garçon

© Béatrice ALEMAGNA/ Autrement jeunesse

Sur lequel de mes blogs prescripteurs de livre jeunesse j'ai vu que "Jo singe-garçon" de Béatrice ALEMAGNA était LE livre de l'année 2010 (sans même attendre les autres sorties ;) ...) ? Je l'ai donc commandé. Je ne dirais jamais assez, sur ce blog comme sur les autres, que mon partage ne se veut que portes ouvertes... je m'enrichis des autres ressentis, des autres blogs,
...des autres lectures, des autres cuisines, des autres apprentissages
... grâce à cet émulation, je reste en vie, je reste en mouvement (un peu consumériste aussi c'est vrai) mais si plein d'envies et de folie relative.

Et donc ce livre: un bijou, je confirme. J'avais tant aimé "Gisèle de verre". Il s'agit de Jo qui se prend pour un singe. Par quiproquo, par désinvolture ou mauvais fantasme maternel (elle voulait un beau bébé, il est arrivé avec un physique un peu ingrat), Jo s'est imaginé être autre qu'un petit garçon.

" Elle l'appelait "mon gorillon, mon babouin, mon sapajou", en se penchant chaque soir pour l'embrasser. Voilà pourquoi cette idée s'était glissée dans sa tête comme une feuille dans une enveloppe ouverte et avait, par la suite, formé sa pensée et ses gestes."© Béatrice ALEMAGNA/ Autrement jeunesse

Jo se comporte comme un enfant sauvage, sans éducation et sans famille, avec ce qu'il connait des singes: il se balance, se gratte les fesses, mange avec les deux mains, hurle, épouille sa mère. Il est scolarisé et accepté comme "différent". Les parents désœuvrés font tout de même appel à un psychologue. En suivant son conseil, ils le laissent vivre sa différence et ne lui passent pas les caprices. Jo va mieux, arrive à rentrer dans le moule jusqu'au jour où il n'en peut plus et va retrouver sa famille singe. Là d'autres mœurs, d'autres fonctionnements.

Il est question de cette enfance qui ne rentre pas dans la norme. Jo ne correspondait pas au physique d'un nourrisson, Jo n'avait pas le comportement adéquat, ne voulait pas se conformer aux amitiés sans affinité. Il a cherché sa place, a pris son temps pour faire avec le regard des autres, des adultes, des enfants plus "conventionnels". Il a pratiqué la vie plus sauvage et, de lui-même, réadapte sa façon d'être.
Ce livre parle d'amour filial, du regard d'autrui et de la différence. Superbe!

© Béatrice ALEMAGNA/ Autrement jeunesse

Les illustrations de Béatrice ALEMAGNA sont toujours aussi déroutantes, du collage, des croquis, des aplats de matière. Il est presque question d'impressionnisme. Les traits du héros sont superbes, assez sauvages... je le mets en relation avec les illustrations de Dave McKEAN, déstructurés et au style très brut.

Gaëlle a aimé aussi pour cette justesse du propos

14/24

L'enfant sauvage

jeudi 22 avril 2010

mardi 20 avril 2010

Le cancre


*source Cloé REMIAT

"Il dit non avec la tête

Mais il dit oui avec le cœur
Il dit oui à ce qu’il aime
Il dit non au professeur
Il est debout
On le questionne
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur."

Jacques PREVERT

samedi 17 avril 2010

Ma Soeur-Etoile

© Alain MABANCKOU et Judith GUEYFIER/Seuil jeunesse

« Ma sœur-Etoile » d’Alain MABANCKOU et illustré par Judith GUEYFIER est arrivé dans notre bibliothèque suite à une de ces nouvelles que nous réserve la vie.

Cet album au grand format est une très belle proposition. L’auteur congolais, Alain MABANCKOU, nous parle du secret de ses 10 ans : ses sorties nocturnes pour regarder le ciel et particulièrement une étoile. Il croit y reconnaitre sa grande sœur, morte une semaine après sa naissance et qui vit avec les anges aux dires de sa mère.
Il sort la nuit, raconte à cette étoile, lumineuse et « frémissante » ce qui arrive à sa famille. Et par les conversations qu’il a avec elle, toute une partie de l’Afrique nous est dévoilée. Le quotidien de la famille, avec ceux dans les habitations précaires et ceux, plus riches, qui vivent dans le dur. Cette proximité des blancs de l’hôtel, pourvoyeurs involontaires de livres pour l’enfant. Et les superstitions et légendes : les créatures maléfiques de la nuit qui effrayent les enfants, la coutume d’avoir plus d’un enfant par foyer, les sorciers et féticheurs au sein des villages.

© Alain MABANCKOU et Judith GUEYFIER/Seuil jeunesse

Cette histoire est une superbe approche de la mort d’un enfant de la famille, de cet être qui n’a pas assez vécu pour laisser des souvenirs autre que la grossesse. Un hymne à la relation silencieuse et réelle entre l'enfant mort et les survivants, frère et sœur... ou parents.

© Alain MABANCKOU et Judith GUEYFIER/Seuil jeunesse

Les références littéraires sont belles et nous entrainent. « Le petit prince » de SAINT-EXUPERY bien-sûr, la relation de ce garçon à sa sœur est intimement liée à ce symbolisme d’un être égaré, le garçon, en demande de relation, de communication, de compréhension… en demande d’un mouton dans les étoiles. « L’enfant noir » de Camara LAYE aussi par l’illustration mais aussi « Le crédit a voyagé », bar de quartier dans l’histoire, qui est en fait, l’ancien blog d’Alain MABANCKOU lui-même ou le porc-épic en référence à un de ses livres.
Et puis une philosophie de vie, de mort mais aussi d’amitié : l’autre peut apparaitre méchant dans ses comportements mais l’est-il vraiment ? N’est-ce pas une autre sorte d’incompréhension, une autre demande de communication.

© Alain MABANCKOU et Judith GUEYFIER/Seuil jeunesse

Je n’ai tout d’abord pas été très attirée par les illustrations de Judith GUEYFIER. Je ne sais pas pourquoi mais les doubles pages m’ont fait changer d’avis. L’exotisme de ce pays, le Congo, est dans les détails du quartier, quelques modes vestimentaires, quelques commerces. Les couleurs sont profondes et magnifiques et les doubles pages émerveillantes… le garçon rêve, les nuages deviennent des vagues et des dessins, le lit trempé de pluie devient la mer et les moutons apportent comme un exotisme dans cette vie africaine.

« J’ai écrit cette histoire de mon enfance parce que, même devenu adulte, je suis resté cet enfant qui court après sa Sœur-Etoile. Et c’est peut-être aussi pour cela que je suis devenu un écrivain. » Alain MABANCKOU

De quoi donner envie de lire ses œuvres pour adulte !
13/24

vendredi 9 avril 2010

Au clair de la nuit

©Janine TEISSON et Joanna CONCEJO/ Motus

"Au clair de la nuit" de Janine TEISSON et Joanna CONCEJO est de ces livres que vous achetez en étant sûr d'être comblée mais sans savoir que la lecture serait aussi douce.

©Janine TEISSON et Joanna CONCEJO/ Motus

Je pensais avoir affaire à une série d'anecdotes enfantines autour de l'astre lunaire. Il s'agit, en fait, de poésies en prose sur notre rapport imagé à la lune, à cette part d'interprétation de présence nocturne. La lune est personnifiée, forme ronde ou croissant, ou encore petite fille. La lune apparait comme un être mystérieux, complice des amoureux, des enfants. Elle offre cette part de rêves, cette part d'introspection ou de timidité enfantine.
Le livre est magnifique de petits détails sur l'enfance, sur les métaphores et sur la rêverie. Le papier épais et les illustrations participent à la beauté de l'objet.

©Janine TEISSON et Joanna CONCEJO/ Motus

Les illustrations de Joanna CONCEJO sont magnifiques. Croquis en noir et blanc, comme dans la pénombre, ils mettent en scène des enfants. De minuscules détails ponctuent les scénettes et offrent une poésie supplémentaire.

©Janine TEISSON et Joanna CONCEJO/ Motus

"On dit que la lune est pleine.
Mais pleine de quoi?"