mardi 29 janvier 2013

La clé des champs et autres récits imaginaires

Je dois l'avouer, j'ai beaucoup d'affection pour cet auteur, Francis GARNUNG. Ses œuvres sont arrivées chez nous par hasard, puis par partage. J'ai de l'affection pour ce regard coquin (voir au bas du billet) et ces écrits peaufinés comme des pierres précieuses.

© Francis GARNUNG et Anne ADAM/ L'harmattan jeunesse

"La clé des champs et autres récits imaginaires" de Francis GARNUNG et illustré par Anne ADAM est un recueil de contes pour enfants. Mais il ne faut pas s'attendre à des contes "jolis et doux"... il y a du coriace dans cet homme. Les contes sont merveilleux mais pas naïfs, l'enfance a des dons.

La clé des champs:
Anne part en Inde chercher du lait, c'est à 1 km de là. La sorcière l'a repéré, cette jolie enfant aux cheveux blonds. En offrant ses yeux au bouillon, la méchante espère retrouver ses pouvoirs. La spontanéité d'Anne, sa joie de vivre, ses chants et son langage propre ouvrent en plus toutes les portes... elle est la clé des champs.

Rosette et le caillou:
Rosette aime les animaux. Il n'y en a pas, qu'à cela ne tienne, un caillou à la forme d'un papillon peut dans son imaginaire en devenir un. Et c'est ce qu'il fit... un instant.
Mais c'est vrai, le caillou en montant dans les airs devient papillon, plus haut lézard, plus haut rossignol et plus haut encore... jeune garçon. Il pourrait y avoir de l'amour entre eux mais Rosette est imprudente... et colérique. Mais si les rêves pouvaient devenir réalité?

© Francis GARNUNG et Anne ADAM/ L'harmattan jeunesse

Les feux du diamant:
Pierrette joue à faire rebondir la lumière sur un bout de miroir, même chez les voisins. Un éclat l'attire, c'est un diamant. Et si elle allait le voir de plus près, oui, chez les voisins. elle escalade la gouttière et entre par la fenêtre... il est beau, tellement beau. Comment serait-il sur le doigts d'une jeune fille pauvre? Elle l'enfile. Les voisins rentrent chez eux, elle veut partir sans le diamant mais il s’accroche au doigt. Ce n'est pas le diamant le prisonnier mais le doigt. Mais il est beau, elle n'est pas si déçue de le garder. Il brille tant et si bien qu'il illumine au point de rendre invisible Pierrette et de choquer les passants.
Le beau ne l'est plus mais la beauté reste ailleurs.
- un extrait ici-

La proie pour l'ombre:
Un montreur d'ombres est arrivé dans le village de José. C'est un susceptible tyran et José est un jeune brocanteur un peu naïf. Les ombres s'usent vite et puis certaines ont mauvais caractère. José va en faire les frais... son ombre volée pour faire le spectacle, une autre vendue qui veut être le maître.

L'indigestion du Loup:
Loup, de profession loup, a été arrêté par le Commissaire Perrault qui le croit coupable de la mort du petit chaperon rouge et de sa grand-mère. Loup trouve que l'histoire inventée est  merveilleuse mais veut se disculper en parlant de son mal de dents. Un quiproquo envoie l'histoire inventée par Perrault à l'imprimerie mais une reconstitution des faits supposés a lieu.
Des gendarmes aident le loup à refaire les gestes... et Loup croque.

© Francis GARNUNG et Anne ADAM/ L'harmattan jeunesse

Le procès du Loup:
Où la version du Commissaire Perrault et du Loup s'affrontent devant un juré d'animaux, herbivores et carnivores, et d'hommes. Où toutes les légendes et expressions contre les animaux, et surtout le loup, ont droit de cité. Un conte pour enfant, une histoire remaniée pour faire un peu peur mais pas complètement.
- un extrait ici -

Le Voyageur de commerce:
L'auteur est content, il a réussi à  faire vivre dans le même livre tous ses personnages. Ce n'était pas si évident. Ils auraient pu avoir quelque chose à redire. Pour la peine, il les a tous invités chez lui, dans son château en Espagne dont la grandeur et la magnificence n'ont de limite que son imagination.
Mais il est à nouveau déranger par le voyageur de commerce, cet individu veut devenir un personnage de l'auteur. Mais il n'en a pas le gabarit.

***
Les illustrations, peu nombreuses, d'Anne ADAM, sont presque d'un autre temps. A l'encre de chine, elles croquent une vision un peu surannée. Je rêve volontiers de ces contes encore plus illustrés, donnant la pleine mesure à chacun d'entre eux. Ils le méritent.

Francis GARNUNG est un enchanteur de mots. Il joue avec leur sens, leur rimes.
Les récits sont plein de finesse, de poésie et d'humour. Les partis pris des contes sont ici décalés: du beau et du brillant de princesse, de l'amour, des sorcières, des animaux et un loup mais aussi ce petit brin de peur, juste ce qu'il faut pour frissonner, avant que l’auteur ne retourne encore l’histoire.
Les petites filles restent bien-sûr des héroïnes parfaites: espiègles, aventurières, malicieuses, capricieuses et un peu séductrices, cependant moins que celles imaginées par GARNUNG dans ses autres livres, le fabuleux "La pomme rouge" et "Les miroirs et les chaines".
Le loup n'est d'ailleurs pas si méchant... presque un bouc-émissaire de nos peurs, de nos travers, des malices humaines.
Et les personnages centraux sont bien l'imaginaire et la joie de vivre des enfants.

Quelle tristesse que ce livre ai disparu du catalogue de L'harmattan jeunesse (pas du catalogue général, ouf) et que cette édition de 2004 n'ai pas offert la police la plus agréable à ce texte.

Le petit chaperon rouge

"Le Président: Accusé, levez-vous. On va vous lire l'acte d'accusation.
Le chat-greffier: "Le Sieur Loup, ici présent pour être jugé, est accusé d'avoir dévoré la Mère-Grand et le Petit Chaperon Rouge, après avoir prémédité ce double crime."
Le Loup: LE Petit Chaperon rouge? Tiens, je croyais que c'était une fille...
Le chat-greffier (consultant ses papiers): Moi j'ai "le Petit". Si vous voulez: "la Petite"...
Le perroquet-avocat: En somme, vous ne savez pas très bien? C'est vague comme accusation.
Le chat-greffier: En tous cas, il... elle... était Rouge!
Le Loup: Excusez, je suis daltonien, alors je confonds avec le vert. Pour moi, c'était donc la Petite Chaperonne Verte, comme la souris verte, qui courait dans l'herbe, je la montre à ces messieurs...
Le Président (agacé): Bref, petit ou petite, verte ou rouge, vous l'auriez dévorée après avoir dévoré sa grand-mère, ou Mère-Grand.
Le Loup: Je suis innocent!"
(extrait de "La clé des champs et autres récits imaginaires" de Francis GARNUNG, j'en parle ici, source illustration: Warwick GOBLE)

lundi 28 janvier 2013

La saveur de l'encre (extrait, "Le Dit de Tianyi")

"Tout ce que le monde extérieur provoquait en moi, je pouvais finalement l’exprimer au moyen de quelque chose à ma portée : l’Encre. En effet, chaque matin j’étais tenu de préparer l’encre pour l’exercice de calligraphie, en tournant longuement le bâton dans la large pierre emplie d’eau jusqu’à ce que cette dernière fût d’un noir onctueux. J’en connaissais la saveur. Une fois le liquide prêt, je ne me lassais jamais de ce moment où, pour tester son épaisseur, je posais librement le pinceau pleinement imbibé sur le papier fin et translucide, lequel résorbait vite l’encre tout en se laissant « irriguer » un peu.
Puis, durant de longues minutes encore, elle conservait sa fraîcheur lustrée comme pour montrer son contentement de ce que le papier, consentant et réceptif, acceptât de la savourer. Cette magie du papier qui recevait l’encre, les Anciens la comparaient à la peau d’un jeune bambou légèrement poudreuse qui reçoit des gouttes de rosée. Moi, je la comparais volontiers à la langue de quelqu’un en train de goûter un de ces fins gâteaux de farine de riz et qui sentait le morceau fondre sur elle en y laissant une saveur qui ne semblait plus vouloir disparaitre."
(extrait de "Le Dit de Tianyi" de François CHENG, source photo d'un fabricant de bâtons d'encre -sumi-, à lire pour des précisions comme la saison)

dimanche 27 janvier 2013

Annie du lac

La littérature jeunesse est un divertissement pour enfant. Oui, soit. Mais c'est aussi une proposition de changement éclair d'atmosphère et l'offre d'une parenthèse dans notre quotidien. Comme pour une nouvelle, le choix des mots pour donner le meilleur en peu de pages est important. Chez certains auteurs (jeunesse), l’album devient un monde en soi d'autant plus vite que les illustrations aident à présenter la toile de fond.
Depuis que j'ai découvert Kitty CROWTHER c'est vers sa sensibilité que je reviens, j'y trouve des détails d'une manière de vivre, une certaine difficulté à être, des priorités, ici sublimés. J'avais décidé de parler moins du travail de cette auteure/illustratrice, parce qu'en terme de visibilité sur mon blog, elle devenait presque la seule lisible dans la colonne des auteurs. Mais me censurer ne me permet pas de suivre ici mes objectifs de blog: parler de coups de cœur, de sensibilité. Et bien que mes avis enthousiastes sur des univers singuliers soient nombreux, il est vrai que les parutions de CROWTHER sont encore les plus nombreuses dans notre bibliothèque familiale. Alors parce que je la relis... et que je vous ai parlé d'elle trop vite.

©  Kitty CROWTHER/ Pastel

"Annie du lac" est une femme bien solitaire. Elle vit dans cette petite maison sur la colline qui donne au-dessus du lac. Elle n'est pas très jolie et sa vie, sans amis, ne lui plait plus. Elle pourrait bien aller de l'autre côté du lac pour rencontrer d'autres personnes mais si elle était déçue ce serait encore pire. Lasse, elle décide le pire en plongeant dans le lac, près de ces trois îles, mouvantes, que les autres n'aiment pas et qui forment pourtant sa zone de pêche privilégiée.
Elle se réveille hors de l'eau, encore étourdie de son rêve, une main immense l'avait rattrapée au fond du lac. Et  oui, le lac est habité, les îles sont les chapeaux de trois géants, Émile, Tile et Basile. Et eux aussi ont besoin d'aide. Ils doivent absolument former une union avec une géante sinon une malédiction les frappera. "Les femmes géantes, comme tout le monde le sait, se trouvent dans les mers... Les hommes, eux, préfèrent le calme et la tranquillité des lacs."

©  Kitty CROWTHER/ Pastel
Annie va les aider à rejoindre la mer. Mais à la fin du voyage, après le chant d'appel des hommes géants, il manque une amoureuse. Émile et Annie reviennent près du lac, si anxieux de la suite. Que va-t-il arriver à Émile? Mais c'est sûr Annie sera jusqu'au dernier moment avec son nouvel ami.

©  Kitty CROWTHER/ Pastel

Comme toujours avec cette auteure, ses personnages ne sont pas tout à fait intégrés à la société, au monde. Ils sont un peu à l'écart, dans une maison isolée, mais aussi avec peu d'amis, souvent.
Mais loin de nous laisser avec des albums sombres, elle nous propose des révélations. La mélancolie de vie devient une exigence dans les relations humaines et la vie la satisfait.
Le rapport à la terre et à la nature est aussi très important. Se nourrir (même quand ses héros ne sont pas des animaux) mais aussi profiter d'un lieu, d'un paysage.
Kitty CROWTHER nous invite à la poésie d'un moment et à une authenticité envers soi.
Et bonne nouvelle les albums de Kitty CROWTHER sont en format album cartonné et en album plus petit format et souple (à prix modique!)

jeudi 24 janvier 2013

Pomelo (- est amoureux - rêve - s'en va de l'autre côté du jardin)

Je ne vous ai pas encore parlé de la collection des Pomelo. Erreur. Alors oui je vous avais présenté un album grand format, "Pomelo grandit", en sachant qu'à leur actuel un autre grand format est sorti mais là je voudrais vous présenter ceux qui reviennent chaque soir. Ce sont les petits formats à couverture souple, ils présentent à chaque livre trois histoires dont une éponyme.

© Ramona BADESCU et Benjamin CHAUD/ Albin Michel jeunesse

"Pomelo est amoureux" n'est pas le premier mais en fait cela n'a pas beaucoup d'importance. Les personnages sont toujours les mêmes et reviennent. Et puis les histoires ne sont que des moments de vie qui ne se suivent pas forcément. Les références aux autres sont là, bien-sûr, mais dans un sens ou dans l'autre, ce n'est pas tant un souvenir qu'une autre forme de l'anecdote.
Pomelo est ce minuscule éléphant rose à la trompe immense et expressive. Ce petit habitant du potager dort sous un pissenlit et nous fait découvrir des moments de vie, plein de questionnements et de poésie.

Dans "Pomelo est amoureux" de Ramona BADESCU et illustré par Benjamin CHAUD, nous découvrons que Pomelo peut confondre allègrement le sentiment amoureux et l'affection pour une chose ou une situation. Mais ce sont aussi les saisons qui le perturbent, les changements dans le potager. Pour finir par découvrir en quoi Pomelo est un éléphant fantastique.

"Il est amoureux de la pluie du soir, parce que c'est inexplicable."
© Ramona BADESCU et Benjamin CHAUD/ Albin Michel jeunesse

Dans "Pomelo rêve", le potager devient surréaliste, une sorte de patate arrive dans le jardin et pour lui faire plaisir chacun y va de sa solution. Et le quotidien peut prendre une saveur nouvelle si Pomelo décrète que c'est carnavaaaaal!

© Ramona BADESCU et Benjamin CHAUD/ Albin Michel jeunesse

Dans "Pomelo s'en va de l'autre côté du jardin", le petit éléphant a comme une mélancolie, tout est différent, il se sent mis de côté et décide de partir, découvre ainsi le potager la nuit et après le potager, un autre jardin complètement différent tout en lui étant presque familier.

© Ramona BADESCU et Benjamin CHAUD/ Albin Michel jeunesse

Au cours de ces 6 histoires, comme dans toute la collection, les situations de Pomelo dans le potager sont comme des anecdotes d'enfants, assez surréalistes aussi et toujours décalées. Pomelo est le lien, l'ami, le bout en train, le poète et le philosophe. Ce sont des moments de vie, de bonheur. Même si Pomelo est en mauvaise passe, la bonne humeur revient.
Le texte de Ramona BADESCU est court mais plein de finesse. A chaque double page, c'est un questionnement qui peut paraître anodin mais renvoie à d'autres interrogations du jeune lecteur. Toutes les histoires permettent une ouverture sur d'autres possibles, sur une autre réalité.
La collection est un succès, aussi parce que les dessins de Benjamin CHAUD apportent une vraie plus-value, pas seulement miroir du texte mais bien une lecture à part entière, un contrepoint. Les illustrations de ce petit éléphant rose et de ses amis sont magnifiques. Mais plus encore, elles sont décalées par rapport au texte en amenant l'aspect comique ou perplexe du héros. Les tiges agrippent les pieds, queue de Pomelo, la trompe est souvent dans une situation coimplexe ou les questionnements très philosophiques amènent des dessins cubistes, des labyrinthes, des déformations.
Le tout est un régal pour rêver, se questionner doucement, amener la distanciation et trouver la part belle des choses.

mardi 22 janvier 2013

Moomin

... une petite idée des lectures réconfort du moment, un livre doudou, un infusion à l'acérola, un livre plus exigeant, un Pu'er, quelques gourmandises à porté de mains...

*Tove JANSSON

dimanche 20 janvier 2013

Inventaire illustré des merveilles du monde

Nous devons au duo Virginie ALADJIDI à l'écrit et Emmanuelle TCHOUKRIEL au dessin de magnifiques inventaires illustrés. A chaque proposition, un choix d'éléments mis en valeur par un texte court mais toujours précis accompagné de superbes croquis au rottring rehaussés d'aquarelles. Je vous présentais là leur "Inventaire illustré des fruits et légumes".

© Virginie ALADJIDI et Emmanuelle TCHOUKRIEL/ Albin michel jeunesse


Je n'avais pas pu résister à l'"Inventaire illustré des merveilles du monde". Un voyage culturel et architectural s'offre ainsi de par les pages. 86 lieux sont présentés, choisis parmi ceux listés par le Patrimoine mondial de l'humanité.
Beaucoup de monuments choisis démontrent le savoir-faire des hommes à travers le temps. Ils permettent un tour d'horizon des styles architecturaux, des influences, des techniques (et petites révolutions) et des matières (marbre, terre crue, bois, pierre).

Des édifices marquent les avancées technologiques et une idée de l’esthétique. De mon côté, certains lieux sont une merveille exotique: la Cappadoce, troglodyte sous roche volcanique en Turquie; l'église Saint-Georges de Lalibela en Éthiopie, creusée dans le roc par exemple.

© Virginie ALADJIDI et Emmanuelle TCHOUKRIEL/ Albin michel jeunesse

L'idée aussi de laisser une place aux démonstrations artistiques est bienvenue: les sculptures de tête moai, à Rapa Nui sur l'île de Pâques; l'armée en terre cuite, de Xi'an en Chine ou les peintures rupestres aborigènes de Kakadu en Australie.
La part belle est ainsi faite aux édifices du monde entier, bien conservés ou en ruines, celles tant attendues du Machu Picchu au Pérou ou du Parthénon à Athènes, présentant ainsi une culture et la motivation pour les ériger, souvent religieuse. Mais ce sont aussi des villages historiques qui y trouvent aussi une mise en avant.

© Virginie ALADJIDI et Emmanuelle TCHOUKRIEL/ Albin michel jeunesse

Au fil des pages, le lecteur s'approprie certains termes architecturaux comme le campanile et découvre le faste mais aussi des lieux utiles, des lieux inspirés. Un magnifique tour du monde, quel dommage de n'avoir pas plus de merveilles, encore et encore... bon, autant dire que j'aimerais énormément un tome 2... et un tome 3.

N'hésitez pas à suivre les inventaires du duo: "Inventaire illustré des arbres", "Inventaire illustré de la mer", "Inventaire illustré des animaux", "Inventaire illustré des animaux à queue".

Les Mille et Une nuits



En lisant "Les Mille et Une nuits", traduction de Joseph-Charles MARDRUS, texte plus complexe, alambiqué, empli de poèmes, sonnets, plus proche d'une oralité arabe mais aussi de "manières" érotiques et d'éléments fantasmés d'un orientalisme fastueux (j'en reparlerais un jour), je ne peux qu'être nostalgique de la version enfant lue par ma tante, version simplifiée, orientaliste et bien-sûr convenable.
Je n'ai aucun souvenir de l'histoire, aucune nuit (même celles rajoutées comme Ali Baba ou Aladin) mais je garde en mémoire les illustrations qui me fascinaient: celles de Gustaf TENGGREN, vous en retrouverez certaines en suivant ce lien et celui-là.
... la Reine serpent entre autre

(source d'autres illustrations)

vendredi 18 janvier 2013

Alma n'est pas encore là...

Sous des airs d'album jeunesse, ce livre offre une très belle célébration de la grossesse vue par l'enfant à venir. "Alma n'est pas encore là" de Stéphane AUDEGUY et illustré par Laurent MOREAU est un livre à offrir aux futurs parents comme une lettre de soutien, de pensées douces, réconfortantes et chaleureuses. Il célèbre la future vie mais aussi donne à imaginer une grossesse fantasmée et idéale. Mais il a aussi tout d'une aventure à lire à l'enfant devenu plus grand.
Très très belle proposition!!

© Stéphane AUDEGUY et Laurent MOREAU /Gallimard jeunesse

Alma n'est pas encore là, pas encore née, et pourtant elle est déjà ici, infime particule dans le ventre de sa maman Jamie.
"Ensuite Alma était encore toute petite, si petite qu'elle aurait tenu facilement sur le dos d'une puce." Alma, de petit point, devient un petit être. Le développement s'inscrit au fil des pages: des étapes de construction d'un corps, d'organes essentiels, d’organes sensoriels; des étapes d'existence et de conscience.
"Les petits points rouges palpitaient comme un cœur, et c'était exactement ça: Alma avait un cœur maintenant. Un grain de riz avec un cœur battant: c'était Alma. Elle vivait, maintenant, autant qu'une plante et moins qu'un chat."

© Stéphane AUDEGUY et Laurent MOREAU /Gallimard jeunesse

La vie d'Alma prend corps et âme. Le tout est porté par une poésie fine et beaucoup d'humour et permet de lire entre les lignes des mesures physiologiques du suivi médicalisé obligatoire dans le réel. Le petit être vit, découvre, entre en première communication.
Le propos aurait pu être doucereux et béatifiant, ce n'est pas le cas. C'est l'histoire d'une conscience avant la naissance, le début d'un parcours de vie, un hymne à toutes ces joies simples de l'enfant, au questionnement futile et pourtant si revigorant... l'apparition des muscles mais pas de quoi porter un petit pois, des sensations tactiles mais pas jusqu'aux ongles, pas si sensibles que ça, la taille d'un hamster sans les poils (tant mieux)...
Ce sont les premières étapes, les premiers bonheurs. Et c'est aussi cela le point fort de l'album: la vie d'Alma est trépidante. Les réflexions, pleines d'entrain et de détails, permettent de rire et d'emmener l'enfant dans une aventure. De s'imaginer dans le bocal comme dans un rêve et de se découvrir sorti, capable de marcher, de courir.

© Stéphane AUDEGUY et Laurent MOREAU /Gallimard jeunesse

Les illustrations de Laurent MOREAU sont magnifiques. Ses tableaux à motifs donnent un paysage onirique de l'intérieur du ventre, fibres végétales, substances marines, Alma quasi-abstraite. Le monde extérieur est amené avec des aplats de couleurs, plus concrêt. Les rabats offrent ce qu'il se passe en dessous, au dessus; la vie vécue par les parents, la vie partagée par l'enfant.

Mère

... en attendant une potentielle traduction en français de "Moeder" et parce que Gerda DENDOOVEN n'est pas qu'une illustratrice... et si vous comprenez le néerlandais, c'est par .

petit clin d'oeil à A.

jeudi 17 janvier 2013

Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon

Vous trouverez encore chez vos libraires des albums de feu la maison d'édition Être. J'ai eu le plaisir ainsi de retrouver certains livres écrits par Christian BRUEL. Puis, très heureuse, je découvre que certaines propositions ont été rééditées par les éditions Thierry Magnier ("Les chatouilles", "Ce que mangent les maîtresses", "La grande question" de Wolf ERLBRUCH...). C'est le moment de refaire parler de ces albums jeunesse aux critères ambitieux. La cible des lecteurs est bien les enfants mais le contenu a de la tenue et du fond.

© Christian BRUEL, Anne GALLAND et Anne BOZELLEC/ Être

"Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon" de Christian BRUEL, d'Anne GALLAND et illustré par Anne BOZELLEC est en cela un très bel exemple.
Julie est une fille espiègle, spontanée et malicieuse. Son comportement lasse énormément ses parents, elle semble négligée, mal élevée, un peu trop vive... juste ce que la norme accepte pour les garçons mais pas pour les filles: Julie est un vrai garçon manqué!
Ses parents l'aiment quand elle devient petite fille modèle mais Julie souhaite être aimée tout le temps, pour ce qu'elle est.
Et puis même son ombre la déroute. Un matin elle devient ombre de garçon. Et puis là, les comportements du garçon ne sont tout de même pas les siens: son ombre est encore plus dissipée. Julie ne sait plus se reconnaitre, elle tente de se débarrasser de son ombre. "Et si c'était l'ombre qui avait raison. Elle n'est peut-être qu'un garçon... manqué en plus, [...]."
Elle rencontre dans sa fuite vers l'obscurité un garçon à la "tête de fille", si sensible qu'il pleure souvent. Ses parents à lui aussi préfèreraient qu'il se comporte comme il se doit pour les garçons.

"- [...] Tiens, c'est comme si on était chacun dans son bocal.
- Comme pour les cornichons?
- Oui, comme pour les cornichons.
Les cornifilles dans un bocal, les cornigarçons dans un autre, et les garfilles, on ne sait pas où les mettre."

© Christian BRUEL, Anne GALLAND et Anne BOZELLEC/ Être

Les enfants se questionnent sur l'altérité sexuelle et la norme d'un comportement sexué. La découverte de leurs corps, explicite ici textuellement et graphiquement, ne leur permet pas le doute sur ce qu'ils sont et pourtant ils sont étiquetés. Transparait ici tout le fantasme parental d'un enfant conforme et de la tension affective que l'on transmet à nos enfants.
Le droit de se comporter différemment, d’être différent et aussi le droit d'être aimer ainsi. Une statue de Charles PERRAULT trône dans le parc refuge... est-ce pour ce rappel de l'"innocence" enfantine, de ce besoin de protection de l'enfant et d'encouragement soutenu à devenir un adulte?

Malice vous en parle là en ajoutant que c'est aussi une lecture sur la sexualité en tant que telle .

mercredi 16 janvier 2013

Féroce

J'aime beaucoup, beaucoup les illustrations de David SALA. J'aime ses motifs à la KLIMT, j'aime les taches, formes comme des textures, végétales, minérales ou de animales, j'aime ses touches colorées comme des jeux de lumière.
J'aime son choix de lieux, des natures enfouies, enchantées, ses partis-pris de l'aube ou de la pénombre.

Alors oui en attendant que "Féroce" où il retrouve son complice auteur, Jean-François CHABAS arrive à la maison, je ne peux que me perdre dans cette image qui n'ai que ce que j'aime: la forêt... et de bouleaux encore plus... j'aime ces troncs blancs à l'écorce qui pèle... et j'aime les loups!


... et je relis "La colère de Banshee" et "Le Bonheur prisonnier" du duo...
Rajout du 24/03/2015: et je lis "Féroce" ici.

mercredi 2 janvier 2013

Adama N'Diaye, le Tout Premier Griot du Monde

Derrière ce livre blanc et bleu il y a les couleurs de la savane et de la brousse. "Adama N'Diaye, le Tout Premier Griot du Monde " d'Alain KORKOS nous offre 4 contes dans la tradition orale africaine.

 © Alain KORKOS/ Bayard jeunesse

Le début de l'oralité avec ce baobab millénaire, Gouye-le-Baobab, spectateur muet de la savane africaine. Des saisons passent, des animaux le frôlent, des humains viennent l'admirer. Et le baobab écoute, inscrit dans sa mémoire toutes les histoires... mais reste muet. Un marcheur passe, se repose dans son tronc creusé par l'âge et s'endort... des saisons et des saisons... en se réveillant, l'homme découvre que le baobab lui a transmit sa mémoire et toutes les histoires de l'Afrique.

© Alain KORKOS/ Bayard jeunesse

Mais aussi l'histoire des poissons chats jaunes et de Jasit-le-Crocodile bleu, ou comment devint t-il vert de peur et comment les étoiles sont nées.
Ou comment Bouki-la-Hyène a gagné les tâches sur sa fourrure et comment Njamala-la-Girafe obtint son long cou.

© Alain KORKOS/ Bayard jeunesse

Ces contes étiologiques sont courts comme une histoire au coin du feu sous les étoiles mais superbement imagées, les animaux avec leur nom Wolof. L'oralité africaine offre là quelques exemples de cosmologie et de relation animale. Comme un pendant africain aux "Histoires comme ça" indiennes de KIPLING.
Les images géométriques d'Alain KORKOS peuvent être déroutantes et pourtant, peu à peu elles apportent un plus, comme une image symbolique.