""Tais-toi! dit-elle tout bas. Pas un bruit, pas un son!
Et puis au moindre pas surtout fais attention.
On est presque arrivés, mais le dernier morceau...
Pourrait s'avérer le passage le plus costaud.
La carte signale ici une forêt d'aiguillons,
De cornes et d'épines suspendus au plafond.
(Le plan dit "stalactites"... mais moi je me demande:
S'il n'y aurait pas eu un problème de commande...)
Alors, pour avancer sans se faire scalper,
Il faudra de courage et de cran nous armer!
Ces pointes sont fragiles, c'est précisé ici,
Elles se décrocheront au plus infime bruit!
Entendu, Mortimer? Je te fais confiance!
Nous allons traverser...
le Tunnel du Silence."
Dans le fameux passage, il n'y avait pas un son...
Mais un drôle d'effet d'insonorisation:
Pas un bruit ne filtrait dans l'étrange corridor...
Le Tunnel du Silence était calme comme la mort.
Alors, à pas de loup, ils avancèrent tout droit,
Un oeil sur le plafond, source de leur effroi.
Ces effrayants piquants, pointus et menaçants,
Ressemblaient à des doigts dans un terrible gant.
La peu gagnait Morty... Il ne scrutait qu'en l'air,
Oubliant de penser à regarder par terre...
Or jonchant le chemin, juste devant ses pieds,
Plusieurs branches de ronces étaient enchevêtrées.
Le malheureux Morty, quelle ne fut sa surprise,
Quand son pied se coinça, jambe et botte comprises.
Il faut lui reconnaître néanmoins cette prouesse:
Il n'émit pas un son en tombant sur les fesses.
Il tomba, en effet, lourdement en arrière...
Mais la chute produisit comme un bruit de
tonnerre."
(extrait de
"Voyage à Zorgamazoo" de Robert Paul WESTON)
***
Ce roman pour préadolescents est une petite pépite de bonne humeur et d'intelligence.
Katrina, enfant abandonnée à sa nourrice, se rend compte qu'elle sera la victime d'un docteur lobotomisateur. Elle fuit et rencontre Mortimer, un zorg, bête entre un porc, un ours et un chat, munie de petites cornes et d'une cravate. L'une rêve d'intrigue, d'enquête et d'aventure, l'autre de son logis et de sa quiétude.
Par un concours de circonstance fâcheux, enfin pas tant que cela vu la suite, Mortimer gagne à la loterie le gros lot, un cadeau dont il sera le responsable, la cible, la victime: une grande aventure, des plans, une boussole, pour retrouver les zorgs des campagnes disparus depuis peu.
Tous deux partent et vont (re)découvrir un bestiaire fabuleux, des envies, de l’allégresse, de l'émerveillement mais aussi l'ennui, le désespoir, le gris du monde.
Le tout est poétique, en plus d'être en rimes, et surprend à chaque page, par la police, par le narrateur qui interpelle le lecteur mais aussi par ce déluge de vocabulaire rocambolesque, les fantaisies de l'histoire, les soubressauts.
Le roman peut se lire tel quel mais est aussi bonifié par ses références à toute sorte d'autres contes et légendes. Le monde serait plus beau avec des yeux d'enfant, toujours curieux et émerveillé.