Nous suivons Louis, en mission pour le Musée du Louvre pendant la seconde guerre mondiale. Il emmène en camion les originaux des tableaux pour les mettre à l’abri des Allemands. Il ne doit pas s’arrêter en chemin, éviter tous les distractions. Mais une jeune femme, pieds nus, Sarah, marche sur le bas côté de la route…elle ne demande rien, aucune aide et ils se trouvent.
L’un se veut dans une dimension collective, de la fuite, des directions de vie, l’autre ne souhaite être nulle part puis juste regarder devant elle. La vie et l’amour sont comme des peintures : le couple comme un « caillou », seul objet délimité, dans ce monde insaisissable et cette vie en mouvement, l’amour comme tableau de vie. « Bien mordre dans leur histoire. Sa façon à lui de le faire, tous les soirs. En y ajoutant les épisodes de la journée. Les autres couleurs advenues. En s’efforçant de tenir en respect l’offensive des gris (…) »
Et la peinture garde une place principale dans toute l’œuvre de cet auteur. Le conflit entre peinture et réalité fut le premier sujet de discussion des personnages. L’art est-il une pâle copie de la réalité ? Sans émerveillement possible malgré une œuvre magnifique ? A l’inertie possible, l’auteur (par son héros) impose le charnel. Superbe notion qui voudrait que même les artistes occidentaux (à rapprocher de mon billet sur la peinture asiatique et du prochain sur la cosa mentale) peuvent se dessaisir de cette envie de rendre compte du réel de manière minutieuse, d’oublier les perspectives, lumières, couleurs, est de digérer le sujet, de le peindre en ressenti en nous invitant dans leur souffle créatif (à ne pas confondre avec le Qi….). « Et si ce n’est à le faire avec de la couleur et des pinceaux, du moins à se représenter les choses à notre manière. A refuser le contour des apparences, à en bousculer le dessin avec l’unicité de notre regard à nous. A nous tous. Vous voyez comme les portes s’ouvrent. »
Quelle belle idée aussi que cette sortie de tableaux de maîtres sur le champ d’à côté : une histoire de restauration d’art, de conservation dans les meilleurs conditions climatiques, alliée à une fête du ressenti par rapport à l’art.
Le "Radeau de la méduse" de Théodore GERICAULT en devient un tableau-phare : quelle est la meilleure représentation de ce drame ? Quelle serait la notre si nos mains répondaient à notre cerveau avec génie ? du politique avec cet abandon d’hommes, le cannibalisme et la mort, le sauvetage….
Un personnage reprend les propos de Dante « Alors la faim l’emporta sur les moyens » pour conclure la vision du tableau…
J’ai aimé ce livre, d’une lecture très rapide, pour tous ces moments dans le temps, hors de lui mais si emprunt de vie. Il n’y a pas beaucoup d’actions, le rythme est comme la lecture d’un tableau. Il ne faut pas vouloir y regarder une analyse de mœurs ou une vue de la guerre…il s’agit bien là d’une contemplation faite par deux êtres sur le radeau de la vie. Il s'agit aussi beaucoup de ressenti par rapport à l'art (lire ici)….
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