lundi 7 mars 2016

La douleur porte un costume de plume


Elle vient de mourir: la femme, la mère. Ce jeune veuf, papa, se confronte à la compassion des voisins, de sa famille, de celle de la défunte, des amis. Il n'y a pas eu la voix de l'urgence pour que la maman revienne à la vie, ce fut le fait, acté. Elle n'est plus là.

Un être étrange arrive lui, il n'est pas attendu, pas même convié à entrer, le Corbeau. Il s'agit bien d'un corvidé de deux mètres de haut, un oiseau anthropomorphe c'est sûr mais aussi au comportement bien animal. Il est là, il prend toute la place. Il est l'agitateur par lequel la vie du père et de ses deux jeunes fils va reprendre vivacité, spontanéité et petit grain de folie.
"La douleur porte un costume de plume" de Max PORTER parle du deuil. L'auteur s'appuie sur du vécu et sur les poèmes de Ted Hughes, en particulier "Le Corbeau", dont son héros paternel est passionné et analyste.

"Mais qui est plus fort que la mort ? Moi, évidemment.
Admis, Corbeau."

Corbeau est ainsi ce volatil chamanique, une voix entre les morts et les vivants. Il est le chasseur de la mort, un de ses subalternes peut-être, un charognard, un viandard de chair humaine, d'humeurs liquides et molles de toute façon. Il aime à se rappeler la mort, pas cette absence mais bien dans sa matérialité, ce démembrement, sa décomposition. Il aimerait tant se complaire dedans et pourtant il offre au vécu de la douleur de cette famille un balancier outrancier. Corbeau est l'asticoteur, il parle sans ambages, cru. Il faut prendre ses gardes avec lui et pourtant il apporte en même temps un soutien infaillible.

"HOMME: Comment est-ce que tu détermines si tu as trouvé quelque chose qui mérite un coup de bec?
OISEAU: Ça demande surtout d'être sur le qui-vive, c'est à la fois instinctif ( appétits, vices, etc...) et pragmatique (un joli paquet de chips, un veuf alléchant). Rappelle-toi le travail que j'ai fait avec toi, au début, ce qui ressemblait à de la vulgarité corvidée primaire était en fait un programme de soin très réfléchi, conçu pour s'adapter aux nuances de ta guérison."

Alors oui, est-il vrai? N'est-il qu'une illusion? Dans le corps du texte même la question apparait. Ce roman très court, à 3 voix quand ils sont quatre personnages, est un ping pong de réactions, de culpabilité mais aussi de sursauts. Pas de compassion, de la justesse. L'acte de se tromper, de mentir, de jouer pour grandir apparait en même temps que la responsabilité d'un homme qui ne doit pas se perdre pour ses enfants. Un être envoyé par la morte... baby-sitteur?

C'est beau, scotchant! A relire!
Merci aux éditions du Seuil et à l'opération Masse critique de Babélio.


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