"De ma vie, je n'ai jamais rien vu de tel: j'ai sans doute devant moi le plus parfait, le plus magnifique manège du monde. C'est vers lui que converge la foule lassée par les machines décevantes qui l'entourent, qui semblent presque avoir été placées là à dessein, pour réhausser son éclat.
Il parait pourtant plus vieux qu'elles encore, une précieuse antiquité surgie d'un passé révolu: tout en boiseries, en stuc et en éclats de miroirs multicolores, aussi somptueux qu'une pièce montée confectionnée par Grandpa. Des figures sont sculptées dans les colonnes de bois qui supportent le premier étage, des bustes de femmes voluptueuses, doréx à l'or fin, aux longs cheveux déployés comme des algues mouvantes: des sirènes. Tout le manège est en mouvement permanent et multidirectionnel, actionnée par des poulies et des pistons qui donnent l'illusion parfait d'une mer agitée. Et sur cette mer turquoise voguent une multitude d'esquifs, des coquilles Saint-Jacques, des hippocampes, des caravelles aux voiles gonflées...
... voguent ou plutôt tournent, tourbillonnent sur eux-même, aspirés par autant d'invisibles siphons.
La révolution générale du manège se surajoutant à la rotation individuelle de chaque élément, il m'est difficile de distinguer ceux qui sont embarqués dans cette valse aquatique. Ce n'est qu'à l'arrêt de la machine que je distingue enfin leurs visages, boules de papier mâché livides, dodelinant sur des cous sans force. Quel contraste saisissant entre les enfants et les ados surexcités qui s'apprêtent à monter à leur tout dans le manège et ceux qui en descendent, plus titubant que des alcooliques!"
(extrait de "Le cas Jack Spark, saison 2: automne traqué" de Victor DIXEN, Gallimard jeunesse; image du Carrousel des Mondes marins, des Machines de l'île, Nantes, Royal Deluxe)
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