lundi 1 février 2010

Verte


« Verte » de Marie DESPLECHIN offre une lecture très agréable et très intéressante dans la forme. Une jeune fille prénommée Verte est née dans une famille de sorcières. Elles le sont de mère en fille ainée.
Nous allons suivre ce passage d’une enfant de 11 ans comme les autres à une sorcière à travers 4 regards différents : Ursule la maman, Anastabotte la grand-mère maternelle, Verte et Soufi l’ami de Verte. A chaque regard se dévoile les rapports filiaux, les transmissions volontaires, la parentalité et la volonté d’être soi.

Ursule, la mère, est une sorcière fière de l’être. Elle a vu sa parentalité comme une aventure vers cette sorcellerie en devenir chez sa fille. Des choix singuliers : famille monoparentale, une envie d’être comme toutes les femmes mais avec toute l’originalité pour ne pas y être confondue, des dons pour créer des petits malheurs autour d’elle, une précipitation de tout, une insatisfaction permanente. Et puis une manière d’éduquer toute narcissique : faire de sa fille un double, une sorcière de prestige, une jeune femme différente des autres, ressemblante à la famille, une jeune femme indépendante. Elle trépigne d’impatience, fuit vers l’avant et souhaite précipiter le passage de sa fille vers la sorcellerie.
La grand-mère, Anastabotte, fait le lien générationnel. Plus patiente, elle a cette distanciation du passé. Ce ne sont plus les mêmes obligations, le temps a son importance : patienter, se préparer, prévenir. Elle est aussi la grand-mère copine, cuisinière, entremetteuse. La « bonne » fée. Le pendant plus sage de la sorcellerie. Les transmissions peuvent être aussi orales, pratiques et symboliques.
Verte est plus intéressée par les préoccupations des filles normales de son âge que par les pouvoirs qu’elle aura, de toutes façons. Elle refuse de se faire modeler, de devenir une sorcière, « différente » à la norme et de ressembler à sa mère. Cette image de la mère est très forte : sorcière « mauvaise », femme indépendante mais renfermée sans homme, sans amour et sans père pour sa fille. Verte souhaite refuser le destin, elle souhaite les troubles du cœur, la présence masculine dans une vie et cet apport des hommes, non sorciers à cette famille si peu ordinaire.
Et toute la beauté du livre est là : le destin est présent mais chacun peut créer sa manière d’être malgré lui. Ne pas être une mauvaise sorcière, créer sa façon d’être, se reconnaitre, se trouver aussi et marquer de son empreinte une famille.

Et puis pour le plaisir et l’envie que j’ai eu d’être une sorcière :
« - Qu’est-ce que tu lui as fait, à Mme Arsène ? a demandé Verte avec une pointe d’inquiétude dans la voix.
- Un tas de choses. Des crèmes et des lotions pour la peau et les cheveux, une potion pour la digestion, une autre pour le moral, des abonnements d’un an à des magazines distrayants.
- Il n’y a pas un gramme de sorcellerie dans tout ça, a protesté Verte. C’est à la portée de n’importe quel pharmacien ou de n’importe quel libraire !
- Ksss, ksss, petite ignorante. Je suis mille fois plus mystérieuse et mille fois plus efficace que tous les pharmaciens et tous les libraires du monde. En prime, j’ai envoyé quelques sorts désopilants sur sa maison, si bien que sa vie est devenue pendant quelques semaines une suite ininterrompue de joyeuses surprises, musique brésilienne au réveil, envol d’oiseaux multicolores sous ses fenêtres, escorte d’admirateurs devant sa porte, frigo fournisseur de menus diététiques et tutti quanti. »


Un beau début de conversation sur la parentalité, l’éducation, les affinités différentes et à entretenir comme telles d’une génération à l’autre. Clarabel m’avait donné envie . Et puis quelques voies de lectures pour les enfants ici. Un très bel article aussi chez Acro livrement .

Livre lu dans le cadre du Challenge Lectures d'école.

3 commentaires:

  1. Je l'ai noté pour le challenge lectures d'école celui ci aussi !..... merci pour ton avis !

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  2. Marc de Gondolfo: de rien et bienvenue entre ces billets.

    Cacahuète: Bienvenue entre mes billets. Oui c'est une très bonne proposition. Je regarderais ce que tu en as pensé!

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