mercredi 10 février 2010

La chatte

En passant chez ma maman, j’ai retrouvé ce livre d’école : « La chatte » de Colette.


Je l’avais beaucoup aimé et ayant toujours eu des chats avec moi (et de tempérament fort), j’ai eu envie de le relire. J’avais pris beaucoup de plaisir (intellectuel plus que sensuel) à lire « Je suis un chat » de Natsume SOSEKI où les attitudes félines étaient très bien campées , là je me suis laissé prendre par des sentiments plus charnels, peut-être comme lors de ma première lecture, adolescente.

Ce couple pris dans les filets d’une jeune liaison, d’un jeune mariage, se désintègre sous nos yeux. L’héroïne est la chatte du fiancé, Saha, petite femelle achetée par le jeune homme 3 ans plus tôt. Cette chartreuse, par sa noblesse de félin, son allure altière, semble effacer tout le charme de la fiancée. Alain, le jeune mari, est encore au début de sa vie, dans les relations sans concession, intenses, sans limite. Il n’est pas prêt à ménager une place à la nouvelle venue, sa femme.
La jalousie féminine, les comportements princiers des chats et l’inconstance amoureuse du jeune homme sont tellement bien décrits. Ce dernier ne souhaite que cet animal, si entier, si possessif, comme si Saha faisait partie de lui-même : cette part de liberté, de bohème, de despotisme du jardin doivent le tenter. L’animal, petit tyran, petite maîtresse, est sous son charme ou sous sa protection : « Il caressa à tâtons la longue échine plus douce qu’un pelage de lièvre, rencontra sous sa main les petites narines fraiches, dilatées par le ronronnement actif. « C’est ma chatte…Ma chatte à moi ! » - Me-rrouin, disait la chatte. R…rrouin… »
L’homme est dans le cynisme, le dédain des comportements humains. Il est dans la perpétuelle attente d’une séduction réussie, insatisfait par la beauté changeante de sa femme, plus enclin par les escapades marquant le pelage de Saha : des effluves de plantes, du poil plein de pétales, des narines plus ou moins retroussées et fraiches de ce félin chasseur, tout de suite amadoué. « Sans malice profonde, elle ne se doutait pas que, dupe à demi des défis intéressés, des pathétiques appels et même d’un frais cynisme polynésien, Alain possédait sa femme chaque fois pour la dernière fois. Il se rendait maître d’elle (..) » en se défilant, en amenant son absence…
Les attitudes enfantines de ce jeune homme avec sa mère sont aussi saisissantes : un homme pas encore sorti de l’enfance, encore dans la demande de satisfaction immédiate de ses désirs !
La scène du duel entre la femme et la chatte est mémorable…la plante des pattes entre les coussinets pleine de sueur marquant de fleurs le sol reste un détail frappant.


« Il parlait à la chatte qui, l’œil vide et doré, atteint par l’odeur démesurée des héliotropes, entrouvrait la bouche, et manifestait la nauséeuse extase du fauve soumis aux parfums outranciers..
Elle goûta une herbe pour se remettre, écouta les voix, se frotta le museau aux dures brindilles des troènes taillés. Mais elle ne se livra à aucune exubérance, nulle gaité irresponsable, et elle marche noblement sous le petit nimbe d’argent qui l’enserrait de toutes parts. »

Et que dire de ce fauve se promenant nonchalamment dans son domaine géographique et relationnel.

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