"La maman rêvait souvent des fleurs qu'elle planterait au retour du printemps. Elle les dessinait sur le pourtour intérieur de la fenêtre nord. Chaque fois qu'elle s'y asseyait pour regarder la mer, elle traçait une nouvelle fleur, tout en pensant à autre chose. Parfois, elle était surprise elle-même par ses fleurs, comme si elles avaient poussé toutes seules. Et elles devenaient de plus en plus jolies.
[...] elle était assise dans la fenêtre du sud où elle dessinait une tige fleurie. [...] Sa tige devenait chevrefeuille, une belle fleur compliquée.
[...] - J'aurais bine besoin d'un peu de peinture bleue, se dit la maman.
Elle avait laissé son chevrefeuille déborder l'embrasure de la fenêtre et sur le mur blanc s'épanouissait une fleur audacieuse au dessin exquis."
(extrait de "Papa Moumine et la mer" de Tove JANSSON, Nathan)
Passer d'une "fleur de distraction" à un petit noyau de patience incarnée:
"A un moment, mon père s'est retourné vers moi, mi-exaspéré, mi-amusé, pour m'expliquer quelque chose. Il m'a expliquer le mot patience. Il m'a dit que la chose la plus importante dont je devais me souvenir, c'était que, si l'on voulait vraiment voir quelque chose, il fallait parfois rester immobile, sans bouger, au même endroit, et se rappeler à quel point on voulait la voir, cette chose - en un mot, être patient. "[...] Si tu veux voir des faucons, tu dois être patiente, toi aussi." Ce qu'il faisait, c'était de me transmettre une "vérité de grande personne". Moi, je hochais la tête, l'air boudeur, le regard fixé sur mes pieds. J'avais l'impression d'entendre un sermon, pas un conseil, et je n'ai pas compris alors ce qu'il essayait de me dire.
On finit toujours par comprendre. Aujourd'hui, me suis-je dit, n'ayant plus neuf ans, ne m'ennuyant plus, j'ai été patiente et les autours sont venus. Je me suis levée lentement, les jambes un peu engourdies d'être restées si longtemps immobiles, et j'ai découvert que je tenais une touffe de mousse des rennes, une petite sphère de ce lichen arborescent gris-vert pâle, qui peut survivre à tout ce que le monde lui fait subir. Un petit noyau de patience incarnée que l'on peut garder dans l'obscurité, congeler, ou dessécher à l'en rendre cassant, mais qui refuse de mourir. Il entre en dormance en attendant que la situation s'améliore. Impressionnant. J'ai soupesé cette pelote de brindilles qui ne pesait presque rien[...]."
(extrait de "M pour Mabel" d'Helen MacDONALD, 10/18; source illustration Kops Janus, Flora Batava, Amsterdam,1853)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire