"Nous apprenions à nous connaître. C'était très ludique. Nos répliques avaient une séduisante indépendance, il n'y avait aucun embarras dans nos apartés. Nos liens de sang ne figuraient pas dans nos espérances. Il était bien trop tard. Pour lui comme pour moi. Irréconciliables par la force des choses et par nos destins éclatés, il nous paraissait artificiel de nous étendre là-dessus, perchés sur une ramification somme toute imposée, souvent subterfuge. Nous n'étions pas des équilibristes, encore moins des archéologues. Il ne s'agissait pas de combler le temps passé, mais de passer notre temps ensemble sans le combler de remords et de reproches. Il nous était impossible de ressusciter, d'un simple coup de baguette magique, ce que nous ne connaissions pas. Nous avions fait, chacun de notre côté, le deuil des simagrées qui auraient pu travestir nos retrouvailles. Dans ce domaine nous étions bien du même sang... Il n'y avait pas de souffrance, ni de honte, la moindre faiblesse entre nous. Il y avait une alchimie, si mystérieuse, que la pudeur, ou la prudence, nous commandait d'ignorer. Par cette alchimie, et par elle seule, s'élaborait notre destinée en commun, et dans une gestation précise, elle se découvrait d'elle-même devant nous sans que nous ayons à la provoquer."
(extrait de "J'abandonne aux chiens l'exploit de nous juger" de Paul M.MARCHAND, Grasset)
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