lundi 26 novembre 2012

Ramayana, La divine ruse

Quelque fois il y a une histoire avant l'arrivée d'un livre. Celui-ci a été commandé pour venir nous illustrer la fête des lumières indiennes, Diwali, fêtée entre octobre et novembre. Je vous en parle là. Je voulais accompagné la fin d'année, l'avant des fêtes, Avent de Noël mais aussi les autres issues de la mixité de mon couple, par une mise en atmosphère, par un voyage mondial et festif.

© Sanjay PATEL/ Ankama

"Ramayana, La divine ruse" de Sanjay PATEL propose une version simplifiée et stylisée d'un passage extraordinaire de la mythologie hindoue. Une superbe ouverture aux dieux hindous et à la poésie de légende, celle-ci ayant été mise en valeur et présentée par Valmiki.

Ravana est un démon persévérant. Il veut parler aux dieux et pour cela, il s'en donne les moyens, jeûne remplacé par posture de vie (debout sur un orteil) puis mantra perpétuel Aum, le tout plus de 3 mille ans avant de décidé de se couper ses 10 têtes. Brahma, le Dieu créateur, l'interrompt et lui propose, au lieu d'être le tout puissant, de ne pas pouvoir être tué par des dieux ou des démons. Et Ravana devient un tyran incontrôlable. Vishnu, Dieu protecteur, décide de ruser et de prendre l'aspect d'un humain grâce à un avatar, Rama.

© Sanjay PATEL/ Ankama

Rama, petit garçon à la peau bleue, nait dans une famille royale et est destiné à faire de grandes choses. Protéger son peuple des démons en est une. Cette première épreuve l'amène auprès d'un autre royaume où une belle princesse Sita est conquise. Le père de Rama, le Roi d'Ayodhya, est si fier qu'il les proclame roi et reine à sa place. Mais une de ses épouses ne le veut pas et fait exilé Rama dans la forêt pendant 14 ans. Rama est alors accompagné de son épouse et d'un de ses frères, Lakshman. Mais une démone s'éprend de Rama et folle de jalousie va entrainé le kidnapping de Sita par Ravanna.
Rama part donc la délivrer aidé en cela par son frère Lakshman, par le Singe blanc, Hanuman, fils du Dieu du vent, et par Jambavan, ours noir chef de clan.

L'épopée est ici très bien amenée et même si les noms hindous sont nombreux, la lecture reste fluide. Chaque chapitre offre un texte simple (en dehors de l'hindi), les images illustrent autant qu'elles racontent.
Oui c'est une histoire brutale, avec de nombreux démons, de nombreux combats... des têtes partent aussi. Mais le dessin est ici très stylisé permettant une approche pour les plus jeunes, le sang est un trait en pointillé par exemple.

© Sanjay PATEL/ Ankama
L'aventure se décline en 3 actes et après des focus sur les dieux et démons, guerriers, sages et animaux, sont proposés amenant un plus à la lecture. Une géographie de Ramayana est aussi là pour resituer en Inde et au Sri Lanka. Il devient facile de se repérer. Quel dommage qu'il ne nous ai pas proposé la totalité des dieux et démons de la mythologie indienne.
Sanjay PATEL a travaillé pour les studios de dessins animés Pixar et utilise là une technique de dessin informatique à base de vecteurs: cela rend une image impeccable, précise, détaillée, stylisée. Les combats aux multiples adversaires sont alors de vrais tableaux et les partis pris pour reconnaitre les personnages permettent vraiment une approche très facile.

© Sanjay PATEL/ Ankama

J'aime beaucoup ce dessin virtuel tiré de croquis. D'ailleurs l'auteur nous offre en fin de livre quelques dessins préparatoires, une idée de storyboard. Alors oui, il n'y a pas ce trait indien que nous retrouvons dans les illustrations de la mythologie indienne en temps normal, Hanuman est magnifique aussi et pas avec un masque "grossier" voulant être de singe. Cependant l'exotisme est conservé surtout par des motifs.

La question de 10 heures du soir

Ce livre est arrivé dans mes étagères pour sa quatrième de couverture mais bien plus pour ce dessin d'un oiseau étrange. "La question de 10 heures du soir" de Kate De GOLDI est bien cela, étrange.


Frankie est un garçon de 12 ans. Il vit dans une banlieue de Nouvelle-Zélande. Tous les jours il part à l'école, retrouve son copain Gigs, fait le même parcours. Il est angoissé, hypocondriaque et se réconforte avec des habitudes, quelques petits rituels et surtout la question de 10 heures du soir posée à sa mère dans sa chambre.
Un matin, une nouvelle élève arrive, Sydney. Elle n'est pas du tout comme les autres filles. Elle porte des dreadlocks, a un piercing, se couds ses vêtements, fait du cricket mais surtout ne sait pas que les garçons et les filles restent séparés. Elle est spontanée, décomplexée, curieuse et pleine de vie. Elle va être la source et le catalyseur de multiples questions. Ce ne sera plus des angoisses sur les maladies possibles, sur les préparatifs de survie en cas de catastrophe mais une réflexion sur soi et sur la folie.

Sydney catapulte les rouages de cette vie. Et comme elle fait la roue dans la rue sans se soucier d'être en jupe, elle court-circuite les liens habituels entre Frankie et sa famille. La maman compréhensive, le père nonchalant, la grande sœur bourrue et agressive, le grand frère fuyant et débrouillard. Parler du tabou de cette mère cloitrée chez elle depuis 9 ans entraine d'autres formes d’échange.
Grâce aux discussions avec ses amis Gigs et Sydney, sur leur monde de l'enfance en chiloun, dialecte inventé mélangeant le russe, le verlan et l'argot et l'italien, mais aussi à force de questions abruptes et à travers un projet littéraire d'école que Sydney va écrire et Frankie illustrer, le passage de l'enfance à l'adolescence se fait. Le point de vue se fait plus relatif et compréhensif.

Les mères ont ici un impact important, pour ce qu'elles sont et apportent (ou n'apportent pas) et aussi pour leur folie.
Deux manières d'être mère se confrontent: une mère ne croit pas en l'école ni au travail, se fait entretenir par les hommes et se sert de sa grande fille comme d'une nounou, l'autre a été trop bouleversée par la vie et ne sort plus de chez elle. L'une est maternante, l'autre non et pourtant toutes deux imposent à leur enfant une responsabilité hors de leur âge.
Comment grandit-on avec cette pression?

La transformation de Frankie se lit aussi dans ses dessins: des personnages par mimétisme artistique, vers une copie de naturaliste des oiseaux et ensuite à un style et à la création d'une espèce ornithologique... Les goûts russes de sa mère, musique et littérature, sont aussi une trame de fond. Les œuvres russes sont tristes, comme la vie. Est-ce qu'il faut alors envisager une fin tragique ou juste se dire qu'elles sont là que comme un référent?

C'était une lecture plaisante mais assez décevante, j'attendais une réflexion plus aboutie sur la psychologie fragile, des mères, de Frankie... Elle reste néanmoins très révélatrice d'un état d'esprit de jeune garçon et de ses relations à sa famille, à ses amis et l'amour comme potentialité.

Le Noël de Balthazar

Beaucoup d'albums sont proposés par le duo Marie-Hélène PLACE et Caroline FONTAINE-RIQUIER mettant en scène un petit garçon, Balthazar, et son doudou vivant, Pépin. A chaque proposition, l'histoire se dévoile avec une manière d'être au quotidien inspirée de Maria MONTESSORI... pour cela il vous suffit de suivre le lien vers l'illustratrice qui vous emmènera, sur ce blog, à tous les livres dont il est question (albums ou livres d'apprentissages).


© Emma KELLY, Marie-Hélène PLACE et Caroline FONTAINE-RIQUIER/ Hatier jeunesse

"Le Noël de Blathazar" de Marie-Hélène PLACE, Emma KELLY et illustré par Caroline FONTAINE-RIQUIER parle de la fête de Noël. Je n'avais pas pu passer à côté, cependant, il reste très simple, voire simpliste par rapport aux autres. Alors pourquoi en parler me direz-vous? Et bien parce que sur ce thème, il est tout de même une belle proposition d'atmosphère (et une belle couverture pailletée).

© Emma KELLY, Marie-Hélène PLACE et Caroline FONTAINE-RIQUIER/ Hatier jeunesse

Balthazar se prépare à la fête, la maison se décore et il suit la suite des jours grâce à sa frise du temps. Mais voilà, il veut faire un cadeau à son ami Pépin mais il n'a pas de sous. Il part tout de même sous la neige vers la boutique de Monsieur Merlin. "Parmi le fouillis et la poussière il y a des trésors si vous cherchez bien" et oui, il y trouve un petit homme de bois parfait pour devenir le conducteur du petit train de Pépin. Pour payer, il demande à Monsieur Merlin s'il accepterait un échange entre sa magnifique collection de billes et le pantin. Monsieur Merlin accepte. Pépin lui aussi veut faire plaisir à son ami. Il trouve au magasin pile ce qu'il souhaitait en échange de son petit train... pour aller avec la magnifique collection de billes de son ami.

© Emma KELLY, Marie-Hélène PLACE et Caroline FONTAINE-RIQUIER/ Hatier jeunesse

Cet album présente le beau sentiment du don, de l'amitié qui passe au dessus des valeurs matérielles. Il y a aussi cette poésie de l'instant, où la fin sera belle et douce. C'est gentil.
Alors oui, malgré cette doucereuse impression, j'ai particulièrement aimé la boutique de Monsieur Merlin. Cette idée que si vous faites un petit effort pour ne pas regarder que les apparences, vous trouverez des trésors, de la compréhension et des valeurs bien plus fortes qu'espérées.
Sur le thème de Noël, un autre "album" de Balthazar répondra aux attentes des plus grands, j'en parle là (et en plus il fait calendrier de l'Avent).

dimanche 25 novembre 2012

Moi, si j'étais grand

"Moi, si j'étais grand" d'Eva JANIKOVSZKY et illustré par Laszlo REBER est une réédition de 1965. Nous aurions pu craindre que l’œuvre soit désuète sans compter qu'elle parle aussi de bonnes manières et non, elle est toujours d'actualité et est même jubilatoire.

© Eva JANIKOVSZKY et Laszlo REBER/ La joie de lire

Ce tout petit garçon rêve d'être grand, parce que, en tant qu'enfant, il est bien plus marrant d'être un garnement. Et bien-sûr seuls les adultes ont le droit de faire ce qu'ils veulent. Les enfants eux doivent obéir et regarder où ils mettent les pieds, ranger leurs jouets, mettre un pull etc...
S'il était grand il pourrait faire ce qui lui plait, ne pas rendre de compte. Il aurait aussi une amoureuse, une fille qui serait la mère de ses nombreux enfants. Parce que oui, il en veut des enfants pour pouvoir jouer avec eux et faire des "bêtises".

Ce petit garçon nous parle de l'éducation autoritaire des parents, qui donnent des ordres, pointent le doigt exigeant et incisif. Il faut se conformer à de bonnes manières comme se tenir bien à table sans bouger les jambes, se laver les mains ou ne pas manger de chocolat avant.

© Eva JANIKOVSZKY et Laszlo REBER/ La joie de lire

Certaines envies d'enfant sont magnifiques, "élever des poissons rouges dans la baignoire", "[faire] pousser un palmier dans le verre à dents", "[mettre] des gants blancs et [passer] la main le long de toutes les grilles" et nous y retrouvons toute la spontanéité et l'émerveillement de l'enfance. Et puis il y a les privilèges de l'adulte: toutes les activités ludiques (et lui étant interdites aujourd'hui) il serait le premier à les faire et en aurait plus, devant sa femme et ses enfants.

© Eva JANIKOVSZKY et Laszlo REBER/ La joie de lire

Devenir grand apparait alors comme une question de taille, une liberté trouvée, une absence d'obéissance de sa part. Devenir grand c'est acquérir les privilèges des adultes... tout en gardant ceux des enfants.
Le garçon commence aussi sa réflexion sur l'éducation parentale, parce que oui, il souhaite que ses enfants soient fiers de lui mais il souhaite aussi qu'ils ne se chamaillent pas, entre autre...

Les illustrations de Laszlo REBER sont presque caricaturales. Des profils, des situations, des gestes, le tout comme des exclamations.

© Eva JANIKOVSZKY et Laszlo REBER/ La joie de lire

Ce duo est marquant dans la culture hongroise et a influencé toute une jeunesse, voir ici.

jeudi 22 novembre 2012

C'est la fugueuse en moi qui lit


"Je dévore des livres choisis pour leur taille - pas moins de sept ou huit cents pages. Le temps passé à lire n'est pas vraiment du temps. Allant d'une page à l'autre, je passe des frontières, j'entre dans des maisons endormies, c'est la fugueuse en moi qui lit et aucun gendarme ne peut la retrouver avant qu'elle ait atteint la dernière phrase, levé la tête sur un ciel qui était bleu au début du premier chapitre et qui maintenant est noir. J'ai vingt-sept ans mais les lecteurs n'ont pas d'âge. Devant le livre ouvert il n'y a qu'une enfance laissée à des jeux dans la rue, bien après dix heures du soir."

(extrait de "La folle allure" de Christian BOBIN, photo de suckmyarthole)


mardi 20 novembre 2012

Balthazar prépare Noël (l'Avent)

IL est quelque fois difficile de mettre un enfant dans l'ambiance d'une fête. Pour Noël, les calendriers de l'Avent permettent de se faire un idée du temps qui passe et qui sépare du jour des cadeaux. Il y a les calendriers gourmands et d'autres plus "inspirés". "Balthazar prépare Noël" de Marie-Hélène PLACE et Caroline FONTAINE-RIQUIER fait parti des seconds.

© Marie-Hélène PLACE et Caroline FONTAINE-RIQUIER/ Hatier jeunesse

Cette nouvelle proposition s'inspire toujours de la pédagogie Montessori. Là pas tant d'action d'apprentissage pour l'enfant si ce n'est que les 24 mini-livres détachables sont à suspendre pour marquer les jours et des manières d'être à la saison. Ils ne sont pas déjà suspendus mais bien mis un à un au fil des jours par l'enfant: au dernier suspendu, l'enfant sait que Noël sera cette nuit, surtout que le mini-livre 24 est un sapin de Noël.
Ce calendrier s'ouvre en trois parties sur un salon chaleureux et décoré. Balthazar et d'autres enfants jouent en attendant le jour de Noël. Et l'ambiance monte grâce aux petites lectures de chaque jour.
La fête de Noël étant chrétienne, il en est bien-sûr un peu question mais avec parcimonie: la crèche, les Rois mages. Mais la décoration et la saison hivernale sont surtout mises en valeur: la couronne de l'Avent, le bouquet de houx, le feu de cheminée et la nature avec la balade en forêt ou la nourriture à préparer aux oiseaux.

© Marie-Hélène PLACE et Caroline FONTAINE-RIQUIER/ Hatier jeunesse

Le calendrier de l'Avent est aussi fait de mini-histoires, présentant le Père Noël, Saint-Nicolas, le Père fouettard mais aussi un poème de Clément Clarke MOORE. C'est aussi une entrée dans les festivités chez Balthazar.
En plus, des activités sont proposées: la bûche de Noël à préparer, une boule d'ambre, des cartes de vœux etc...

© Marie-Hélène PLACE et Caroline FONTAINE-RIQUIER/ Hatier jeunesse

Loin de s'être contenter d'une mise en scène religieuse, ce livre/calendrier est magnifique et offre de nombreuses autres voies de festivités... j'aime ce sapin celtique décoré de fleurs séchées, de fruits... j'aime cette crèche avec de l'écorce et de la mousse véritable.
En un mot, ce livre est MAGIQUE!

Et je remarque juste que je n'ai pas encore parlé du "Noël de Balthazar" du même duo! Allez, promis, je prépare le billet pour avant Noël (c'est fait: il est )... et pour d'autres histoires sur le thème de Noël, n’hésitez pas à suivre le lien.

dimanche 18 novembre 2012

Histoires comme ça

 © Rudyard KIPLING et Justine BRAX/ Milan Jeunesse

Adolescente, j'avais adoré lire et relire mon exemplaire d'"Histoires comme ça" de Rudyard KIPLING et traduit par Robert D'HUMIERES et Louis FABULET. L'imaginaire de KIPLING y est foisonnant et les histoire courtes me donnaient de l'évasion rapidement. Par contre, l'écriture y est très alambiquée. Je pensais qu'il s'agissait d'un trait du style de l'auteur anglais. Et c'est vrai qu'il était difficile de le proposer en lecture au lutin, j'avais essayé vers ses 4 ans, 5 ans et... 6 ans.
Mon petit folio avec sa couverture dessinée par Henri GALERON est toujours chéri avec ces dessins intérieurs de KIPLING lui-même. J'aimais (et aime toujours) les encarts concernant justement ces dessins. Je vous proposais un encart du "Papillon qui tapait du pied" là.

© Rudyard KIPLING et Henri GALERON/ Folio jeunesse

Je dois dire que là, j'ai été ravie d'avoir à disposition plus qu'une autre traduction mais bien une adaptation. C'est rare que je sois pour, je suis souvent très frustrée par la simplification mais l'adaptation d'Emmanuelle PINGAULT nous permet une lecture plus fluide et toujours avec les effets de style.

 © Rudyard KIPLING et Justine BRAX/ Milan Jeunesse

"Histoires comme ça" de Rudyard KIPLING et illustré par Justine BRAX est donc une très belle mise en bouche. Ces contes étiologiques proposent de considérer les caractéristiques de la faune avec exotisme et fantaisie.
Un enfant d’Éléphant un peu trop curieux, battu par ses proches, va découvrir que les réponses sont aussi douloureuses que les refus d'explications... ou comment avoir une trompe.
Un rhinocéros à la peau comme un imperméable découvre qu'elle peut devenir rugueuse, pleine de pli et surtout gratter, gratter, gratter.
Un chameau qui n'a pas de bosse... va boffer dur.

Les explications du pourquoi de la situation animale sont vraiment fabuleuses. Nous en redemandons. Une petite remise en situation des caractères mais aussi c'est une version de la faune toute particulière: comme une adoration mais aussi une supériorité assumée de l'homme sur elle... le rhinocéros ne respecte par le Parsi et se moque du fourneau (le feu étant vénéré par ces adeptes), le chameau ne veut pas donner sa part de travail à l'homme, comme s'il fallait être au service de l'homme.
Dans cette édition, le choix des contes mis en scène s'est focalisé sur les plus simples pour les enfants, en offrant aussi la poésie Si et une présentation de Mowgli, un des héros du "Livre de la jungle". Une vraie invitation au voyage.

 © Rudyard KIPLING et Justine BRAX/ Milan Jeunesse

Les illustrations de Justine BRAX sont très exotiques, les textures semblent se créer sous nos yeux avec ces motifs ou alphabets posés partout sur le végétal ou la fourrure ou peau animale. L'Inde transpire sous ses dessins, comme des kolams.

vendredi 16 novembre 2012

La question de Dieu

J'aime beaucoup le travail d'Oscar BRENIFIER. Ce praticien de la philosophie offre des livres destinés aux enfants, de maternelle et de primaire avec la collection "les petits philozenfants", sorte de petits albums aux réponses multiples dont je parlais là. Il propose une collection encore plus aboutie avec les "Philozenfants", pour le primaire et plus, sans histoire juste avec un questionnement aux réflexions multiples et offrant à chaque fois des pour et des contres laissant l'enfant être seul le décideur. J'en reparlerais mais vous pouvez vous faire une première idée lors d'un billet où je parlais de la politique.

 © Oscar BRENIFIER et Jacques DESPRES/ Nathan

"La question de Dieu" d'Oscar BRENIFIER et illustré par Jacques DESPRES parle bien-sûr du thème de la religion mais comme toujours avec cet auteur, les réflexions sont plurielles.
Qu'est-ce que Dieu? Un homme, une idée, unique, pluriel ? Est-il lié à une tradition, à des textes sacrés et relégués grâce à des "experts" ou diffus dans la vie entière, dans le cœur de chacun?
Ce ne sont là que des positions mises l'une à côté de l'autre offrant là une réflexion sur la présence divine, notre responsabilité par rapport à la vie, celle d'un Dieu, la rationalité ou la foi, le mal et le bien découlant de lui ou inhérent à la vie humaine. Par une phrase aussi une ouverture sur les oppositions religieuses, les guerres.

 © Oscar BRENIFIER et Jacques DESPRES/ Nathan (sur cette illustration, le respect de la tradition sur la page de gauche et sur la droite, le choix personnel!)

Ce livre est destiné aux plus petits mais permet une ouverture totale sur le sujet. C'est un magnifique outil pour démarrer la philosophie "religieuse".

 © Oscar BRENIFIER et Jacques DESPRES/ Nathan

Les illustrations de Jacques DESPRES sont déstabilisantes, au début: images virtuelles, paysages très simplifiés, présence d'objets de mobilier ou high tech et des individus, sûrement enfants, asexués, non-communicants et comme en tenue de cosmonaute. Ses personnages au regard étonné apportent pourtant une plus-value impensée: leurs comportements en situation mettent en lumière la réflexion, le vivre en société, ils sont attentifs, curieux, contemplatifs avec les mains derrière le dos et ont la spontanéité des enfants en attendant les bonbons ou en tirant à la corde en nous prenant à témoin.

jeudi 15 novembre 2012

Les deux routes

Les éditions Notari proposent de très belles nouveautés en ce moment, mais avant de vous parler d'un autre de mes coups de cœur du moment, je reviens sur un plus ancien... parce qu'il ne faudrait pas passer à côté, tout de même.

© Isabel MINHOS MARTINS et Bernardo CARVALHO/ Éditions Notari

Isabel MINHOS MARTINS et Bernardo CARVALHO n'en sont pas à leur première collaboration et à chaque fois la magie opère. Je les connaissais pour des propositions pour lectorat plus jeune, ici, ils nous offrent avec "Les deux routes" une magnifique invitation au voyage.

La première route est la bleue. Le papa, le fiston et la grand-mère la prennent. C'est l'autoroute, la route la plus rapide. La seconde est la rouge. La maman, l'autre fiston et la sœur prennent l'ancienne route. Bien-sûr ils sont partis plus tôt, avec des casses-croutes à cas où. Chaque route est une histoire autonome, pour lire l'autre il faut prendre le livre en sens inverse... mais même à la lecture de l'une, l'illustration de l'autre apporte une relativité du propos.

© Isabel MINHOS MARTINS et Bernardo CARVALHO/ Éditions Notari

La bleue est rapide. Le trajet sera court, ils le savent. Ils ont hâte d'arriver. De toute façon, le voyage n'est pas très agréable, il faut déchiffrer des chiffres et des panneaux, longer des murs d'isolation (de la circulation), se contenter d'un arrêt repas pas très bon, se faufiler dans la file d'attente.
C'est une route encore urbaine même en pleine campagne: le paysage ne forme presque que des traits, pas le temps de voir autre chose avec la vitesse.
La bleue est une invitation à profiter de l'arrivée, une route vers le futur mais aussi empreinte de passé: "On en profite pour penser au passé. On en profite pour rêver au futur. On essaie d'imaginer ce qui nous attend à la fin de la route. Ça ne va pas tarder, nous allons arriver... Qui sera là pour nous attendre?"

© Isabel MINHOS MARTINS et Bernardo CARVALHO/ Éditions Notari

La rouge est lente, sinueuse. Elle déambule dans les quartiers oubliés de la ville avant d'en sortir puis direction la campagne et ses habitants, de la ferme comme des maisons.
Elle est longue, il faut prendre le temps (son temps), ne pas se frustrer à chaque imprévu, savoir s'arrêter pour demander le chemin. C'est aussi profiter du voyage, des jeux, du vent et des arrêts spontanés et non chronométrés, pour un pic-nique, pour un baby-foot.
"Le soir commence à tomber. Nous traversons un vieux pont. Tout en bas, là, il y a une rivière où des gamins se baignent. "On peut s'arrêter juste un petit peu? Allez...""
La rouge est aussi un voyage en soi.

© Isabel MINHOS MARTINS et Bernardo CARVALHO/ Éditions Notari

Nous pourrions croire à première lecture que la rouge est la plus mise en valeur. Oui, bien-sûr, mais Isabel MARTINS n'oublie pas les désagréments, non pas de la lenteur, mais l'irritation, les erreurs de parcours, comme aussi un arrêt de la climatisation. Les enfants sont fatigués et énervés.
Ils arrivent tard, les enfants derrière dorment... mais c'est aussi ça le voyage avec un grand bol de liberté!

© Isabel MINHOS MARTINS et Bernardo CARVALHO/ Éditions Notari

Les illustrations de Bernardo CARVALHO ont toujours cette clarté de propos. La bichromie rouge/bleue est bien-sûr là pour suivre les histoires. Mais encore plus  ce sont les routes qui apportent la fluidité. Nous voyageons avec eux... lignes droites et larges, lignes sinueuses, paysages ou absence de paysage et puis les personnages de la famille avec beaucoup de tendresse.

mardi 13 novembre 2012

Les passants du moment


... du Christian BOBIN, pour la sincérité
... du Gérard GAROUSTE, pour la vie, folie, passion et art
... du Jérôme FERRARI, pas parce que primé mais parce qu'après avoir lu "Un Dieu un animal" et parce que Lily est de bon conseil (toujours) et d'amitié sûre, parce que le lire c'est aussi lire entre les lignes mon amitié pour elle (comme toute intertextualité le permet),
... du Christophe ANDRE pour continuer à cheminer, lire sur la méditation et m'exercer, pour ne pas me sentir seule, pour me savoir soutenue, mise sur les rails... encore

lundi 12 novembre 2012

L'art face à l'histoire


"L'art face à l'histoire, 50 événements racontés par les artistes" de Nicolas MARTIN et Eloi ROUSSEAU présente des événements marquants de l'Histoire internationale à l'aide d'un tableau. Ce ne sont pas forcément les points les plus fondamentaux qui sont mis en valeur, pas forcément non plus les tableaux les plus connus mais il offre aux regards 50 faits depuis la Révolution française. Des guerres (Corée, Vietnam), des révoltes et des personnages (Mao, Staline, Hitler, Kennedy, Marylin), des états totalitaires mais aussi la modernité, entre technicité et défis humains.
Dans ce livre, les artistes prennent position. "La peinture n'est pas faite pour décorer les appartements; c'est une arme offensive et défensive contre l’ennemi." Pablo PICASSO

J'aime beaucoup cette approche. Elle aurait pu se limiter à n'être qu'un événement présenté par un tableau, un peu comme dans nos livres d'histoire. Mais là, et c'est d'autant plus intéressant, le parti-pris de l'artiste est présenté. Il n'est pas tant question d'une exhaustivité de l'art face à l'histoire ou de l'histoire présentée par les artistes que de choix pertinent pour parler de l'histoire. A chaque fois, un retour sur un événement et ensuite les tableaux, la position de l'artiste dans son temps et ses choix graphiques: d'une glorification, d'une allégorie, d'un style, d'un réalisme. Ainsi ce sont des solutions de révolte picturales qui sont mises en avant.

La peinture d'histoire " ne se limite pas à la représentation d'événements contemporains, mais trouve aussi ses sujets dans l'histoire ancienne, la mythologie ou les scènes religieuses", où le regard critique n'existe pas. Puis, avec la Révolution française, les styles artistiques deviennent partisans même abstraits: "Même si la situation était en fait plus complexe, les formes géométriques permettent d'en donner une vision schématique et dépourvue de toute ambiguïté. Le message est clair: il faut choisir son camp!"

Nous retrouvons Guernica de PICASSO, où le cubisme "qui décompose la réalité en fragments vus sous différents angles" permet de rendre compte de la dislocation des corps, de la projection des murs et reste le symbole de toutes les guerres. Mais aussi:
Jacques Louis DAVID et la Révolution
Marc CHAGALL et la souffrance juive
Théodore GUERICAULT et son Radeau de la Méduse
Eugène DELACROIX et ses allégories de la liberté
Oskar KOKOSCHKA tentant de nous ouvrir les yeux sur l'expansion d'Hitler
Francisco de GOYA
Andy WARHOL et son approche de l'histoire comme de la consommation
JR et ses photographies d’Israéliens et de Palestiniens sur le mur de séparation
... et tant d'autres, avec un fin d'ouvrage les styles artistiques resitués.

La mort de Kennedy, Hiroshima, le 11 septembre, le coup d’État de Pinochet au Chili... les événements prennent une autre couleur, pour mieux nous questionner.
Une superbe proposition que ce livre, autant destiné aux enfants pour leur amener un esprit critique à toujours entraîner et encourager, qu'aux adultes pour nous confirmer que l'art est aussi un message

Livre lu dans le cadre de Masse Critique Babelio. Merci aux édition Palette!



vendredi 9 novembre 2012

Madame Le Lapin Blanc

Et voici le second choix pour une enfant accro aux princesses et contes de fées (le premier étant celui-ci)... une entrée, décalée, dans l'univers féérique et, décalé, de Lewis CARROLL et de son Alice...

© Gilles BACHELET/ Seuil jeunesse

"Madame Le Lapin Blanc" de Gilles BACHELET nous plonge dans l'univers caché du lapin blanc courant avec sa montre à gousset dans "Alice aux pays des merveilles".
Madame Le Lapin Blanc reprend l'écriture de son journal intime. C'est une femme au foyer débordée. Pendant que son mari travaille, de mauvaise grâce, pour la Reine de Cœur et aide Alice, Madame fait le ménage, les courses et tente de comprendre les états psychologiques de sa plus grande adolescente, entre période d'opposition alimentaire et fashionista. Son intérieur regorge de menus travaux à faire et de détails permettant une autre lecture des histoires d'Alice.

© Gilles BACHELET/ Seuil jeunesse

Ainsi dans ce monde-ci, les personnages ont une vie bien différente, au quotidien plus urbain (des magasins pour dodo coquette, d'autres de sport avec bien-sûr les flamants roses et les hérissons). Ce sont aussi les élèves de la nouvelle école de la petite qui intriguent: le chapelier fou par exemple. Et cette salle de classe comme un cabinet de curiosité où le Jaberwocky est tout petit et juste en squelette.
Au fil des illustrations ce sont aussi des modes de vie français et anglais (vieil électroménager, presse féminine) et la condition féminine qui apparaissent. Une petite critique sociale en somme. Mais dans cette débâcle, le Lapin Blanc toujours en retard et pas très attentionné à sa famille va nous prouver le contraire.

© Gilles BACHELET/ Seuil jeunesse

Il ne faut pas se méprendre, derrière, la magie opère toujours... les détails laissés-là emportent. Un chat de Cheshir animal de compagnie, un chien carte faisant sa crotte cœur, la photo célèbre de la véritable Alice Liddel dans la vitrine, le pied immense d'Alice fantasmé s’offrant une entrée dans la maison du Lapin Blanc.

mercredi 7 novembre 2012

Le Prince des Marées

Ça y est, je l'ai lu. Je l'avais emmené cet été et je m'étais laissée intimidée par le nombre de pages. Et puis j'avais déjà lu mon pavé des vacances. Mais il ne faut pas se fier au volume, le roman séduit, happe, nous laisse captif. Une merveille!


"Le Prince des Marées" de Pat CONROY est une histoire familiale de sudistes américains. En Caroline du Sud, dans les années 40 naissent trois enfants, Luke et, Tom et Savannah, les jumeaux. Tom est maintenant un adulte inscrit dans une petite vie, au chômage, mari d'un médecin et père "au foyer" de trois filles. Mais sa sœur, la poétesse de génie, vient de refaire une tentative de suicide. Il part à New York pour la soutenir et se retrouve confronté à son mutisme, obligé de dévoiler leur enfance au psychiatre de Savannah pour aider cette dernière à refaire surface.
Tom, qui avait choisi d'oublier, reprend les moments clefs de cette enfance, de rêve et de cauchemar. A travers ses mots c'est le cri d'épouvante de sa soeur qu'il explique, elle qui ne voulait pas oublier le pire et pourtant dont la mémoire a laissé des pages blanches et des hallucinations horrifiantes.

Le père est crevettier. Homme de la mer et terrien, il a toujours une idée en tête pour devenir riche, et perdre encore plus. Sa femme est une beauté pure, mère attendrie et ambitieuse. Le père est violent, bat sa femme et ses enfants, sauf en mer, où partit dans des monologues, il réfléchit sur la vie et partage le bonheur avec ses enfants. La mère protège ses enfants et leur fantasme une vie.
La violence est là, à chaque pas, celle physique du père, celle morale de la mère: la loyauté familiale oblige l'oubli. Il ne peut rien arrivé sur l'Ile de Melrose, et bien si, le pire peut se produire. Comment devenir un adulte en l'ayant subie? En étant fort, fier, héroïque voir Don Quichottesque comme Luke, en perdant la raison et offrant son génie dans l'art par des mots comme Savannah ou en restant médiocre comme Tom.

C'est une enfance tragique où les blessures infligées par les parents sont aussi le résultat d'une histoire. L'amour est un sentiment difficile à offrir. Le roman parle de cette parentalité pas si évidente, de la souffrance presque induite.
"Moi, personne ne m'a prévenu de ce genre de truc quand j'étais petit, dis-je sérieusement, mais les parents ont été mis sur terre dans le seul but de rendre leurs enfants malheureux. C'est une des principales lois voulues par Dieu. [....] Parce que Maman et moi on vous bousille. [....] Mais je sais qu'on vous bousille un petit peu chaque jour. Si nous savions comment, nous arrêterions tout de suite. Nous ne recommencerions jamais plus, parce que nous vous adorons. Mais nous, les parents, on ne peut pas s'empêcher. C'est notre rôle de vous détruire. Vous comprenez?"
De l'amour, même si mal formulé, et du pardon familial. Et c'est fou ce qu'ils pardonnent...

C'est aussi un roman magnifique, d'une énorme poésie sur la nature et les espoirs d'enfants. Les trois font preuve d'un certain héroïsme. Leurs aventures sont intenses, dangereuses, utopiques mais réussies. Libérer un marsouin blanc, offrir une vengeance odorante à un dénigrement social. Une liberté, un épanouissement qui rappellent effectivement Huckleberry Finn.
Et puis cette désillusion d'être adulte, de grandir sans utiliser tout son potentiel, de ne pas échapper aux douleurs du passé, le tout avec l'intelligence de la réflexion... et beaucoup d'humour.

Le Sud des États-Unis et New York sont aussi comme des personnages. Symboles d'un rapport à la terre ou de la culture, simplifié comme la médiocrité et le racisme ou comme repère de la misère et de la violence. La géographie concrétise un choix de vie et marque une blessure.

mardi 6 novembre 2012

Ma blessure a nom géographie

"Pour décrire notre enfance dans les basses terres de Caroline du Sud, il me faudrait vous emmener dans les marais, un jour de printemps, arracher le grand héron bleu à ses occupations silencieuses, disperser les poules d'eau en pataugeant dans la boue jusqu'aux genoux, vous ouvrir une huître de mon canif et vous la faire gober directement à la coquille en disant "Tenez. Ce goût-là, c'est toute la saveur de mon enfance." Je dirais: "Inspirez fort", et vous avaleriez cet air dont la saveur serait inscrite dans votre mémoire pour le reste de vos jours, arôme exquis et sensuel, impudent et fécond des marais, parfum de Sud caniculaire, du lait frais, du sperme et du vin répandus, avec, toujours, un relent d'eau de mer. Mon âme se repaît comme l'agneau de la beauté des terres baignées d'eau de mer.
J'ai le patriotisme d'une géographie singulière sur la planète; je parle de mon pays religieusement; je suis fier de ses paysages."

(extrait, "Le prince des Marées" de Pat CONROY dont je parle là)