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dimanche 1 mai 2016

Les noceurs

Avec cet auteur, il ne faut pas hésiter à entrer. Nous en prenons plein les yeux puis nous nous immergeons dans un je ne sais quoi d’ambiguë, de sentiments non palpables mais bien présents, collants encore au corps.

© Brecht EVENS/ Actes Sud

Une fête, dans un appartement au cinquième étage. Une fête où se retrouvent des amis... il y aura de l'alcool, des rires, un coin clope, de la séduction et beaucoup de lâcher-prise. Et puis non. Gert a invité du monde mais tous attendent Robbie. Il est bien sûr invité, c'est le meilleur ami de Gert mais il ne viendra pas. Il est sûrement resté dans la discothèque dont il est le centre d'attention, aussi, là aussi. Tous le monde lui court après... les filles/femmes - quel séducteur!- , les hommes - tellement charismatique- , Gert pour le souvenir de leur amitié.
Brecht EVENS nous confie trois états de vie, Gert, Robbie et Noumi, pris dans la multitude. La foule du métro, des rues, de la discothèque, de ce salon surpeuplé et trois individus. Tout est mouvement, interchangeabilité, interaction, promiscuité et pourtant l'humain semble presque absent. Il y a bien quelques bribes de la vie d'unetelle ou d'untel - tiens, non, ce n'est pas la sienne mais celle de l’interlocuteur... pas grave-. Ils se connaissent mais si peu. Gert et Robbie marquent aussi ce manque par une absence, une relation qui prend l'eau, un changement de direction après l'adolescence. Noumi sort son épingle du jeu. Mais derrière cette misère sexuelle perdue, derrière cet élan de vie et de désir, il reste une amertume... un désert émotionnel.

© Brecht EVENS/ Actes Sud

La fête est un moment à part, il y a ceux qui y rentrent, s'y perdent et les autres. Robbie semble dans son élément. Il offre aussi à chacun un moment de partage mais il est éphémère. Dans ces tumultes, il pourrait y avoir plus que de l'alcool et du sexe et pourtant l'individualisme prime et il ne reste plus grand chose après les flash d'extra-vie. Des racontars, des déjà passés.

© Brecht EVENS/ Actes Sud
A travers "Les noceurs", l'auteur dévoile un peu de cet après-adolescence où chacun se voit dans le regard des autres sans forcément s'y reconnaitre. Les moments de lâcher-prise semblent faire appel aux sens sans offrir de chemin. Il offre là un magnifique kaléidoscope des pulsions de vie et de l'absence de considération.
La foule est bariolée, se mélange aussi avec les décors. Tout est couleurs, intensités, perspectives désaxées et puis il y a ses personnages. Tous ont leur teinte permettant de ne pas se focaliser sur un réel aspect mais plus une silhouette, une attitude, une mimique, même la voix est colorisée permettant ainsi cet embrouillamini jusque dans les échanges. Tous sont colorés sauf Gert, gris, ombre de lui-même, perdu dans la foule. Il a voulu prendre sur lui, réagir et pourtant il reste incertain, méconnu.

© Brecht EVENS/ Actes Sud

Brecht EVENS offre là encore un roman graphique magnétique, à lire et à relire dans lesquelles les illustrations donnent autant que le texte. Les atmosphères sont fabuleuses et l'attraction- répulsion physiques sont visibles. Entre autre une magnifique planche surréaliste de la jouissance.

vendredi 29 janvier 2016

Panthère

© Brecht EVENS/ Actes Sud

Christine rentre de l'école et son papa vient de la prévenir que Patchouli, son chat, est mort. Elle se précipite dans sa chambre pour pleurer. Du tiroir de la commode elle entend du bruit et une énooorme panthère en sort.
Panthère est coloré, plein de taches, immense. Il est aussi prince héritier de son royaume. Il connait l'enfant, elle non. Il vient juste à côté d'elle sur son lit et lui décrit son monde. Est-ce une peluche qui, en rêve, prend vie, comme son chien en peluche Bonzo? Le félin lui change les idées, elle ne pleure plus, elle est curieuse et rit même. Panthère devient un confident, un ami.
Leurs rendez-vous sont secrets. Elle rit, danse, propose un tea time, se fait chatouiller. Entre les jeux, quelques détails perturbent. Les gestes sont tendres, amicaux, mais aussi sensuels et passionnés. Il l'a mordu là, non? Et puis Panthère a tendance à changer son histoire en cours en fonction des avis de la fillette. Moui. Ils s'apprivoisent. Peut-être.

"- Ah oui, on façonne des joyaux de chocolat. Et on mange les lingots d'or, pour faire briller notre fourrure.
- Ouais! Et les gâteaux à la cerise?
- Munitions parfaites pour les batailles de nourriture. POUF!
- Ah oui!"
© Brecht EVENS/ Actes Sud

"Panthère" de Brecht EVENS est un huit-clos sur l'enfance. Panthère console et offre des récits, de l'imaginaire. C'est merveilleux. A travers lui, l'enfant découvre une autre forme d'amitié, pas simplement une relation d'une fillette à un animal de compagnie (non, non, décidément il ne l'est pas!). Mais Panthère est entreprenant et majestueux. Il amadoue Christine, il la manipule peut-être aussi. D'un magnifique rêve de fillette, plein d'émerveillements et de partages, la relation va devenir un petit cauchemar. Le danger guette, il est tapi dans le tiroir de la commode. Bonzo prend même vie pour lui dire de se méfier. Aurait-elle perdu toute vigilance? Serait-elle moins innocente? Panthère a de grandes dents, une grande langue. Et puis il ne mange pas que des brocolis ou mentirait-il un peu? Sur tout. Sur le principal.
Ce roman graphique parle de cette confiance que l'enfant peut accorder sans jugement. Le papa, débordé par les événements et par l'âge de sa fille, est presque absent. Il ne reste que Panthère et les convives qu'il invite.
Il est aussi question de pudeur et d'émois, d'une forme d'apprentissage de la séduction mais aussi de culpabilité et de réconfort, de prises de conscience.

© Brecht EVENS/ Actes Sud

Panthère est polymorphe, superbement multicolore et diablement séducteur. Brecht EVENS nous le propose en interaction perpétuelle avec Christine, d'une proximité chaleureuse, étouffante. Et puis il est autant panthère, que chien, que viande décharnée, que serpent, que dragon. Il est réalsite puis symbolique, texturée ou translucide, malin toujours.
Le père n'est qu'une silhouette à côté. La maison une boite colorée avec des pièces comme des tapisseries, aux formes imbriquées, géométriques, sans ombre ou justement dans la pénombre.

© Brecht EVENS/ Actes Sud

Une merveille de roman graphique pour jeunes, accompagnés, et pour plus vieux!  N'hésitez pas à lire le billet de Fabrice COLIN par qui l'envie est arrivée.