mercredi 28 janvier 2015

"La beauté incarnée est là, devant mes yeux, et je suis incapable de la peindre!" - Beauté 1, Désirs exaucés


"- Alors dis à Mab ton souhait le plus cher.
- La beauté!
- C'est vrai que la nature ne t'a pas gâtée.
- Je sais bien! Je suis laide!... la plus laide du monde! Les autres filles ont toutes quelque chose de bien, toutes ont des amoureux, et personne ne s'intéresse à moi. Ce n'est pas juste!
- En effet, et tu veux que Mab arrange ça, n'est-ce pas?
- Oh oui!
- Hélas, Mab ne peut changer la réalité. Laide tu es née, laide tu resteras. Il aurait fallu que les fées se penchent sur ton berceau, mais tu n'es pas fille de roi.
- Ah.
- Mais si Mab ne peut changer ta nature, elle peut en changer la perception.
- Mais je serais belle?
- La beauté tu veux, la beauté tu auras. Tu seras aux yeux des autres l'idée de beauté faite femme. Par enchantement, tu éclipseras la plus belle mortelle jamais née."

(extrait de "Beauté 1, Désirs exaucés" de Hubert et illustré par le duo Kerascoët, couverture de l'intégrale édition limitée... il me fait drôlement envie!)

Le feuilleton d'Hermès, la mythologie grecque en 100 épisodes

Nous manipulons ce livre depuis plus d'un an. En effet, "Le feuilleton d'Hermès" de Murielle SZAC et illustré par DUVIVIER Jean-Manuel est plus qu'une simple présentation.

© Murielle SZAC et Jean-Manuel DUVIVIER/ Bayard jeunesse

Au premier abord, 100 épisodes impliquent un fourmillement, des personnages à n'en plus finir et des histoires qui se suivent sans forcément impliquer les mêmes héros. Oui. Au début, je trouvais que le récit tirait en longueur. Au début seulement.
Le parti-pris n'est pas de proposer un livre jeunesse simplifié mais bien une longue version de manière presque exhaustive. Murielle SZAC propose ainsi par "feuilleton", ici Hermès, mais un autre Thésée et encore un en préparation, Ulysse, les différents cycles épiques de la mythologie grecque.

© Murielle SZAC et Jean-Manuel DUVIVIER/ Bayard jeunesse

Avec Hermès, nous assistons à la création du monde. Hermès fait partie des douze dieux résidant sur l'Olympe. Il est facétieux et curieux. Son enseignement auprès de ses trois nourrices lui permettent de voir le passé, le présent et l'avenir. Il peux ainsi découvrir ce qui s'est passé avant lui (Ouranos et Gaïa, les naissances fantastiques des Titans, des dieux, des hommes) et ce qui se passera pour sa descendance (ses fils feront équipe avec Jason).

© Murielle SZAC et Jean-Manuel DUVIVIER/ Bayard jeunesse

Nous découvrons peu à peu certains épisodes des mythes grecs: Prométhée et sa foi en l'homme, persécuté par Zeus, Perséphone capturée et détenue aux Enfers, Orphée perdant son amoureuse, Le duel entre Bellérophon montant Pégase contre la Chimère, Persée tuant Méduse.

© Murielle SZAC et Jean-Manuel DUVIVIER/ Bayard jeunesse

Mais encore plus. Ce sont les défauts et les emportements des dieux que nous découvrons: leurs amoures, leur jalousie, leurs emportements mais aussi leurs soutiens. Ils jouent avec les hommes, changent les destins et modifient le monde (certaines victimes pâtissent et deviennent faune, flore ou étoiles).
Avec ce premier opus, Murielle SZAC offre la génèse de ce monde. La mythologie grecque se découvre sous la forme d'un roman, décrit par Hermès le fil conducteur mais aussi comme des prises de parole avec à chaque début d'épisode un résumé du précédent. C'est magnifique, imposant et servi par les illustrations de Jean-Manuel DUVIVIER très stylisées, souvent géométriques permettant d'évoquer bien plus que de décrire. Un peu désappointée au départ, je dois avouer qu'au fil des pages, je tombe de plus en plus sous le charme des formes inspirées.

© Murielle SZAC et Jean-Manuel DUVIVIER/ Bayard jeunesse

Parce qu'au final, ce livre doit se savourer. C'est une épopée qui se raconte au coin du feu, une aventure chaque soir, déclamée ou théâtralisée par un conteur. Je vous invite à lire cet avis argumenté.

***
Et puis oui, nous nous en servons comme un support de culture mais aussi de débats et d'apprentissage (cf premier lieu en haut du texte). En suivant en cela le pédagogue Serge BOIMARE, nous utilisons les épisodes comme d'un moteur de travail différent (en français mais aussi en géographie). Je m'aide en cela du magnifique travail d'un professeur, Bruce  DEMAUGE-BOST.
Mais surtout comme un appel aux réflexions sur nos émotions et nos conflits intérieurs: en suivant les caprices décrits, les tueries fantastiques, les trahisons, les orgueils et mauvaises fois, l'enfant serait à même de trouver des références culturelles et langagières pour mettre des mots sur leurs maux.


lundi 26 janvier 2015

Venise n'est pas trop loin

Pourquoi donc parler d'un livre que nous ne pouvons plus trouver (sauf en occasion) à cause de la fermeture de sa maison d'édition. Être n'est plus. Parce que certains livres abordent des thèmes d'une manière sensible et osée. Et en espérant que ce titre sera repris par une autre maison d'édition...

© Christian BRUEL, Anne GALLAND et Anne BOZELLEC/ Être

"Venise n'est pas trop loin" de Christian BRUEL, illustré par Anne BOZELLEC et avec les photographies d'Anne GALLAND nous embarque dans un voyage, un séjour que s'offrent une mère et sa fille. Des retrouvailles entre les deux, elles ont laissé les hommes, père et frère, elles déambulent avec une sorte de rituel, entre complicité et liberté, et savourent ensemble ou seule les charmes de la ville.

© Christian BRUEL, Anne GALLAND et Anne BOZELLEC/ Être

Venise est magnifiée, ses quartiers (Cannaregio), ses musées (avec les œuvres de Giorgione ou de Carpaccio), le café italien, les restaurants, ses vaporetto (i?), ses odeurs (de lait caillé dans les escaliers de l'immeuble), "le duvet d'algues peigné, cette pierre grenue sous la paume, le bleu d'une barque qui n'en finit pas de mettre un mur à vif."

© Christian BRUEL, Anne GALLAND et Anne BOZELLEC/ Être

La mère et la fille investissent la ville. Des emploi du temps programmés, ensemble, puis des espaces libres.
Et cette année, la fille a plus de liberté, les frontières de son univers de découvertes s'est agrandit. Sa mère lui fait confiance, c'est une grande maintenant 13 ans, bientôt 15! (voir extrait) Et cette fois-ci, l'enfant veut retrouver ces rassemblements secrets. Elle est attiré par le jeu.
Pourtant elle est intelligente, pourtant elle sent le danger. Mais c'est plus fort qu'elle, le jeu des adultes est si tentant, elle est si proche de cet âge.

© Christian BRUEL, Anne GALLAND et Anne BOZELLEC/ Être

Et elle perd, elle a réussi à décaler l'heure du gage. Elle a cherché mais ce qu'elle risque de trouver l'épouvante. Mais rien ne peut lui arriver, elle est si spéciale, elle lui parlera. 
"Faire l'innocente. Ne rien comprendre. Elle reviendra demain. Juré! Il sourit comme un loup."

Cet album offre les premiers pas de la perte d’innocence, la prise de risque. C'est aussi la marque des premiers émois, des premières peurs de ce que peuvent envisager les adultes. Pourtant sa mère, aussi, profite de ce temps hors du temps à Venise. Les rencontres, les partages, les émotions.
Les illustrations d'Anne BOZELLEC et les photographies d'Anne GALLAND apportent ce sublime mêlé avec le mystère et le trouble. L’architecture de Venise est superbe: d'alignement de maisons, de bord de lagune, de devantures colorées. Puis cette enfant, souvent en noir et blanc, fille enfant mais aussi espiègle, ses errements en ville et ses crayonnés au café. Les individus sont eux soit des ombres soit très colorés, indéfinis ou une photo sans flou.

C'est beau, juste. Elle a pris le temps de grandir cette enfant et le livre est un beau prétexte à la vie. Et puis Venise n'est pas trop loin...


Sa nouvelle peau de l'intérieur - Venise n'est pas trop loin


"D'elles, on ne saura presque rien.
"Ma mère? Elle est pas mal sexy pour trente-quatre ans! Un peu trop musées-musées peut-être. Pourtant, tiens, rien que sa poignée de main, j'aimerais bien l'avoir!"
L'une est dans l'autre présente.
Tout se dire, c'est leur règle. Mais les mots à treize ans, presque quinze... Alors elles s'égarent parfois, elles se heurtent en aveugles.
"Écoute, maman! T'as qu'à faire comme si j'étais la deuxième ou la troisième. J'en ai marre, plus que marre, d'essuyer les plâtres!"
La dernière gifle date du mois précédent."

(extrait de "Venise n'est pas trop loin" de Christian BRUEL, illustré par Anne BOZELLEC: j'en parle là)

mardi 20 janvier 2015

Tous les ponts sont dans la nature

Ce designer a déjà écrit deux magnifiques livres que je zieute avec envie à chaque passage en librairie. "Tous les ponts sont dans la nature" de Didier CORNILLE répond à la même efficacité: présenter de l'architecture et de l'ingénierie aux enfants.

© Didier CORNILLE / Hélium

Ce volume propose de rentrer plus particulièrement dans la construction de huit ponts, édifiés entre 1779 et 2013. A chaque présentation, l'architecte ou l'ingénieur avec portrait, la date et le lieu du pont sont indiqués ainsi que la nouveauté en ingénierie.
Le livre apporte quelques pages pour chaque pont: des dessins stylisés invitent aux différentes étapes de construction et une ou deux phrases légendent l'illustration. Cela fait un ensemble que nous pouvons lire de manière chronologique ou pont par pont. Mais derrière cette simplicité se cache un trésor de vulgarisation. Le jargon est abordé (appuis, arches, plateaux, câbles, caissons, contrepoids, voussoirs) permettant aux lecteurs les plus intéressés d'aller plus loin dans leur découverte.

© Didier CORNILLE / Hélium

Ainsi le pont de Coalbrookdale nous initie aux changement de matériaux: les pièces de bois deviennent des fixations métalliques. Ce sera alors des défis de construction, en hauteur, en longueur, à bascule, sans poteaux porteurs, rapide ou économique. Le nouveau rapport de force présenté par John Fowler et Benjamin Baker. Les moyens de construction: des caissons cloches permettant de fabriquer les fondations du pont de Brooklyn, des grues de béton, des cintres réutilisables supports des arches inventés par Eugène Freyssinet, les "piles" du viaduc de Millau.

© Didier CORNILLE / Hélium

Et puis nous pourrons sourire aux peintures rouges, aux éléphants et frémir aux accidents humains.

L'album est ainsi une belle entrée en matière dans ses projets d'architecture et d’ingénierie. Des explications, des schémas, des ponts en entier, en situation. C'est bon et beau! A picorer, reprendre pour s'émerveiller des constructions humaines qui ponctuent nos paysages.

© Didier CORNILLE / Hélium


mercredi 14 janvier 2015

"C'était une fille de neuf ans, après tout." - Les Chroniques de Wildwood, tome 3


"Debout aux côtés de Jacques, Elsie avait les bras croisés sur le rebord de la table et caressait les cheveux courts de Tina l'Intrépide, tout en cherchant comment apporter son aide. Dans sa vie d'avant, elle était habituée à rester en retrait pour laisser les adultes prendre les grandes décisions. Mais les choses avaient changé désormais. Elsie était en quelque sorte devenue son propre parent, sa propre mère et son propre père, et le monde des adultes lui paraissait à présent moins inébranlable qu'avant son existence en tant qu'Inadoptable. Elle voyait maintenant les adultes comme des gens incroyablement fragiles, au même titre que les enfants. Leur statut de grandes personnes ne les empêchaient pas forcément de prendre bien souvent de mauvaises décisions... En fait, raisonna-t-elle, ils étaient même plus enclins à se tromper dans leurs choix."

(extrait des "Chroniques de Wilwood", tome 3, de Colin MELOY, illustré par Carson ELLIS, ici une étude de ses personnages aux oiseaux, parce que bon, le roman est aussi une entrée dans un univers graphique magnifique!)

C'est mathématique!

De petits livres paraissent intéressants si nous aimons déjà la matière. Par exemple "C'est mathématique!" de Carina LOUART, Florence PINAUD et illustré par Jochen GERNER semble destinés aux amateurs de sciences, et juste à ceux là. Ce serait dommage.

© Carina LOUART, Florence PINAUD et Jochen GERNER/ Actes sud junior


Ce livre propose une vision éclectique et pleine de fantaisie. Au fil des pages, ce sera les origines de(s) mathématique(s), les premières matières à calcul, la géographie évolutive ou les inventions en découlant.
Le dénombrement en s'aidant de notre corps (doigts, phalanges, mains ou corps entier), en notant la quantité par des nœuds, les cailloux et parler de plus grandes quantités avec les premiers chiffres, indiens (les nôtres), les latins ou les égyptiens (fleur, têtard, anse de panier). Les premiers calculs apparaissent avec quelques révolutions que sont le zéro, le négatif, la fraction ou l'égalité, les unités de mesure.

© Carina LOUART, Florence PINAUD et Jochen GERNER/ Actes sud junior

Puis les mathématiques interviennent dans la construction, le commerce, la découverte du monde, la météorologie, la compréhension de la société avec les statistiques, la communication ou internet.
Les mathématiques comme une magie avec les présences dans la nature de l'infini, du nombre pi, des fractales et encore le langage mathématique.

Comme la naissance de la terre, de la vie sur terre, de l'homme ou de l'écriture, celle des mathématiques est une notion importante à comprendre car grâce à elle, c'est l'homme et son évolution que nous comprenons. Elle fait partie, en effet, des grandes leçons présentées aux enfants de 6 à 9 ans par la pédagogie alternative Montessori. Je les entrevois là avec mon fils au fur et à mesure.
Ce livre permet de découvrir une évolution de notre vue du monde, chaque étape est importante, donne accès à une autre et provient d'un peuple différent. Ce qui est aussi magnifique, c'est d'entrevoir en quoi la naissance du zéro est importante, le concept donnant accès à la notation des grandes quantités; que le théorème de Pythagore permet l'urbanisation avec les murs enfin droits; la géolocalisation ou les angles pour découvrir l'espace, de trouver la bonne adresse en voiture ou même permettre à nos avions d'arriver en moins de temps à leur destination (pas un angle droit vers l'autre ville).

© Carina LOUART, Florence PINAUD et Jochen GERNER/ Actes sud junior

Ce livre est imposant en découvertes mais il peut se picorer facilement par chapitre et par notion. A chaque fois, les illustrations de Jochen GERNER donnent beaucoup d'humour et nous décomplexent vite. Puis des petites mises en pratique sont proposées aux lecteurs, permettant un lectorat très large, d'un enfant commençant à découvrir les premiers calculs à un adolescent ou un adulte intéressé. Les plus experts y trouveront quelques pistes de merveilles supplémentaires.


vendredi 9 janvier 2015

Pour ou contre: l'actualité en débat

J'en ai des tonnes, des billets commencés et pas terminés. Mais il me faudra, cette année 2015, vous les fournir plus méthodiquement, sinon à quoi bon continuer à vouloir partager si certaines prises de parole écrites restent muettes.
Je laisserais peut-être encore les prises de parole personnelles, mes humeurs, justement, au placard, au brouillon, je ne sais plus si c'est ce que j'attends de ce média mais parler des référents, des ouvrages qui ouvrent la voix, qui portent l'esprit critique, il faut que je les publie. Et tant pis si mon billet n'a pas la teneur, la rigueur de mes ambitions.

© Sophie LAMOUREUX, Loïc LE GALL et Clément CHASSAGNARD/ Gallimard jeunesse

Ce livre est impressionnant. Il donnera aux adolescents toutes les clefs pour comprendre l'actualité. Et autant dire que c'est fondamental. Se questionner, se positionner, se renseigner, ne pas rester coi. 

"Pour on contre: l'actualité en débat" de Sophie LAMOUREUX, illustré par Loïc LE GALL et Clément CHASSAGNARD est en effet très complet. Il aborde une quarantaine de débats sous les thèmes d'éthique, d’institutions, d'environnement, de culture, d'immigration, de laïcité, d'économie.
A chaque fois les notions sont définies, le traitement dans les médias présenté, la position des partis politiques indiquée, de nombreuses références et indications d'appartenance sont proposées avant de plonger plus directement dans les arguments pour ou contre, mis sur un plan d'égalité et au code couleur bien clair. 

© Sophie LAMOUREUX, Loïc LE GALL et Clément CHASSAGNARD/ Gallimard jeunesse

Pour chaque débat, la précision des termes apporte pertinence et esprit critique. Les droits de l'homme, les droits de l'individu. La laïcité, le laïcisme. L'assimilation et le multiculturalisme. La Recherche et le principe de précaution. ...
Le plus est aussi dans les encadrés où sont notés rapidement les chiffres, les affaires connues, les personnages importants ou les débats internationaux.
Il manquerait une contextualisation mais pour le reste, les arguments permettent de se faire un opinion argumentée: en vrac, pour ou contre le libre-échange, la discrimination positive, l'euthanasie, les impôts, la limitation de la liberté d'expression, le non-cumul des mandats, le nucléaire, la remise de peine, le clonage etc...

© Sophie LAMOUREUX, Loïc LE GALL et Clément CHASSAGNARD/ Gallimard jeunesse

Ce livre donnera des pistes pour mieux lire les informations données par les médias, pour les décrypter, les digérer, rester critique. Avec bien-sûr le merveilleux luxe de vivre dans un pays de livre expression!!!!!


mardi 6 janvier 2015

Frida et Diego au pays des squelettes

L'année 2014 nous a offert un magnifique dessin animé sur la fête des morts au Mexique "La légende de Manolo". Nous avions ainsi découvert une autre forme d'appréhender la vie et la mort. Ce livre illustré contribue aussi à faire connaître cette fête nationale.

© Fabian NEGRIN / Seuil Jeunesse

"Frida et Diego aux pays des squelettes" de Fabian NEGRIN est un album assez court comme une porte ouverte sur la culture mexicaine.
Toute la journée, Frida prépare avec sa famille la fête des morts et le soir venu, elle aide à rendre festif les tombes de leurs proches. Diego, son amoureux, est là aussi, il a un petit crâne en sucre dans la bouche encore mais surtout, il est en train d'embrasser sa meilleure amie. Frida n'y tient plus. Folle de jalousie, elle court à sa poursuite et tombe après lui dans une tombe vide, pile vers le pays des squelettes.

© Fabian NEGRIN / Seuil Jeunesse

Un xoloitzcuintli, petit chien mexicain sans poil, la trouve en bas. Elle découvre une fête, des jeux, des courses, de squelettes bien animés. Diego a rencontré une dame squelette et est ravi. Mais le xolo veille.
© Fabian NEGRIN / Seuil Jeunesse

Alors bien-sûr il y a l'aventure de ses deux enfants qui ne sont que les représentations de deux peintres célèbres et amants, Frida KAHLO et Diego RIVERA. Une romance mais aussi une immense affection pour la culture mexicaine: les aliments de fêtes avec ces célèbres crânes de sucre (calavera de azucar) ou la sauce au chocolat (mole poblano), puis ce fameux chien que les amis aimaient dans la réalité.

 © Fabian NEGRIN / Seuil Jeunesse

Je serais bien restée plus longtemps dans leur monde. Dommage l'album est court et sert juste de porte ouverte mais cela donne envie, grâce aux illustrations offrant aussi une belle part surréelle sous terre, de se plonger plus avant: des racines, des cactus et une nature luxuriante, une tresse sans fin.


*peinture de Frida KAHLO


samedi 3 janvier 2015

Esprit d'hiver


Le jour de Noël, Holly se réveille un peu saoule de la veille. Il est tard, son mari Eric part vite chercher ses parents à l'aéroport. Mince ils ont trop dormi, Tatiana, leur fille, aime les cadeaux au réveil. Elle doit s'impatienter. Ce jour-là, l'adolescente de 15 ans, Tatty, n'est pas comme d'habitude, elle est grognonne.
"Esprit d'hiver" de Laura KASISCHKE commence comme cela: un quiproquo entre mère et fille. Mais il faut préparer le repas: les amies, les frères d'Eric, ses parents et les collègues sont attendus. Il n'y a pas une seconde à perdre. Mais pourquoi donc Tatty en veut-elle autant à sa mère? Les attitudes de la fille agace la mère. Susceptible, cette dernière se sent en défaut... en défaut sur ce Noël, en défaut sur sa capacité à être mère. Mais Tatty est peut-être tout simplement en train de devenir une jeune adulte, le loquet sur sa porte de chambre, fermé comme jamais, le prouverait. Mais il faut tout de même se hâter de tout agencer, le repas, la tenue.
Et Tatty qui en change tout le temps. Attentionnée, elle met en valeur les présents des invités, puis se change pour mettre ses chaussures si atypiques. Mais d'où viennent-elles d'ailleurs, on dirait celle des femmes russes.
Et puis cet appel d'un inconnu sur le téléphone d'Holly. Et la tempête de neige: en fin de compte personne ne viendra. Holly et Tatty passeront la journée seules.

Une journée entière défile et avec elle, les questions affluent. Sur les relations mère-fille, sur cette adolescente si attentionnée, si spéciale, qui aujourd'hui, n'est plus la même. Elle est même hostile, revancharde, terrifiante. Peu à peu les détails affluent.
Cette adoption dans un orphelinat en Sibérie. Ce bébé aux si grands yeux, dont ils sont tombés amoureux aussitôt. Holly est une survivante dans sa famille, toutes les femmes meurent de cancer, pour vivre, elle a dû devenir une coquille vide et se séparer de ses seins et de ses ovaires. Elle n'a pas engendré son enfant. L'amour filial est aussi lié à une culpabilité, culpabilité des premiers mois d'attente avant d'aller la rechercher en Russie, culpabilité de ne pas offrir toute la légèreté qu'elle voudrait pour sa fille.
Le rôle de mère apparait dans ce roman avec énormément de tendresse. Les fantasmes plaqués sur l'enfant, la culpabilité de vouloir être mère et puis de ne plus vouloir, ou moins, ou juste une heure, pour écrire. Holly aurait voulu être poétesse.

Et puis "Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux". Oui, Holly veut écrire avant que les mots ne s'envolent, elle veut une heure pour elle, juste une heure. Une heure pour comprendre, une heure pour que l'esprit d'hiver devienne lisible. Et pourtant elle veut aussi fermer les yeux, oublier le pire (par exemple les femmes de sa famille mortes), aider la mémoire à faire du tri en claquant l'élastique contre son poignet, souvent puis moins puis plus jamais. "Prendre connaissance des horreurs de ce monde et ne plus y penser ensuite, ce n'est pas du refoulement. C'est une libération."
Laura KASISCHKE nous livre un roman glaçant. Ce huit-clos est une magnifique réflexion sur la parenté, sur le refoulement. C'est aussi un superbe cri d'amour d'une mère pour sa fille.

"Elle ferma les yeux et Holly vit comme les paupières de sa fille étaient naturellement d'un superbe bleu. Avant Tatiana, Holly n'avait jamais rien vu de pareil. Autrefois, elle se tenait au-dessus du berceau de Bébé Tatty pour admirer les yeux clos de sa fille et s'en émerveiller:
Elle avait adopté une poupée de porcelaine! Ou elle avait découvert en quelque sorte, comme sous un chou ou dans un nid près d'une cheminée, une enfant d'une telle splendeur dans les moindres détails qu'il était impossible qu'elle fût de ce monde. Elle ne pouvait être que spéciale. Elle devait posséder des pouvoirs surnaturels, ou être immortelle! Une telle enfant ne pouvait que vivre éternellement!
Bien sûr, ce n'était pas le cas. Elle n'était pas la perfection incarnée. Personne ne l'était. Mais c'était très bien:
" La perfection est terrible, avait écrit Sylvia Plath dans un poème. Elle ne peut avoir d'enfants."
Et, plutôt que d'être une déception pour Holly, le fait que Tatiana ne soit pas parfaite s'était révélé si doucement alors qu'elle grandissait, que cela l'avait rendue encore plus magique aux yeux de sa mère."