vendredi 15 avril 2016

"Quelque chose la parcourut alors, comme une lame de couteau, mais qui aurait été faite d'air froid..." - La vie devant ses yeux




"Ce mot. Un mot qu'elle n'avait ni entendu ni utilisé depuis des années, mais qui, avant, lui disait quelque chose. Lui disait quelque chose d'elle.

Elle porta la main à son front, qu'elle sentit brûlant.
Le lycée.
Depuis l'époque du lycée, elle ne se souciait plus du tout si on la traitait ou non de pute. Au lycée, ce mot était la pire insulte qu'une fille pouvait recevoir, et ce mot était partout. [...] - et ce mot lui était vraiment associé, il était lié à son corps et à ses courbes, à ses rêves et à ses désirs... Quelque chose qui avait à voir avec son essence même, avec l'essence sexuelle de qui elle était en train de devenir - une créature physique, avec ses cinq sens en éveil, mise à nu, exhibée, et condamnée.
[...]
Pute.
Miraculeusement, soudain, le mot avait disparu. Ce mot ne voulait plus rien dire du tout. Et puis elle s'était mariée.
Et maintenant... Maintenant, c'était presque un compliment, se rendit-elle compte, avec un demi-sourire.
Une femme de quarante ans, en survêtement gris, derrière sa pimpante maison de bois, qui venait juste d'aller conduire sa fille à l'école, qui avait laver la vaisselle du petit déjeuner, avec le capot de son véhicule encore chaud dans le garage...
Une maman d'élève, que quelqu'un avait pris le temps de traiter de pute.
Elle ne rit pas vraiment, mais sourit quand même."

(extrait de "La vie devant ses yeux" de Laura KASISCHKE, Points; et Meryl Streep dans "Out of Africa", rien à voir avec cet adjectif mais bien avec cette essence même, qu'elle ne perd pas avec l'âge, sensuelle toujours)

Égypte

En cherchant des livres sur l’Égypte et sa mythologie, je n'ai pu que m’arrêter un peu plus sur ce grand livre découverte, mi documentaire mi-livre d'art. "Égypte" de Pascale ESTELLON et Anne WEISS (textes et illustrations) est magnifique.

© Pascale ESTELLON et Anne WEISS/ Mila éditions

Au cœur des dessins et des rabats d’extérieur de page, des textes donnent quelques clefs de compréhension.

© Pascale ESTELLON et Anne WEISS/ Mila éditions

La part géographique et le maitre absolu qu'est le Nil ouvrent le thème avec une chronologie bienvenue. Puis la société est hiérarchisée avec un focus sur les artisans et les scribes. La vie des pharaons est présentée dans sa magnificence: les tenues, leurs rituels mythologiques (ou religieux), leur mort et leur temple et pyramide à leur gloire.

© Pascale ESTELLON et Anne WEISS/ Mila éditions

Que trouverez-vous de plus dans ce livre? Le soin qu'ils se portent, l'art splendide d’Égypte ancienne et une explication de la taille des détails ou des personnages, le rôle important des femmes même si peu sont devenues reines, le rôle de l'écriture, une galerie de portraits. Et la chronologie en affiche à la fin.
De quoi ne pas bouder son plaisir en fait!

© Pascale ESTELLON et Anne WEISS/ Mila éditions


samedi 9 avril 2016

L'histoire de Clara

"Ma douce, oh ma fleur,
Tu ris quand sonne l'heure
De rentrer au pays
Oh ma douce, oh ma fleur..."

© Vincent CUVELLIER et Charles DUTERTRE/ Gallimard jeunesse

Cette maman chante tout doucement à sa dernière fille, encore un bébé. C'est doux, c'est beau. Le reste de la famille, endimanché, attend. Il est l'heure. Ils vont sortir profiter du parc. Le papa rappelle les consignes "- [...] dedans, nous faisons ce que nous voulons. Dehors, nous devons être transparents, gris comme les murs... et, rappelle-moi, que dois-tu faire si nous croisons des soldats allemands? Schlomo baissa les yeux et dit: - Baisser les yeux. - C'est bien, mon fils." Oui mais cette fois-ci ils ont le droit d'en profiter. Une ombre est là, un vent mauvais. Et quand ils rentrent cela se confirme, la concierge referme la porte de sa loge trop vite, des bruits de bottes dans l'escalier. La maman pose le couffin du bébé dans l’ascenseur. Et c'est le drame.
Et puis la vieille dame d'en haut sort faire ses courses et trouve le bébé. La petite d'en dessous, de cette famille juive. Elle lui donne du lait et sait ce qu'elle en fera le lendemain. Clara, petit bébé survivant, passera ainsi de bras en bras, abandonnée ici, confiée là.

© Vincent CUVELLIER et Charles DUTERTRE/ Gallimard jeunesse

"L'histoire de Clara" de Vincent CUVELLIER et illustré par Charles DUTERTRE fait partie de la trilogie sur la seconde guerre offerte par l'auteur. Je n'ai pas encore lu "Je suis un papillon mais je vous parlais là de "J'aime pas les clowns" de Vincent CUVELLIER et illustré par Rémi COURGEON. Clara est l'innocence, la joie de vivre même dans un pays en guerre. Ici elle sera juste nourrie, là mise à l'abri, ici elle va pouvoir grandir un peu, encore un peu.
Et ce sont ces adultes aux prises avec la grande histoire dans ce qu'ils ont d'humains. Un reliquat d'envie de vivre, une surprise revigorante, un paquet passé des ennemis aux partisans, une joie de grands-parents, une maternité fantasmée. L'histoire de Clara n'est pas linéaire, ses sauveurs ne se connaissent pas et pourtant l'enfant grandit de cet amour offert à la dérive, parce que non, on ne peut tout de même pas faire ça à une enfant.
Clara chemine entre le meilleur de l'homme jusqu'à une enfance possible.

"- Je sais ce qu'ils font aux Juifs, moi. Je sais ce qu'ils font aux Juifs !
Je jette une pierre contre la croix. La pierre se brise.
- N'aie pas peur. Tu pleures. N'aie pas peur, bébé, n'aie pas peur d'Otto. Tu vois, je te prends dans mes bras. Je ne vais pas te faire de mal. Quand on prend dans les bras, c'est qu'on veut pas faire de mal. Tu crois que je fais la guerre aux enfants ? Non, bébé, tu vois, tu n'as rien à craindre, je te dépose sur la croix. Tu vois, je ne te fais pas de mal. Quelqu'un va venir te chercher. Tu vois, je ne fais pas la guerre aux enfants, bébé juif...  "

© Vincent CUVELLIER et Charles DUTERTRE/ Gallimard jeunesse

Encore ici, l'auteur offre une vue de l'intérieur, à auteur de bambin. Ce n'est pas tant la fibre maternelle qu'il interpelle mais le choix de la vie. Les hommes, les femmes, les vieux, même les soldats se retrouvent un instant à prendre une décision, elle ne va être qu'une négligence, un appel au secours ou un réel investissement mais chacun fait un pas... et au final une vie continue de s'épanouir.

vendredi 8 avril 2016

Sur les traces des Dieux d'Égypte

Se délecter d'un livre sortie de la bibliothèque municipale... le lutin lit les légendes, je lis les focus documentaires... et je m'émerveille des illustrations.

© Olivier TIANO et Christian HEINRICH/ Gallimard jeunesse

"Sur les traces des Dieux d’Égypte" d'Olivier TIANO et illustré par Christian HEINRICH vous permettra d'entrer doucement dans l'univers mythologique. Le Dieu Rê (sous ses trois formes: Khépri au soleil levant, Rê au zénith et Atoum au couchant) mais aussi Isis cherchant à rendre la vie à son frère et mari Osiris, Seth l'épris de pouvoir et assassin ou encore Anubis et la mort. Quelques autres légendes s'insinuent comme celle du roi Chéops, de la bataille de Qadech ou du livre de Thot.

© Olivier TIANO et Christian HEINRICH/ Gallimard jeunesse

Grâce à ces histoires, assez courtes, au vocabulaire explicitée en marge, l’Égypte ancienne prend des couleurs, de part ses croyances mais aussi ses coutumes, l'écriture et les scribes, la momification, les rois devenus pharaons, le commerce ou l'armée.

© Olivier TIANO et Christian HEINRICH/ Gallimard jeunesse 

Une idée de la sagesse apparait aussi avec ce livre des savoirs à ne pas ouvrir mais aussi le rituel du jugement à la mort. Les éléments matériels mais aussi la pesée du coeur, l'existence de la Dévorante.

© Olivier TIANO et Christian HEINRICH/ Gallimard jeunesse

Le livre rassemble tout ce que j'aime: des histoires au vocabulaire riche et pas trop superficielles et des encarts plus détaillés pour s’immerger encore plus.


L'économie est un jeu d'enfant

J'ai beaucoup de mal à parler d'un livre que je n'ai pas fini. La lecture étant offerte par une opération littéraire, voici dons une très légère mise en bouche. (où comment se piéger seule sur un sujet inconnu).


"L'économie est un jeu d'enfant" de Tim HARFORD part d'un beau parti-pris: nous faire comprendre, à nous néophytes, les processus économiques. Sur le papier, c'est parfait. Dans ce grand pavé, deux livres sont rassemblés: "L'économie est un jeu d'enfant" et "L'économie est vraiment un jeu d'enfant, ou Comment gérer ou ruiner une économie". Pour être honnête je n'ai lu que le premier (la première partie du présent ouvrage). Le livre est une vulgarisation économique mais demande tout de même de la patience à la lecture.

La première partie décrit de la micro-économie. Le prix d'un loyer, d'un café, de produits au supermarché, de l'essence, des banques. A chaque fois, l'auteur explique comment le prix est posé  et nous dévoile la force de la rareté, l'élément marginale, la situation efficace et celle la meilleure en terme économique (soit une situation où une amélioration pour au moins une personne sans nuire à personne peut être envisagée). Il nous décrit aussi les bénéfices, l'arnaque possible du client et d'autres choix possibles comme la taxe d'externalité pour les automobilistes. D'autres éléments prennent là une valeur économique: l'environnement, l'assurance maladie. Puis la Chine ou le Cameroun montrent par l'exemple les choix économiques tenus sur un pays, le second avec la théorie de l'effort maximum et l'idée d'un "intérêt" pour le banditisme fixe géographiquement.
Les théories économiques expliquent les marchés, la logique pas forcément équitable, les choix effectués et aussi une certaine forme de jeu.

Sur les prix d'un produit qui changent d'un marché à l'autre pour des raisons de "fuite économique":
"L'histoire est peut-être aussi simple que ça: quand c'est un produit important comme le traitement contre le sida, l'essentiel est de le fournir aux pauvres; quand c'est un objet aussi banal qu'un DVD, c'est l'agacement à l'idée d'être roulé qui domine. Pourtant ça ne colle pas vraiment: les DVD arrivent dans des régions très pauvres, et nous devrions être contents que les pauvres puissent regarder des films dans les bars et les salles des fêtes du monde en développement. Ou au contraire, ne devrions-nous pas nous indigner davantage que les compagnies pharmaceutiques vendent des traitements essentiels à des prix exorbitants dans les pays développés? Un économiste ne peut résoudre ces énigmes éthiques, mais l'économie peut mettre à plat pour que la question éthique devienne au moins plus claire."

La seconde partie appréhende la macro-économie. Avec un dialogue entre un lecteur lambda et l'auteur, conseiller, semble reprendre des notions élémentaires comme le PNB, le chômage, l'inflation. Malheureusement je n'en suis pas encore là.

Le livre est didactique. Pas à pas avec énormément d'exemples, en partant de notre quotidien à tous, l'auteur décrypte les faits économiques avec de nombreuses références, théories des économistes et essais. Cet ouvrage mérite d'être lu (et relu) ne serait-ce que pour l'apport de questions de bases et d'une histoire économique du 20ième et 21ième siècles.

jeudi 7 avril 2016

Les bêtes associées pour le meilleur et pour le pire

Encore un de cette fabuleuse collection, quand il me reste encore en brouillon un billet sur leurs propositions concernant les pierres et les fossiles !

© Jean-Baptiste de PANAFIEU, Anne-Lise COMBEAUD et Matthieu ROTTELEUR/ Gulfstream

"Les bêtes associées pour le meilleur et pour le pire" de Jean-Baptiste de PANAFIEU et illustré par Anne-Lise COMBEAUD et Matthieu ROTTELEUR confirme la règle. Donner des anecdotes sensationnelles aux enfants ne peut que les attirer, à la lecture et aux notions de zoologie et de botanique.
Ce documentaire-ci met en avant quelques choses qui n'est pas si facile à comprendre: les associations vivantes.

© Jean-Baptiste de PANAFIEU, Anne-Lise COMBEAUD et Matthieu ROTTELEUR/ Gulfstream

La première relation inter-vivants évidente est la chaine alimentaire mais elle n'est pas si simple. Il existe les prédateurs qui dépendent exclusivement d'une nourriture spécifique comme le tamanoir dont l'intestin contient des bactéries permettant aux termites et aux fourmis d'être digérées (forme de symbiose avec l'insectivore). Le lion entraine une sélection naturelle permettant de limiter les épidémies mais les baleines avalent tout.

© Jean-Baptiste de PANAFIEU, Anne-Lise COMBEAUD et Matthieu ROTTELEUR/ Gulfstream

Puis viennent le tour des parasites. Ils affaiblissent leur hôte ou prenne sa place, comme l'acarien de l'abeille ou le pou de la langue de ce poisson. Il peut aussi être un parasite de ponte (le coucou) et de la reproduction (comme une guêpe pour la fleur ophrus).

Les grands méchants apparaissent dans tout ce qui peut y avoir de plus effrayant (oui, oui pire que le pou de langue). Ils tuent, œuvrent de cannibalisme. Nous apprenons ainsi que la guêpe est plus forte que les produits insectivores sur le puceron ou que la zombification des souris par les toxoplasma fait vraiment peur.

© Jean-Baptiste de PANAFIEU, Anne-Lise COMBEAUD et Matthieu ROTTELEUR/ Gulfstream

Puis certaines collaborations sont décrites, association mutuelle sans gêne, la symbiose (particulièrement étroite), quelques exemples ici entre poissons et bactéries, mollusques et algues, arbres et champignons...

© Jean-Baptiste de PANAFIEU, Anne-Lise COMBEAUD et Matthieu ROTTELEUR/ Gulfstream

Il est aussi question de ceux qui nettoient, les déchets, l'organique. Ce bousier ou géotrupe par exemple sans qui les bouses de vaches recouvrerait l'Australie. Et enfin de la seule relation ayant entrainement une transformation de l'autre participant: l'homme et la domestication.

Le point fort est de vraiment partir sur des duos très enthousiasmants. Le fond scientifique apparait alors avec pertinence mais sans pesanteur. Nous apprendrons le nom de toutes ses associations vivantes en oubliant ni le règne animal, ni le végétal, ni l'humain. Puis certains autres éléments reviendront à l'esprit: le sang des insectes, l'hémolymphe; d'où vient la couleur des bonbons à la fraise ou que les champignons sont plus près des animaux que des plantes par leur constitution cellulaire. Si si je vous assure, ce sont de petites histoires d'horreur, pleines d'humour (avec aussi des dessins en décalage réaffirmant le propos différemment) et nous nous prenons à tourner les pages sans s’en rendre compte et ceci à différents âges de lecture. La petite histoire étant tout à fait lue à des enfants de 5 ans!
Les illustrations sont toujours très à propos, une descriptive et d'autres caricaturales.

vendredi 1 avril 2016

Non, merci ! - Cyrano de Bergerac


"Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais… chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, – ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !"

(extrait de "Cyrano de Bergerac" d'Edmond ROSTAND;  illustration de Rébecca DAUTREMER, issue de "Cyrano" raconté par Taï-Marc LE THANH, livre dont je ne connais rien)