vendredi 27 décembre 2013

Au fond du coeur j'avais bien... un fil pour suivre ma route - La Lettre à Helga

"J'en ai vu composer de beaux poèmes sur l'amour et chanter ses louanges lors des réunions, mais à peine revenus à la vie de tous les jours, c'est comme si la plupart se dépouillaient du costume des belles paroles et dénigraient l'amour autant que faire se peut, pour moisir sans lui dans leur coin, le plus clair de la vie. C'est ainsi qu'il m'apparaît, le phénomène -  l'homme, et moi en premier, quand j'en parle sans ambages. C'est comme si le penchant de l'homme n'était jamais pur, ni en harmonie avec le beau que la vie a essayé de lui inculquer. Encore heureux si l'on ne s'évertue pas carrément à mener sa vie à l'encontre du bien dont on a pourtant connaissance au fond de soi. Je ne veux pas dire que l'on se propose d'être un vrai salaud - mais que l'on ne tente jamais vraiment le contraire. Or l'écart est grand entre les deux, et c'est dans cet écart que se loge l'existence de la plupart - elle y éclot, s'y évanouit et se fane. Comment était-il déjà, le quatrain de Kristjan OLI ?

Au fond du cœur j'avais bien
- comme tous les autres sans doute -
un fil pour suivre ma route,
mais il ne m'a servi de rien."
(extrait de "La Lettre à Helga", Bergsveinn BIRGISSON, Zulma)

mardi 24 décembre 2013

Joyeux solstice d'hiver!



"Primrose ouvrit sa fenêtre. Juste à ce moment, ils purent entendre le chant des souris qui tiraient la bûche du solstice le long des haies. Ils jetèrent leurs manteaux sur leurs costumes et coururent pour rejoindre la foule massée devant la porte du palais. M.Apple et Dusty conduisaient la procession en levant haut leur lanterne.

"Grillez les châtaignes et chauffez le vin, 
Passez les coupes de main en main.
Quand la bûche flambera, nous serons toutes réunies,
Et nous fêterons la fête jusqu'au bout de la nuit."
chantaient les souris quand on vit apparaitre la bûche.
[...] On fit glisser la bûche précautionneusement sur le seuil et Basil aspergea l'écorce de vin d'épines.
"Joyeux solstice d'hiver!"
La bûche était enfin là, la fête pouvait commencer."

(extrait de "Le secret de l'escalier" de Jill BARKLEM, Gautier Languereau)

Ce qu'il reste des livres lus - L'enfant de l'étranger

"Elle éprouva un sentiment identique mais pire, d'une certaine façon, à propos des centaines et des centaines d'ouvrages qu'elle avait lus, romans, biographies, quelques livres sur la musique ou la peinture: elle avait tout oublié, de sorte qu'il devenait vain de même dire qu'elle les avait lus; les gens accordaient beaucoup de poids à ce genre de prétention mais elle se doutait bien qu'ils ne se appelaient pas davantage qu'elle-même. Il arrivait qu'un livre subsiste à la périphérie de sa vision, comme une ombre colorée aussi floue et irrécupérable que ce que l'on voit depuis la vitre d'une voiture sous la pluie: si on regardait directement, ça disparaissait entièrement. Parfois une atmosphère, voire les rudiments d'une scène, se dégageait: un homme dans un bureau donnant sur Regent's Park, la pluie dans les rues; gravure brouillée d'une situation dont elle ne retrouverait jamais, ne pourrait jamais retrouver la provenance, dans quelque roman lu, Dieu sait quand, au cours des trente dernières années."
(extrait de "L'enfant de l'étranger" d'Alan HOLLINGHURST, Albin Michel)

mercredi 18 décembre 2013

La rue de Garmann

Nous avions lu et relu le troisième volet avant même d'avoir le second. Je peux enfin continuer à vous parler de Garmann. Tant mieux, cela parle de chaleur humaine, de nature et d'émotions.

 © Stian HOLE/ Albin Michel Jeunesse

Dans "La rue de Garmann", Stian HOLE continue de nous emmener dans l'univers de ce garçon norvégien.
Plutôt solitaire, Garmann voudrait terminer un herbier. Les plantes qui lui manquent sont dans le jardin du vieux monsieur, l'ancien postier. Sauf qu'il n'a pas l'air commode celui-ci. Oui mais il y a Roy, ce garçon sûr de lui, qui sait faire du vélo sans les mains et a les faveurs des jumelles. Et puis Roy est méchant et quand il vous prend à partie pour montrer votre courage, de peur, vous êtes capable de ne plus être vigilant. Et voilà, le feu a pris dans le jardin de l'Homme aux Timbres. Et celui-ci sort furieux de chez lui.

© Stian HOLE/ Albin Michel Jeunesse

Qu'est-ce que le courage? ""La vie n'est jamais sûre. C'est seulement quand on a très peur qu'on peut être courageux", a dit papa à Garmann. Sans doute, mais qui peut être courageux quand Roy bloque la porte de la grille?" Il y a ce manque de courage face au plus fort mais aussi le courage de ses actes, le courage d'être là.
Avec Stian HOLE, ce sont toujours des partages. Ici aussi entre générations, de petits riens, le nom des plantes, des chiffres qui en disent plus long.
L'histoire se déroule à travers Garmann, avec de ces détails qui obnubilent un enfant, comme la goutte au nez. Ce sont aussi des petits riens d'atmosphère qui donne une idée d'une ville, d'un quartier mais aussi d'une nature à ne pas laisser de côté.

© Stian HOLE/ Albin Michel Jeunesse

Et puis nous retrouvons là un style graphique très particulier: des dessins comme des photographies, des prises de vue incroyables comme des contre-plongées, des déformations de visages pour aller à l'essentiel de l'émotion.

mardi 10 décembre 2013

Moi, Stevenson, l'aventure de ma vie

Il y a encore quelques années, je vous aurais dit ne lire aucune biographie. C'est, en fait, avec la littérature jeunesse que j'en ai découvert l'intérêt. J'avais lu avec beaucoup de plaisir quelques propositions des éditions Au Diable Vauvert, collection "A 20 ans". D'ailleurs, il me faudra y revenir. J'avais découvert que la trame d'une vie donnait à lire et à relire encore mieux leur œuvre (à regarder aussi pour les artistes). Ce n'est pas un scoop mais jusqu'à présent le livre pris seul (l’œuvre) était un objet suffisant pour moi. Depuis, vous l'aurez compris, je prends plaisir à suivre les vies des auteurs, surtout quand le lectorat ciblé est la jeunesse: le texte n'est alors pas grandiloquent et ce n'est qu'une porte ouverte proposant ainsi d'avoir encore le choix subjectif d'une autre vie qui n'est finalement pas toute la réalité mais romancée.


"Moi, Stevenson, l'aventure de ma vie" de Jean RENÉ et quelques illustrations de Zaü (dont la couverture) est une belle proposition pour les jeunes lecteurs.
 Ce livre part d'une invention, celle que RLS, comme il aime signer, aurait laissé un journal intime à sa mort. "A toi qui rêves d'être un vagabond, un voyageur, un écrivain." offrirait ainsi une page ouverte sur certains moments de sa vie.
RLS est un enfant chétif, malade. Il ne peut pas suivre l'école et est très solitaire. Il trouve cependant un réconfort dans les livres, il se créé ses propres aventures imaginaires. L'aventure en suivant Alexandre DUMAS mais bien avant sa nurse Cummy qui chante et raconte les légendes d’Écosse. Pour sa santé, il partira en France, momentanément, comme tous ses voyages sauf le dernier. Sa jeunesse est faite de cela, de départs, de lectures et d'écritures.
Il ne souhaite pas devenir constructeur de phare comme son père ni avocat comme ce dernier le voudrait. Il veut dès le début être écrivain mais suit des études scientifiques puis de droit. Toute sa vie, il va chercher à être reconnu pour son écriture, à subvenir aussi aux besoins de sa famille et ne plus être redevable à son père.
Sa vie est liée à celle de Fanny OSBOURNE, américaine mariée et mère. Pour elle, il part à Paris puis aux États-Unis. Pour son fils qu'il finira par adopter, il écrit "L’ile au trésor".
C'est aussi du voyage, thérapeutique, déménagement mais aussi pour le voyage lui-même. "Celui qui a aussi respiré la poussière de la route, eu mal au dos en portant son sac à dos, celui-ci avancera peut-être jusqu'à découvrir son île au trésor." Mais souvent, ses textes parlent de son Écosse natale.
Il finira sa vie dans les îles Samao, soutenu par le roi Mataafa, qu'il soutiendra à son tour lors de la guerre civile entre les blancs, Anglais, Allemands, Américains, et les Samoans.

Cette courte biographie permet d'entrevoir sous le caractère littérature jeunesse une plus grande profondeur aux œuvres de STEVENSON. Il reste un romancier d'aventure mais qui peut aussi prendre position, par exemple pour les Samoans, et a une réflexion poussée sur le voyage, l'exotisme (voir ici son île Ulufanua), la vie et aussi la place si important des livres "seuls professeurs" pour lui.
"Et ce que [Walt WHITMAN] dit dans ses poèmes va diriger ma vie à venir: il dit que réussir sa vie, c'est la mettre en danger. C'est remettre en question ce qu'on a appris, ne faire la révérence devant personne, vivre libre avec la nature, mépriser la richesse."

Je ne peux qu'encourager la maison d'édition Bulles de savon pour nous fournir d'autres biographies. Merci d'ailleurs à elle et à l'opération Masse critique de Babelio.

"Tusitala", le raconteur d'histoires ou RLS


" "Ulufanua est une île imaginaire, et son nom est un très beau mot des Samoa qui désigne les cimes d'une forêt. Ulu veut dire "feuilles" ou "cheveux", et fanua "terre". Le sol, ou le pays des feuilles. "Ulufanua, the isle of the sea", Ulunfanua l'île de la mer, lisez ce vers en respectant la longueur des syllabes et son rythme apparaît. Les "u" sont à prononcer comme nos doubles "oo". Avez-vous jamais entendu plus joli mot?"
Je tiens à ce que, dans mes histoires, le lecteur en vienne à découvrir l'esprit des mers du Sud, c'est ça qui m'intéresse. Je doute cependant que le public soit prêt pour cela, peut-être n'attend-il simplement que de l'exotisme."
(extrait de "Moi, Stevenson, l'aventure de ma vie", de Jean RENE dont je parle là, illustration de Newell Convers Wyeth, couverture de "L'île au trésor", l'île la plus connue de RLS)