jeudi 21 juin 2018

"Il lui vint soudain à l'esprit que la cabane de Vola ressemblait à un nid. [...] Oui. Un nid secret, à l'abri, entouré d'arbres. Loin de tout." - Pax et le petit soldat

"La gentillesse inattendue de Vola déstabilisait toujours Peter. Parfois, elle lui ordonnait sèchement d'exécuter une dizaine de tractions, ou mimait une explosion devant son visage pour lui déconseiller de s'approcher. Dans ces sas-là, il se sentait dans son élément, comme chez lui. Mais de temps en temps, elle massait ses épaules endolories avec un onguent, ponçait les échardes de ses béquilles, ou abandonnait ses corvées pour lui préparer une tasse de chocolat chaud; il comprenait alors combien elle faisait d'efforts pour qu'il devienne fort et indépendant, et il se sentait coupable.
Il se sentit coupable tandis qu'il enveloppait les crosses dans le tissu doux; il lui dit donc ce qu'il supposa qu'elle voulait entendre:
- Vos nièces devaient être très contentes d'avoir de si beaux cadeaux.
Mais il en doutait. Ses nièces avaient probablement jeté à la poubelle ces marionnettes aux yeux morts, squelettiques comme des rats, le soir même où elles les avaient reçues. Pas de cauchemars.
Vola haussa les épaules, mais Peter se rendit compte que ses mots lui avaient fait secrètement plaisir, et sa culpabilité se dissipa un peu."
(extrait de "Pax et le petit soldat" de Sara PENNIPACKER, Gallimard Jeunesse; dessin de Jon KLASSEN non extrait de ce livre qu'il illustre pourtant)

dimanche 10 juin 2018

"Pleure encore un peu, tu veux?" - La piscine


"Le printemps disparut en un clin d’œil, et soudain il y eut la pluie tous les jours. Une pluie faible comme le bruit d'ailes d'un insecte, qui trempait la végétation du jardin de l'institut. [...] Depuis le commencement des pluies, toutes sortes de moisissures envahissaient le réfectoire au sous-sol de l'institut. Le petit pain du goûter que quelqu'un avait laissé se retrouva le lendemain parsemé de bleu, tandis que la tarte aux pommes faite par la cuisinière fut couverte de blanc au bout de trois jours. Ces nourritures d'aspect grotesque jetées dans les poubelles en plastique réveillèrent ma tendance à la cruauté. Si j'enfermais Rie dans la poubelle, hurlerait-elle encore de frayeur comme la dernière fois? Allait-elle pleurer et pleurer encore jusqu'à être trempée de larmes, de transpiration et de morve et qu'au bout d'un moment ses cuisses veloutées se couvrent de moisi comme un duvet teint avec une poudre colorée? Chaque fois que j'apercevais la poubelle au sous-sol, j'imaginais des moisissures se développant sur ses cuisses."
(extrait de "La piscine" de Yôko OGAWA)