jeudi 27 novembre 2014

Prendre soin de nos maisons d'édition jeunesse 2/2: Notari

Je vis sur Paris mais je n'irais pas au Salon du livre jeunesse de Montreuil cette année, ce week-end. Des occupations et un dos vacillant ne me le permettent pas. J'aurais pourtant bien apprécié faire le tour des stands prenant sur moi d'y voir que les magnifiques opportunités de partage et non la promiscuité non voulue des files d'attente. J'aurais aimé suivre mes auteurs favoris et mes maisons d'édition de prédilection.
Alors n'hésitez pas, vous, à en profiter. Déambulez entre les grandes maisons d'édition, parce que l'offre est importante, bien-sûr mais faites un petit passage à une autre petite que j'aime particulièrement: les éditions Notari (stand C7 au 1er étage). Pour qu'elle puisse continuer à nous offrir des livres de qualité!
Voici un panel des livres chez nous (il en manque). Je n'ai pas parlé de tous les livres. Oui je sais, je vais y remédier, peu à peu.


Prendre soin de nos maisons d'édition jeunesse 1/2: Autrement jeunesse

Je viens d'apprendre que la maison d'édition Autrement jeunesse met la clef sous la porte. Quelle tristesse. D'une part parce que les fermetures marquent un rétrécissement de l'offre et donc des sensibilités proposées dans la littérature jeunesse. D'autre part, parce qu'Autrement jeunesse avait un catalogue bien intéressant même si éclectique.


Alors, comme Gaëlle grace à qui j'ai appris la nouvelle, je vous montre un peu de ce que j'ai de chez eux. Courrez acheter ce qu'elle propose parce que nous ne sommes pas sûr que les titres seront repris par d'autres maisons d'édition! Vous retrouverez mes billets en suivant le lien Autrement jeunesse!
... d'autres se cachent encore dans ma bibliothèque... et bien-sûr j'ai commandé les albums philosophiques d'Oscar BRENIFIER, les "selon Ninon". Je vous parlais de "L'amour selon Ninon" ici.

mardi 25 novembre 2014

L'amour selon Ninon

Pourquoi avoir attendu autant de temps pour découvrir cette collection. Pourtant j'aime beaucoup ce que propose Oscar BRENIFIER. Je pensais à tort avoir affaire là à une bande dessinée facile. Bon, j'avais aimé sa collection Philozidées, par exemple "La question de dieu", une version simplifiée d'un thème. Mais mon coup de cœur allait vraiment à ses débats guidés de la collection Philozenfants: par exemple "Vivre ensemble c'est quoi" dont je parlais là.
Et Ninon dans tout ça! Et bien j'adore!

© Oscar BRENIFIER et Delphine PERRET/ Autrement jeunesse


"L'amour selon Ninon" d'Oscar BRENIFIER et illustré par Delphine PERRET est un album très complet. Ninon semble être amoureuse et grâce à ses proches, toutes ses questions auront des réponses.
Le livre peut se lire comme une histoire, du début à la fin, une sorte de pièce de théâtre en bande dessinée. Bien-sûr peu d'actions mais de nombreuses réflexions et petites humeurs d'enfant.
Il peut aussi se lire chapitre par chapitre. Chacun offrant une ligne de réflexion. Cela passe du sentiment amoureux, de l'affection plus poussée qu'une amitié ou une sympathie aux gens, mais aussi la jalousie, le respect, le bonheur d'autrui, le besoin d'être aimé, la passion, l'acte sexuel etc...
© Oscar BRENIFIER et Delphine PERRET/ Autrement jeunesse

L'album fait la part belle aussi aux références culturelles sur l'amour: mythologie avec Narcisse ou les androgynes, la bible et le jugement de Salomon, "Dom juan" ou "Roméo et Juliette".
Bien-sûr l'interaction n'est pas aussi naturelle que lors d'une séance de réflexion philosophique orale. Bien-sûr l'histoire amène les réponses peut-être même avant que l'enfant se pose les questions. Mais cette histoire est très bien faite car les interventions sont multiples. Ninon se pose des questions enfantines (mais pas que), les parents répondent sur les sentiments, la maîtresse sur la beauté de l'amour empirique, le voisin sur les références et le cochon, animal de compagnie, permet à Ninon de digérer avec des réflexions d'enfant ce qu'elle a découvert. Et puis la réflexion est un apport de petites touches, une à la fois: des phrases courtes, claires, des reprises pour expliciter.

© Oscar BRENIFIER et Delphine PERRET/ Autrement jeunesse


Je dois dire aussi que la clarté des illustrations de Delphine PERRET aide beaucoup. Les personnages détourés au feutre fin, les couleurs juste sur les vêtements et la séparation bien précise des vignettes (même sans pourtour) et des prises de parole allège.
Son cochon est aussi sympathique à souhait.

© Oscar BRENIFIER et Delphine PERRET/ Autrement jeunesse

L'album est ainsi très lisible et se lit, se relit et s'approprie facilement à partir de 8 ans. Parfait!




vendredi 14 novembre 2014

"C'est bête, un "singe", ça ne sait pas qu'une âme immortelle l'habite!" - Anima


"C'était l'heure du thé, mais le thé, vert ou noir, qu'il soit au gingembre ou à la menthe, m'indispose. Je préfère le Coca-Cola light. La sensation gazéifiée de cette boisson m'étonnera toujours. [...] Je n'ai pas réussi à croiser son regard ni à attirer son attention. Souvent, à ma vue, les gens s'exclament et s'émeuvent, Ooooh!!! et ils rigolent. Ils se mettent à faire les singes en disant Un singe!! Ils deviennent idiots. Lui, non.[...] Lui, dans la pâleur de la lumière qui passait à travers la vitre contre laquelle il s'était appuyé, laissait voir enfin son visage. Il m'a fixé. Il m'a souri. Je lui ai tendu la main. Sans jouer, sans fanfaronner, sans même s'extasier, il a tendu la sienne. Il a posé sa paume sur ma paume. Pas un instant il n'a eu envers moi un geste familier. S'il avait été seul, il m'aurait parlé comme on parle à ceux qui ont des oreilles. Mais gardant le silence, il m'a laissé le contempler et m'a dévoilé la détresse de son âme dans la défaillance de ses yeux faïencés. Je l'ai aimé à partir de là."

(extrait de "Anima" de Wajdi MOUAWAD, dont la lecture m'a laissée secouée, sans voix; peinture d'Enoki TOSHIYUKI)

mercredi 12 novembre 2014

Cendrillon ou La Belle au soulier d'or

Les contes me laissent perplexe. Je n'aime pas vraiment le doucereux qu'ils amènent souvent. Ce serait oublier que les contes sont des histoires contées, des histoires que l'on se raconte oralement d'une génération à l'autre et qu'il n'y a pas que les versions de PERRAULT ou des frères GRIMM.

© Jean-Jacques FDIDA et Delphine JACQUOT/ Didier jeunesse

Jean-Jacques FDIDA offre ainsi, dans cette collection que je cumule, "Contes du temps d'avant Perrault", des versions plus anciennes. "Cendrillon ou La Belle au soulier d'or" ne ressemble plus à celle que nous connaissions.
Elle est bien orpheline de mère, une marâtre arrive à la maison. Ici seule une demi-sœur. Cendrillon s'occupe des tâches ménagères et est envoyée au pré près d'une vache. Elle pleure sur sa situation en parlant à sa mère sur sa tombe.
Mais le conte change par rapport à la version la plus connue. La magie ne vient pas d'une marraine mais bien des pleurs de Cendrousse, entendus par sa mère morte, enchantés à travers l'intermédiaire d'une vache puis d'un arbrisseau.
La rencontre avec le Prince se fait à l'église, par trois fois. Elle s'échappe à chaque fois et le Prince ruse mais pourrait être abusé par les manœuvres de la marâtre et de sa fille.

© Jean-Jacques FDIDA et Delphine JACQUOT/ Didier jeunesse
 
Cette version reprend des éléments d'autres contes: les robes sont magnifiques et aussi belles que celles de Peau d'âne, la belle-mère et sa fille sont ogresses, la demi-soeur aura trois yeux. Il y a du merveilleux, du dramatique, du pouilleux et du sang.
"Au petit matin, quand Cendrillon est montée au pré, l'ainée marchait sur ses traces comme méchant roquet. Elle grognait, furetait et fouinait sans relâche. Or, comme elle se plaignait de s'être si tôt levée, Cendrillon a proposé de l'épouiller. Faisant craquer vermine, elle fredonnait:
Endors-toi d'un œil,
Endors-toi de deux,
Ferme les deux yeux."


© Jean-Jacques FDIDA et Delphine JACQUOT/ Didier jeunesse

Delphine JACQUOT offre de très belles illustrations, ses robes m'enchantent et quelques détails symboliques apporte une petite note de préciosité et d'un autre temps, peu-être confirmé par une reprise d'un petit être de Jérôme BOSCH.
"Mais du moment qu'elle passait sous le noisetier, la belle s'est trouvée parée d'une robe de lumière où mille lunes et soleils rayonnaient. Pour sûr, le fils du roi n'était pas fâché du changement. Cendrillon lui a tendu une noisette, ils en ont cassé la coque, mangé l'amande, et seraient bien restés là à s'entre-regarder jusqu'au solstice d'été si on ne les avait menés à la fête."

Et n'hésitez pas à écouter "La planète des contes: Cendrillon" de "La Marche de l'Histoire" animée par Jean LEBRUN et explicitée par Bernadette BRICOUT: ici

samedi 8 novembre 2014

"Nous étions suspendues au plafond de notre gîte" - Anima


"- Pour voir... elles crient?
- C'est en plein ça. Pour voir, elles crient. Alors je te pose une question: si la vie est un perpétuel cri de douleur, comment faire pour entendre son écho et échographier le visage de ce qui nous fait souffrir?
- Si le cri est perpétuel, plus rien n'est visible.
- Bingo! Chaque cri doit être suivi par un silence pour faire entendre son écho. Celui qui ne fait que hurler sa douleur n'en verra jamais le visage tout autant que celui qui s'obstine à la taire. C'est la leçon des chauves-souris: pour voir le visage de ce qui te fait souffrir, tu dois faire de ta douleur un collier qui enchaine des perles de silence aux perles de tes cris.
- Pourquoi vous me dites ça?
- J'ai toujours aimé sauver les âmes égarées."
(extrait du bouleversant, monumental, foudroyant, "Anima" de Wajdi MOUAWAD; source illustration de Samuli HEIMONEN)

... une idée de la souffrance, une idée du cri, du silence... et un clin d’œil aux chauves-souris de Lily et à celles que j'aime.

mercredi 5 novembre 2014

Sophie Scholl, "Non à la lâcheté"

Le défi de cette collection de petits romans historiques est de présenter au jeune lectorat des personnages importants d'une cause: ceux qui ont dit non à l'homophobie, à l'appartheid, à la colonisation etc...

Jean-Claude MOURLEVAT s'attaque au symbole de l'Allemagne résistante de la seconde guerre mondiale avec "Sophie Scholl: "Non à la lâcheté"". L'adolescente Sophie est déjà engagée quand nous la retrouvons. Elle fait passer en douce les tracts écrits et imprimés par son frère. Elle est jeune, assez passe-partout, elle se porte volontaire pour acheter les timbres en quantité.
Dans cette dictature allemande, leur action est encore secrète. Mais le mouvement étudiant dont elle fait partie veut aller plus loin, veut faire bouger les consciences. Cette nouvelle étape de distribution active des tracts, en plein jour, au sein de l'université, sera leur dernière activité. Ce mois de février 1943 est le dernier de sa vie.
L'image est violente, connue, ces tracts sur les marches des escaliers, sur la rambarde au deuxième étage, envoyés dans le vide et s'éparpillant à la vue de tous. Sophie et son frère Hans sont arrêtés, condamnés à morts et guillotinés.

Sophie est courageuse, même prise, elle répond avec aplomb à l'inspecteur qui l'interroge. Elle n'aura pas la force de s'insurger contre le juge comme le fera son frère mais elle aura tout de même quelques réparties.
Le roman nous laisse entrevoir qu'elle aura pu avoir une sanction plus douce, sans vendre ses amis, juste dire qu'elle était entrainée par les plus grands, par les hommes. Mais elle refuse, elle souhaite rester "droite", consciente.

"Et voilà qu'il nous lâche cette énormité: Vous feriez mieux de donner des enfants au Führer au lieu de perdre votre temps à étudier! Indignation, tu penses bien." Oui les femmes aussi comme représentantes de l'esprit critique.

La peur est latente mais la conscience politique, de liberté, est encore plus forte. L'accent est mis, dans ce documentaire, entre la partie romancée et la présentation des autres résistants encore aujourd'hui de part le monde, sur la jeunesse des activants. Ils se sacrifient, ont de l'audace.
Encore plus pour ces jeunes allemands, éduqués par les jeunesses hitlériennes, où le sport, la nature, le compagnonnage donnent une image de vitalité et de fierté tout en sclérosant les esprits.
Le livre se termine par la chronologie de la jeune femme et ses photos, pour bien ancrer nos mémoires.

Lily vous propose un magnifique billet, merci à elle pour cette lecture.