jeudi 21 juin 2018

"Il lui vint soudain à l'esprit que la cabane de Vola ressemblait à un nid. [...] Oui. Un nid secret, à l'abri, entouré d'arbres. Loin de tout." - Pax et le petit soldat

"La gentillesse inattendue de Vola déstabilisait toujours Peter. Parfois, elle lui ordonnait sèchement d'exécuter une dizaine de tractions, ou mimait une explosion devant son visage pour lui déconseiller de s'approcher. Dans ces sas-là, il se sentait dans son élément, comme chez lui. Mais de temps en temps, elle massait ses épaules endolories avec un onguent, ponçait les échardes de ses béquilles, ou abandonnait ses corvées pour lui préparer une tasse de chocolat chaud; il comprenait alors combien elle faisait d'efforts pour qu'il devienne fort et indépendant, et il se sentait coupable.
Il se sentit coupable tandis qu'il enveloppait les crosses dans le tissu doux; il lui dit donc ce qu'il supposa qu'elle voulait entendre:
- Vos nièces devaient être très contentes d'avoir de si beaux cadeaux.
Mais il en doutait. Ses nièces avaient probablement jeté à la poubelle ces marionnettes aux yeux morts, squelettiques comme des rats, le soir même où elles les avaient reçues. Pas de cauchemars.
Vola haussa les épaules, mais Peter se rendit compte que ses mots lui avaient fait secrètement plaisir, et sa culpabilité se dissipa un peu."
(extrait de "Pax et le petit soldat" de Sara PENNIPACKER, Gallimard Jeunesse; dessin de Jon KLASSEN non extrait de ce livre qu'il illustre pourtant)

dimanche 10 juin 2018

"Pleure encore un peu, tu veux?" - La piscine


"Le printemps disparut en un clin d’œil, et soudain il y eut la pluie tous les jours. Une pluie faible comme le bruit d'ailes d'un insecte, qui trempait la végétation du jardin de l'institut. [...] Depuis le commencement des pluies, toutes sortes de moisissures envahissaient le réfectoire au sous-sol de l'institut. Le petit pain du goûter que quelqu'un avait laissé se retrouva le lendemain parsemé de bleu, tandis que la tarte aux pommes faite par la cuisinière fut couverte de blanc au bout de trois jours. Ces nourritures d'aspect grotesque jetées dans les poubelles en plastique réveillèrent ma tendance à la cruauté. Si j'enfermais Rie dans la poubelle, hurlerait-elle encore de frayeur comme la dernière fois? Allait-elle pleurer et pleurer encore jusqu'à être trempée de larmes, de transpiration et de morve et qu'au bout d'un moment ses cuisses veloutées se couvrent de moisi comme un duvet teint avec une poudre colorée? Chaque fois que j'apercevais la poubelle au sous-sol, j'imaginais des moisissures se développant sur ses cuisses."
(extrait de "La piscine" de Yôko OGAWA)

mercredi 16 mai 2018

A qui est ce squelette?

© Henri CAP, Raphaël MARTIN et Renaud VIGOURT/ Seuil jeunesse

" A qui est ce squelette?" d'Henri CAP, Raphaël MARTIN et illustré par Renaud VIGOURT est un documentaire parlant de zoologie à partir d'un axe ludique: les os.

© Henri CAP, Raphaël MARTIN et Renaud VIGOURT/ Seuil jeunesse

Oui, ça intrigue, ça fait peur, c'est stylisé! Avec un parti-pris très coloré orange fluo, des contours et un texte bleu foncé, le livre se veut enthousiasmant avec des fenêtres à ouvrir, des textes courts mais exigeants.

© Henri CAP, Raphaël MARTIN et Renaud VIGOURT/ Seuil jeunesse

Les particularités des os sont présentés: solidité, couleur, longévité, poids, rôle, exosquelette ou endo. Il y aura des devinettes, rendre un crâne à son possesseur ou tout son squelette.
Et plus encore, l'os est distingué du cartilage (sans nerfs et vaisseaux sanguins contenu dans les oreilles ou les arêtes), des bois de cervidés, des cornes de bovins (ou girafe) et des dents... mais pas forcément des plumes (de calmar!).

© Henri CAP, Raphaël MARTIN et Renaud VIGOURT/ Seuil jeunesse

A travers les doubles pages thématiques, les premiers vertébrés sur terre apparaissent. Suivent des comparaisons: les articulations comme les pattes, les mains. Une question d'assemblage mais aussi de pousses opposables, de plantigrades ou digigrades, de combat moins déséquilibré qu'il n'y parait entre prédateur et proie.
Le documentaire offre ainsi des focus pour entrevoir l'évolution des êtres vivants vertébrés par l'exemple, la comparaison et les similitudes des os.

mardi 15 mai 2018

Le rire d'Epicure

© Yan MARCHAND et Jérémie FISCHER/ Les petits Platons

"Le rire d’Épicure" de Yan MARCHAND et illustré par Jérémie FISCHER provient de la maison d'édition Les petits Platons. C'est toujours un plaisir de la suivre même si je n'en parle pas assez.
Le parti-pris est toujours le même: proposer une biographie sélective d'un philosophe. Sélective car la collection n'est pas encore complète mais aussi car ce n'est pas forcément toute la vie de l'homme (ou de la femme) qui est présenté. Les dates apparaissent sur les rabats de couverture, le texte, lui, se concentre sur ce qui, dans la vie et les actions de cet homme, va l'amener à réfléchir différemment.
Le lectorat cible est la jeunesse, bien avant leur première approche de la philosophie au lycée. Cependant, toutes les propositions ne sont pas aussi accessibles que celle-ci. Est-ce parce qu'elle mêle la philosophie avec des références de mythologie grecque?  Peut-être.

© Yan MARCHAND et Jérémie FISCHER/ Les petits Platons
Épicure passe son enfance baigné par les superstitions maternelles. Mais curieux, lecteur des œuvres philosophiques de la bibliothèque paternelle, il émet des doutes.

          ZEUS
Que se passe-t-il, Apollon? Ton visage est bien sévère!

            APOLLON
Je viens d'entendre la voix du destin: l'heure n'est plus aux disputes ni aux plaisanteries, car notre fin est proche.

             HÉRA
Les Titans reviennent?

             APOLLON
Pire, bien pire: dans l'île de Samos, un mortel vient de naître.

Le couple royal se met à rire à l'unisson des autres dieux. Un mortel! Un petit brin de paille qu'un simple coup de vent suffit à coucher!

              ZEUS
Mon pauvre Apollon, tu auras fait un excès de nectar! Comment un mortel pourrait-il nous menacer?

              APOLLON
Il supprimera la crainte des dieux de toute poitrine humaine."
Yan MARCHAND a la bonne idée de mettre en scène les dieux de l'Olympe pour parler de ce jeune homme. Les dieux se liguent pour prouver leur présence et contredire Épicure au fur et à mesure de son influence sur les autres hommes. Zeus, Poséidon, Arès, Hermès, mais aussi Aphrodite, Peithô, déesse de la persuasion ou Éris, déesse de la discorde envoient les obstacles, douleurs, drames.

Épicure est envoyé au service militaire pour contrecarrer ses premières approches philosophiques mais rien n'y fait. Ni la guerre dans sa ville natale, Samos, et la destruction de sa maison. Ni la famine ou les désastres en mer. En écoutant Nausiphane, philosophe, il s'assume critique et croit que les phénomènes naturels sont des conséquences physiques et non divines. Le principal est la matière, les grains de poussières, les atomes.
Et puis même le trop, le luxe ou les actes ou sentiments de ses proches ne peuvent l'atteindre. Épicure prône le plaisir mais aussi le principe de se satisfaire de ce que nous avons, vivre dans la mesure et ne pas croire en l'offense.

La philosophie apparait comme une réflexion critique sur la foi et les superstitions: les dieux ont été créés pour effrayer. Ils sont dits "bienheureux", si tel est le cas, ils ne connaissent aucun souci donc ne sont pas à même d'arbitrer la vie humaine ou sinon ne sont pas des dieux. Même les aptitudes d’Épicure sont voulues par eux, alors il est libre de penser, ainsi n'a-t-il pas besoin d'eux pour dicter ses actes.

© Yan MARCHAND et Jérémie FISCHER/ Les petits Platons

Le choix iconographique de cette collection est toujours d'offrir des illustrations réalistes au récit mais avec une fantaisie dans la représentations, un début d'abstraction. Jérémie FISCHER joue beaucoup avec la démesure des dieux. L'architecture et les phénomènes naturels forment un tout. Et les hommes, souvent de profils, se manifestent dans leur interactions: encadrées, détourées, ancrées dans les murs. C'est lisible et intriguant.

Merci aux éditions Les petits Platons et à l'opération Masse critique de Babelio. Et je ne peux que vous encourager à vous offrir les coffrets, regroupant 5 titres (plus accessibles si vous souhaitez acquérir toute la collection).
tous les livres sur Babelio.com

vendredi 4 mai 2018

Le Tunnel du Silence - Voyage à Zorgamazoo


""Tais-toi! dit-elle tout bas. Pas un bruit, pas un son!
Et puis au moindre pas surtout fais attention.
On est presque arrivés, mais le dernier morceau...
Pourrait s'avérer le passage le plus costaud.

La carte signale ici une forêt d'aiguillons,
De cornes et d'épines suspendus au plafond.
(Le plan dit "stalactites"... mais moi je me demande:
S'il n'y aurait pas eu un problème de commande...)
Alors, pour avancer sans se faire scalper,
Il faudra de courage et de cran nous armer!
Ces pointes sont fragiles, c'est précisé ici,
Elles se décrocheront au plus infime bruit!
Entendu, Mortimer? Je te fais confiance!
Nous allons traverser... le Tunnel du Silence."

Dans le fameux passage, il n'y avait pas un son...
Mais un drôle d'effet d'insonorisation:
Pas un bruit ne filtrait dans l'étrange corridor...
Le Tunnel du Silence était calme comme la mort.

Alors, à pas de loup, ils avancèrent tout droit,
Un oeil sur le plafond, source de leur effroi.
Ces effrayants piquants, pointus et menaçants,
Ressemblaient à des doigts dans un terrible gant.

La peu gagnait Morty... Il ne scrutait qu'en l'air,
Oubliant de penser à regarder par terre...
Or jonchant le chemin, juste devant ses pieds,
Plusieurs branches de ronces étaient enchevêtrées.

Le malheureux Morty, quelle ne fut sa surprise,
Quand son pied se coinça, jambe et botte comprises.
Il faut lui reconnaître néanmoins cette prouesse:
Il n'émit pas un son en tombant sur les fesses.
Il tomba, en effet, lourdement en arrière...
Mais la chute produisit comme un bruit de tonnerre."
(extrait de "Voyage à Zorgamazoo" de Robert Paul WESTON)

***

Ce roman pour préadolescents est une petite pépite de bonne humeur et d'intelligence.
Katrina, enfant abandonnée à sa nourrice, se rend compte qu'elle sera la victime d'un docteur lobotomisateur. Elle fuit et rencontre Mortimer, un zorg, bête entre un porc, un ours et un chat, munie de petites cornes et d'une cravate. L'une rêve d'intrigue, d'enquête et d'aventure, l'autre de son logis et de sa quiétude.
Par un concours de circonstance fâcheux, enfin pas tant que cela vu la suite, Mortimer gagne à la loterie le gros lot, un cadeau dont il sera le responsable, la cible, la victime: une grande aventure, des plans, une boussole, pour retrouver les zorgs des campagnes disparus depuis peu.
Tous deux partent et vont (re)découvrir un bestiaire fabuleux, des envies, de l’allégresse, de l'émerveillement mais aussi l'ennui, le désespoir, le gris du monde.

Le tout est poétique, en plus d'être en rimes, et surprend à chaque page, par la police, par le narrateur qui interpelle le lecteur mais aussi par ce déluge de vocabulaire rocambolesque, les fantaisies de l'histoire, les soubressauts.
Le roman peut se lire tel quel mais est aussi bonifié par ses références à toute sorte d'autres contes et légendes. Le monde serait plus beau avec des yeux d'enfant, toujours curieux et émerveillé.


samedi 21 avril 2018

Tatiana - Songe à la douceur





"Or, quand Tatiana réfléchit à voix haute, elle le fait souvent (c'est une drôle d'habitude) en posant un insecte sur le dos de sa main
une coccinelle, une fourmi, un scarabée,
n'importe quoi:
elle s'empare mécaniquement des bestioles qui passent,
et elle parle, concentrée, en les regardant trottiner,
passant de main en main, la peau, la peau
toujours recommencée.
Eugène regarde Tatiana regarder l'insecte, se demande ce qu'elle trouve à ce minuscule marathon,
à la chatouille de ces toutes petites pattes;
peut-être que cette opiniâtreté,
ce fonçage en ligne droite,
cette éternelle et rectiligne décision,
l'aide à tracer la route de ses idées à elle?
Ses idées,
ce sont celles de quelqu'un qui ne pense pas
à l'implosion du soleil,
 et il y a donc des choses qu'elle espère
et qui l'apeurent;
Eugène aime sa manière cahotante de les présenter." [...]


" Il se dit: "C'est une gamine".
Gamine est un terme pratique. Gamine égale
mignon, gamine égale enfant et sœur.
Gamine est raide; gamine exclut les courbes
lourdes, les seins en poire;
Gamine est fraîche; gamine n'a pas l'attrait brûlant
des aventures;
Gamine est lisse; gamine n'a pas d'escarpements
ni d'encoignures.
Gamine on la borde. On lui lit des histoires
édifiantes pour la faire dormir.
Gamine on lui fait son éducation.
Eugène se sent comme investi d'une grande mission.
Il sait ce qu'il va lui répondre; il compose dans sa tête une réponse pleine
de ces trois années qu'il a vécues de plus qu'elle;
de ces dizaines de livres qu'il a lus de plus qu'elle;
de ces nombreuses amours qu'il a eues de plus qu'elle." 
(extraits de "Songe à la douceur" de Clémentine BEAUVAIS, éditions Sarbacane)

vendredi 13 avril 2018

Petites et grandes histoires des animaux disparus

© Hélène RAJCAK et Damien LAVERDUNT/ Actes sud jeunesse

Toujours un œil tourné vers les documentaires jeunesse, je ne pouvais que fondre pour la proposition "Petites et grandes histoires des animaux disparus" d'Hélène RAJCAK et illustré par Damien LAVERDUNT. Ce duo m'avait enthousiasmée sur la microfaune. Un livre que l'enseignante du lutin au collège voudrait m'emprunter toute une année scolaire.
Mais quoi de nouveau sous le soleil? Surtout sur un sujet que j'aime retrouver, la zoologie et la paléontologie. Il y a un beau lien entre une bébête marante, une anecdote scientifique ou mythologique et une première sensibilisation au danger de l'extinction des espèces.

© Hélène RAJCAK et Damien LAVERDUNT/ Actes sud jeunesse

En suivant une répartition géographique par continents, des portraits d'animaux disparus se présentent avec quelques informations, sa classification, sa taille ramenée à celle de l'homme, son lieu d'habitat et sa date d'extinction, mais aussi quelques éléments morphologiques. La rhytine, le drépanide Mamo aux plumes restant sur les habits d'apparat, le mammouth laineux, le thylacine (hyène, loup, tigre... kangourou?!)...
Mais la page de droite, sous forme de bande dessinée, décrit le rapport à l'homme: le naturaliste qui l'a découvert, l'histoire de sa découverte scientifique et les égarements possibles, les conséquences des besoins humains (nourriture) mais aussi une histoire de l'homme, de ses immigrations ou colonisations.

© Hélène RAJCAK et Damien LAVERDUNT/ Actes sud jeunesse

Il n'y a pas que la réalité, même amoureuse, qui s'inscrit dans ces pages. La mythologie grecque avec le Lion de Némée tué par Hercules ou l’œil du cyclope, les légendes moyen-orientales avec l'oiseau Roc de Sindbad le marin mais aussi d'autres plus locales, celle des Mikmaq réducteurs de castors, celles de Madagascar (un lémurien pinceur de fesses), celle des Maoris grâce à une immense "autruche", chinoise avec une princesse noyée par deux fois (plus humaine, ni même dauphin).

© Hélène RAJCAK et Damien LAVERDUNT/ Actes sud jeunesse

Et puis ce sont des éléments encore plus complexes qu'une extinction parce que cibles de l'homme. Ce sont des relations entre les espèces, le dodo et l'arbre Tambalacoque par exemple, le volatile aidait à la germination des graines en les prédigérant. C'est aussi une idée de responsabilité par les espèces introduites, une question de timing.

© Hélène RAJCAK et Damien LAVERDUNT/ Actes sud jeunesse

Pour finir plus joyeusement, apparemment certains spécimens ne sont pas éteints: Saluons le presque centenaire George, la tortue géante des Galápagos!
J'étais passée à côté pensant avoir affaire à une énième présentation de bestioles sans vraiment de fond, erreur! C'est un documentaire bien construit!


jeudi 5 avril 2018

"Princesse de la rue, soit la bienvenue dans mon coeur blessé* " - Pablo de la Courneuve


"- J'ai besoin de toi, tu vas me laver les cheveux, je n'y arrive pas toute seule...
Pablo respire un grand coup. Il avance, passe la porte, pousse un lambeau de tulle, puis un autre. Ce sont des costumes de danseuse, du temps où la vieille femme était une star et pas la Goule. Punaisés au plafond par leurs bretelles, ils dessinent un labyrinthe de fantômes. La poitrine serrée, Pablo le traverse. Pour se protéger des mauvaises choses, il ne doit pas marcher sur les joints du carrelage. Un pied sur un carreau blanc, un pied sur un carreau noir. Au fond de la pièce, il devine la femme dans son baquet, elle fredonne. Un dernier voile blanc, Pablo baisse les yeux. Elle est là, nue devant lui. Elle frotte ses bras avec une grosse éponge jaune. Sa peau laiteuse absorbe la lumière autour d'elle, comme le halo d'une étoile très loin dans le ciel. Ses seins très blancs, petits et ronds, bougent sur sa poitrine. [...] 
- Ah, tu es gêné, dit la vieille femme en se retournant vers le mur, tu n'as pas l'habitude. Excuse-moi."

J'aurais pu vous décrire ce roman jeunesse, vous parlez de Pablo, colombien venu se réfugier en France avec sa famille, vous mettre sur la voie en parlant d'être transparent, de ne pas faire de vague, de n'être plus là-bas mais pas d'ici, d'être le vaurien d'un autre.
J'aurais pu vous parler des émotions, de l'amitié.
Mais les larmes aux yeux je les ai eu dans cette rencontre, entre cette vieille femme, la Goule, et Pablo. De leurs silences, de leur pudeur, de ce quart de folie, de la bonne humeur, de cette retenue, du moment où ce n'est pas le moment. "Dans son corps de vieille femme, la Goule a plus de vie que bien des gens que Pablo croise dans les rues."
Et puis de marche, encore et encore, plus loin, vers les sommets où l'oxygène se raréfie, où juste plus loin vers le ciel d'où les autres partent. De vélo qui roule aussi, loin, encore, pour laisser ce qui ne peut se comprendre là sur le bas-côté. Du médicament contre la maladie des mots.
Oui, à chaque fois, même dans le plus court texte ou dans un récit de moins de 100 pages comme ici, Cécile ROUMIGUIERE distille des pépites.
(extrait de "Pablo de la Courneuve", Seuil jeunesse; *"La complainte de la Butte", paroles de Jean Renoir)

"[...] on trouve à peu près partout ce qu'on appelle par exemple des rituels d'ensauvagement, autrement dit la possession par l'esprit de l'animal qu'on va chasser." - Selon Vincent


"Deux ans se sont écoulées entre cette ligne et la précédente. Il y a eu du vent, de la pluie, du soleil, des multitude d'oiseaux, quelques baleines, des renards, des conversations muettes, des légumes qui ont poussé, un peu de pêche, un peu de chasse, la tonte des moutons, quelques allers-retours à Rio Verde, le troc, la vente, l'achat de denrées, le vent, la pluie, le soleil et ainsi de suite. Et la belle lenteur des jours, la triste lenteur des jours, des silences qui enserrent les tempes, des silences massifs et lointains qui enveloppent tout, des silences cristallins qui font pleurer la nuit, des fracas de tempêtes comme des combats de géants, la beauté violente du monde, la tristesse infinie du monde, et puis un voyage à Punta Arenas où j'ai acheté quelques cartes topographiques et plusieurs livres, dont un trop encombrant qui m'a lancé un signe datant de plus d'un siècle."

"Rosario [...] pensait à tous les lieux qu'il avait parcourus depuis des années, dans lesquels il ne savait plus s'il avait eu la sensation de se dissoudre, ou de se dilater dans l'espace, de consolider ou d'épuiser ainsi son être et son esprit [...] L'apparition de la complexité avec la première cellule, puis les protozoaires, les organismes pluricellulaires, les plantes, les insectes, les vertébrés, l'homme avec sa conscience de soi, sa capacité à analyser, nommer, complexifier le réel, le réduire, le maîtriser, le démultiplier [...]."
(extraits de "Selon Vincent" de Christian GARCIN, Babel, Actes sud)

mardi 27 mars 2018

La Malédiction d'Old Haven



Fabrice COLIN offre avec "La Malédiction d'Old Haven" une lecture que j'aurais adorée avoir en main enfant (et je n'ai pas boudé mon plaisir adulte).
Mary est élevée par les Sœurs de la Charité, elle a grandit et même pris quelques fonctions, enseignante des plus petites. Mais elle le sait, à 17 ans, elle doit quitter l'orphelinat et découvrir son métier et surtout le monde.
Comme par hasard, mais il n'y en a pas, elle s'arrêtera en cours de route dans un village. Elle sait qu'elle y a sa place. Old Haven est le lieu de ses ancêtres. Nous sommes à un tournant de l'histoire. La Grand Inquisition tue toujours les sorcières mais il y a pire, ce n'est pas l'hérésie qui est touchée. Mary doit prendre sa part dans le combat.
En découvrant le journal de sa grand-mère, Lizbeth Wickford, elle entrevoit un monde prêt à exploser.

Elle cherche son passé et se découvre en trouvant son aïeule. Elle est sorcière sans s'en apercevoir et doit fuir l'Inquisition mais encore plus l'Empereur, un être redoutable, qui voit en elle une porte de sortie à sa malédiction.
Mary découvre les relations de ses ancêtres, se lie d'amitié, fait confiance ou non, se forme aussi pour son destin.
Le combat se fera sur Terre mais il est aussi question d'un ailleurs. Le processus magique est aussi plein de fantaisie comme l'originalité qu'apporte l'auteur à ses dragons.

Au fil des pages, ce sont de multiples références à la piraterie, aux découvertes scientifiques avec des machines fabuleuses, à la magie, à l'ambiance de Gotham et de son asile de fous, aux indigènes amérindiens, aux mythes de Cthulhu (avec une ou deux tentacules). 
De nombreux personnages apportent de la couleur à cet enchantement: Jack O'Lantern homme à la tête de citrouille, un Jonathan Swift imaginaire, Usher esclave noir si fidèle, l'indienne Nicketti nageant même sous la glace ou Thomas Goodwill pirate amateur d'arts. Et puis des objets magiques marquants comme Sun le chat automate ou le tableau envouté.
L'aventure est au rendez-vous comme la désillusion, la sensualité comme l'obscurité. Celle des sorcières, ancêtres de Mary, mais aussi sa propre volupté et ses désirs.

J'aurais aimé faire un billet plus construit, je vous laisse avec un autre, si bien écrit, par celle qui amena les premières lignes de Fabrice COLIN par chez moi.

"Ainsi, les créatures qui peuplent la Terre ne sont pas des dragons complets. Il faut les voir comme des reflets; il leur manque quelque chose." - La Malédiction d'Old Haven


"- Tes ancêtres ont domptés un dragon. Elles ont marqué son âme à jamais. Mais, si l'animal a rejoint notre Terre, il a tout oublié. Tu n'as aucune chance de chevaucher en unité si ta monture ne se souvient pas de toi, de ton sang, précisa-t-il en exhibant le flacon qui pendait autour de son cou.
[...]
Ce dragon-ci était plus grand que les autres, plus élancé aussi. Tous arboraient la même apparence translucide, fantomatique, et la même couleur noirâtre, mais tous aussi étaient différents. Certains étaient à peine plus grand qu'un homme. D'autres atteignaient cinquante pieds. La forme de leurs gueules variait également. Les pattes étaient plus ou moins arquées, robustes et courtes, petites et griffues. Les ailes portaient de fines membranes ou bien étaient cartilagineuses. Les queues étaient fourchues, divisées, ressemblant à des serpents. Les épines dorsales: couvertes de piquants ou lisses comme du marbre.
Tous uniques.
Tous magnifiques, endormis, irréels.
Le temps passait. Le temps ne passait pas. Je frôlais les carcasses alanguies. Aurais-je avancé la main que je n'aurais rien ressenti. Ces bêtes étaient des fantômes, des songes superbes - songes de guerre et de voyages sans fin, mais des songes tout de même.
Et puis...
Ce museau. Ces moustaches fines. Ce corps replié, ces pattes.
Je frémis.
Celui-ci avait les yeux entrouverts. Il semblait... Non, c'était absurde.
Il semblait sourire."

(extrait de "La Malédiction d'Old Haven" de Fabrice COLIN, édition Albin Michel, dont je parle là; peinture de Jean-Baptiste MONGE)

samedi 17 mars 2018

La Plaine étincelante

De William MORRIS je connaissais ses dessins floraux sur textiles et un ou deux titres de livres dont "La source au bout du monde", mais commencer par "La Plaine étincelante", première approche de la fantasy, était tentant.


Gîtallègre, de la maison des Corbeaux, est fiancé à Otage, de la maison de la Rose. Mais cette dernière est kidnappée. En digne chevalier, Gitallègre part à sa recherche. Il sera peut-être question de rançon, d'échange, de pourparlers? Non. Il se dirige vers l'île de Rançon, aidé par un brigand, Renard-Chétif, pas si chétif. Obtiendra-t-il une entrevue avec les ravisseurs? Pas vraiment. Mais c'est sûr, ils se jouent du héros.
Nous ne savons pas grand chose d'Otage. De Gîtallègre juste sa persévérance sans même saisir si cette quête est celle de l'amour véritable ou d'une idée du sentiment. Renard-Chétif ou Vieux-Chenu, à qui il ne reste pas longtemps à vivre, eux sont plus marqués, ils ont même une histoire avant et après l'épisode.
Ce court roman est une mise en place, les noms parlent autant que le texte, la répétition apporte un rythme lent, les épithètes épiques ne sont pas loin. C'est comme dérouler une tapisserie, un canevas étant imbriqué dans l'autre tout en restant visible, lui-même imbriqué ailleurs. Gîtallègre est en mouvement, en mer puis dans cette merveilleuse Plaine étincelante dirigée par ce Roi qui ne meurt jamais.
Le décor est une forme là aussi de motifs, végétaux, rocheux, lumineux ou sombres. Le merveilleux est dans le paysage mais aussi dans les us et coutumes rencontrées. Un banquet, des tables, des tapis et des alcôves. Des châteaux, des tentes brodées.
Les thèmes se mettent en place doucement aussi. Un code d'honneur, le bien-être artificiel, la liberté de choisir. Un roi qui ne fait que sourire, ne veut que le bien de ses sujets, mais qui sous cette inflexion des lèvres est inflexible! Mais aussi l'amitié, le charme doux des femmes décoratives, la supercherie et la magie. Et l'amour dans tout cela, oui, un peu, comme une miniature dessinée dans un beau livre.

Ce court roman est un avant goût, je suis sûr, pour entrer dans d'autres propositions médiévales. Allez, je me replongerais bien dans la biographie inventée par Benjamin LACOMBE et illustrée par Agata KAWA, "Le carnet rouge".

Merci à l'opération Masse critique de Babelio et aux éditions Aux forges de Vulcain.
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vendredi 9 mars 2018

Inventaire illustré des dinosaures

Bon, vais-je encore dire tout le bien que je pense des propositions de ce duo, Virginie ALADJIDI et Emmanuelle TCHOUKRIEL?
Vais-je rappeler mon opinion sur ces inventaires, de quoi mettre de la vie sur une diversité animale ou végétale, de quoi allier images et mots spécifiques, de quoi se familiariser aussi avec une classification du vivant?

© Virginie ALADJIDI et Emmanuelle TCHOUKRIEL/ Albin michel jeunesse

Oui, peut-être encore un peu. "L'inventaire illustré des dinosaures" aurait pu être de trop par chez nous. Un fiston avec une période jurassique, crétacé et trias importante. Des figurines. Quelques bons documentaires sur la question. Et pourtant.
Le parti-pris est toujours de vous présenter un candidat. Il n'est pas tant à échelonner ou à distinguer parmi les autres mais bien, mis en avant pour ce qu'il est. Alors oui, vous trouverez le Tyrannosaure rex (poilu), un diplodocus, un stégosaure, un ankylosaure, un cératops ou un raptor (entre autre vedette), c'est pourtant ailleurs que se situera l'intérêt. Dans la présentation des saurischiens ou ornithischiens, et aussi, au au fur et à mesure des pages, les représentants de très très nombreuses familles (compsognathidés, vulcanodontidés, troodontidés, hadrosauridés, droméosauridés,...). 
Une succession de portraits en pied (43) amène chaque dinosaure à être découvert seul mais classé zoologiquement. Quelques éléments épiques sont accompagnés par des anecdotes sur les découvertes en elles-même (les erreurs des chercheurs, leurs hypothèses).
Un lézard souris mais qui atteindra 3 mètres devenu adulte. Des pieds d'éléphant devant et griffues derrière. Un casque bombé mais trop faible pour les combats, des plumes d'apparat, des cous qui ne peuvent pas se redresser, une distinction de chaine alimentaire sans à priori: ils sont dessinés en mouvement mais pas en situation.

L'introduction est aussi toujours intéressante. Les indications de l'illustratrice, quant au choix artistique. Les couleurs, les plumes ou les poils, seront potentiellement remis en question par les futures découvertes.
Et en plus, l'entretien avec la paléontologiste, Claire Peyre de Fabrègues, apporte des éléments sur le métier (travail de bureau et fouilles), les études pour y arriver ou les autres métiers qui "touchent" aux dinosaures. Des détails pour amener les vocations comme les nouvelles découverte, observation de la matière organique (même les globules rouges), changement d'optique sur les attitudes, les dinosaures ne semblent plus apathiques mais bien très dynamiques, la différenciation mâle et femelle...

Le tout est merveilleux, à lire période par période ou une page au hasard.

© Virginie ALADJIDI et Emmanuelle TCHOUKRIEL/ Albin michel jeunesse

Seul minime bémol: j'aime leur format souple avec stickers (moins cher)... il faudra attendre encore pour certains thèmes. Je les rappelle: fleurs, montagne, oiseaux, insectes, mer, arbres, fruits et légumes, merveilles du monde, animaux (et je dois en oublier). En listant je me rends compte que je ne vous les ai pas tous présentés... erreur! Mais l'intérêt est là quelque soit le sujet que vous choisirez!

mardi 6 mars 2018

Au commencement

Je prends moins le temps de partager avec vous mes découvertes littéraires mais je lis encore de nombreuses propositions enthousiasmantes. Je reviendrais en 2018 avec peut-être plus de fréquence.





© Henri MEUNIER et Vincent BERGIER/ Seuil jeunesse


Ici un documentaire sorti à la rentrée 2017, parfait pour les petits curieux. "Au commencement" d'Henri MEUNIER et illustré par Vincent BERGIER présente la vie.
Le rien, puis la chaleur, l'atmosphère et puis le premier signe de vie. Ce pourrait être un énième documentaire sur la naissance de la vie mais le parti-pris, réussi, est de personnifier chaque élément et de marquer avec humour les jeunes esprits.
Ce n'est pas une profusion d'informations mais quelques éléments, étapes clefs, du passage du bouillon de culture à nous. J'ai un coup de foudre pour les premières pages ne parlant que de l'atmosphère et des premières cellules. Pas encore d'animal, juste des bactéries, puis des eucaryotes si sympathiques, enfin des plantes, des mousses, des champignons et des méduses.
Bien-sûr vous aurez les dinosaures, les insectes géants et un mammifère qui se prend pour un tigre à dents de sabre (quand les poules n'auront plus de dents!).

© Henri MEUNIER et Vincent BERGIER/ Seuil jeunesse

Ce ne sont que des dialogues d'éléments de vie (plus une date en début de chaque double page). Ils se parlent et jouent sur les références. Alors oui le livre est destiné à un jeune public mais une seconde lecture est tout à fait possible et jouissive pour les plus grands, adultes compris. Des références de jeux (lego), cinématographiques mais aussi des idées sur la théorie de l'évolution ou même ce que nous connaissons maintenant d'elle. C'est drôle, simple et pourtant une belle ouverture sur d'autres découvertes.

© Henri MEUNIER et Vincent BERGIER/ Seuil jeunesse

Peu de texte donc et une illustration très claire en font un documentaire à lire et relire, dans l'ordre chronologique (voire même pas).

mardi 30 janvier 2018

"Les tulipes ont eu leur heure de gloire et se meurent, elles laissent tomber leurs pétales un à un, comme des dents." - La servante écarlate


"Bon. Puis nous avons eu les iris, dressés superbes et dignes sur leurs hautes tiges, comme du verre soufflé, comme de l'eau pastel momentanément gelée en éclaboussures de couleur, bleu pâle, mauve pâle, et les plus sombres, velours et pourpres, oreilles de chats noires au soleil, ombre indigo, et les cœurs de Jeannette, de forme si féminine que c'est surprenant qu'on ne les ait pas arrachés depuis longtemps. Il y a quelque chose de subversif qui se dégage du jardin de Serena, l'impression que des choses enterrées remontent et éclatent, sans paroles, à la lumière, comme pour montrer du doigt, et dire: Tout ce qui est réduit au silence clamera pour être entendu, même en silence. Un jardin à la Tennyson, lourd de senteurs, languide, le retour du mot pâmoison. La lumière du soleil se répand sur lui, certes, mais la chaleur monte aussi des fleurs elles-mêmes, on la sent: c'est comme si l'on tenait la main à deux centimètres au-dessus d'un bras, d'une épaule. Le jardin respire dans la chaleur, hume ses propres effluves. Le traverser, ces jours-ci, à l'époque des pivoines, des mignardises et des œillets, me fait tourner la tête.
Le saule a revêtu son plus beau plumage, et n'aide guère, avec ses murmures insinuants Rendez-vous, dit-il, terrasses; les sifflantes me remontent l'échine comme un frisson de fièvre. La robe d'été bruisse contre la chair de mes cuisses, l'herbe pousse sous mes pieds, aux coins de mes yeux il y a des mouvements dans les branches: plumes, volettements, trilles, arbre devenant oiseau, métamorphose devenue délire. Les déesses peuvent exister et l'air exsude le désir. Même les briques de la maison s'adoucissent, deviennent tactiles. Si je m'appuyais contre elles elles seraient chaudes et élastiques. C'est surprenant, ce que la frustration peut faire."
("La servante écarlate" de Margaret ATWOOD, éditions Robert Laffont; tableau de John William WATERHOUSE)

lundi 15 janvier 2018

Des plumes et des écailles dernièrement (M pour Mabel - Les grandes marées)

... au fil des pages, de la fauconnerie, mais aussi de la biologie marine pour deux très puissants romans dont je parlerais peut-être plus longuement une autre fois.


Un deuil, une passion, s'enfermer pour apprivoiser le sauvage, refaire surface, reprendre une à une les étapes de l'apprentissage mais aussi les réflexions machistes de cette pseudo aristocratie de fauconniers, sauvage, masculin, féminin... et puis du Merlin, de la légende arthurienne, une once, le rapport à l’homosexualité du mentor de papier, Theodore Harold White, beau, beau...
"M pour Mabel" d'Helen MacDONALD, éditions 10/18, et une page de "Reliefs 3, Pôles" et une "Hulotte"


Une avancée dans l'adolescence, les pieds dans l'eau, des apparitions marines incroyables, une renommée, une prédiction... la puissance de l'amitié et de la présence.
"Les grandes marées" de Jim LYNCH, éditions Gallmeister, une page de "Reliefs 1, Abysses"



vendredi 12 janvier 2018

Uppercut


Il est arrivé en fin de courses, dans cet internat des récalcitrants, ces petites frappes du collège, ceux qui se sont fait virer de tous les autres bahuts. Il a le prénom qui ne semble pas aller avec sa tête, Erwan pour un métis, cela le fait peu dans cette campagne où il atterrit.

Nous suivons ses doutes et réflexions. Il sait qu'il faut changer mais fugue tout de même avec un pote de chambrée. De toutes façons que peut-il attendre de mieux. Il ne sait répondre aux invectives que par de beaux petits uppercuts. Rien n'est plus envisagé pour lui.
Dans leur fuite, un passage chez un oncle du copain et là une première bouffée d'air. L'adulte ne les renvoie pas à l'internat. Il parle, prépare un repas pour le soir, leur propose de dormir chez lui, avant de les ramener tranquillement le lendemain au collège.
Ce premier "grand" leur fait confiance, Erwan ne sait pas pourquoi. Encore moins pourquoi même l'entrevue avec la direction du collège se passe bien, plutôt bien. On lui propose de changer d'air, de travailler pour un centre équestre.
Pourquoi pas. La première rencontre est figée, son futur chef est un petit paysan qui n'avait pas prévu de se retrouver avec un noir, métis ou non. Mais il le prend tout de même, un stage.

Erwan découvre le racisme ordinaire. Des aprioris le devanceront, le patron n'est pas avare de mauvaises blagues. Puis les jours passent, le travail est bien effectué. Erwan, si habitué à parler avec ses poings, se retient, est offensé mais garde la tête haute. Le paysan le jauge et le stage continue.

"Uppercut" d'Ahmed KALOUAZ montre le point de bascule d'une dérive adolescente. Un jeune homme pas bête, mal compris sûrement, peut aussi reprendre pieds malgré les difficultés. A travers lui, il s'agit aussi de questionnements sur la négritude, le racisme, l'investissement pour ce que l'on croit, ne serait-ce que la boxe.
Ce petit roman brosse aussi un racisme de méconnaissance, de convention. Une sorte de bougonnerie rurale sans omettre les formes plus dures. Un beau premier abord de ses sujets proposé aux adolescents.

Merci aux éditions Rouergue et à Babélio pour cette Masse critique.
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