mercredi 23 septembre 2009

Laissez-moi (commentaire)


Un minuscule livre et pourtant repris trois fois pour le finir. C’est dur d’aller lire les lignes d’une pertinence, d’une intelligence et véracité folle, celle d’une rupture amoureuse, celle d’un retour à soi aussi… d’un retour à soi, pour soi et pour recouvrer la santé.


« Laissez-moi, Commentaire » de Marcelle SAUVAGEOT offre le monologue d’une trentenaire, grande malade, qui découvre sa rupture amoureuse par lettre interposée. Melle SAUVAGEOT parle d’elle, de sa manière d’aimer et des termes même de sa rupture.




*source de la pochette de l’édition Phébus, « Maillot de bain, Izod » de George HOYNINGEN- HUENE… pour ces deux vues dans la même direction mais comme si différentes et jamais en harmonie.

Les « commentaires » reprennent les sentiments derrière l’amour. La fierté d’être avec l’autre, sans faire-valoir mais bien en complémentarité. Etre un couple, une création de relation, entre dialogue et confidences. Cette envie de garder tous les détails d’un moment passer sans l’autre pour les lui amener les sensations presque brutes ! Mais qui peut aussi passer par une incompétence à dire dans l’immédiateté l’émotion ressentie. Marcelle SAUVAGEOT juge son ami parti, comme elle l’a jugé dans leur relation. Oui elle a saisi, amoureuse, ses faiblesses, ses marques très déplaisantes comme on décortique un fruit convoité, pas par manque d’amour mais bien pour le connaître et devenir un défenseur acharné car compréhensif (mais pas loyal). Elle voulait tout découvrir, lui voulait se cacher… elle voulait même qu’il dévoile lui-même ses « petites laideurs ».

Mais c’est surtout un livre sur la rupture, la séparation de corps mais surtout d’esprit. La rupture est décortiquée : de cette absence qui permet d’objectiver un amour à notre propension à le détruire volontairement, voire même rationnellement, à ces excuses, prétextes, propos de commisération ou d’apaisement après la souffrance. Le monologue, avec aucune envie d’être lu par l’intéressé mais bien avec envie de se retrouver, décrypte les termes. Etre fait pour quelqu’un n’est plus comme une fatalité mais bien une action volontaire. La rupture ne nécessite pas retrouver les manques de l’autre mais pourrait se contenter de décrire ce qui ne convient plus, ce serait bien assez. Tout le livre marque bien cette souffrance d’avoir été quittée, elle ne voulait pas se battre pour ne pas être laissée mais ne pas rester par contrainte se voulait aussi, tout de même, rester tout de même. Et l’après rupture ? De l’amitié, de l’absence, de l’indifférence. Il s’agit d’une infidélité, pas celle de corps mais bien celle du sentiment… ne plus aimer n’est pas obligatoirement trahir, rendre l’autre plus faible. L’auteur ne veut pas de faux semblants, de mots d’apaisement, de consolations fabriquées ou de rapprochements après-coup. Sa notion de la rupture est comme la sienne du bonheur, claire et pertinente. Le bonheur peut être comme un parfum, il faut en distinguer les nuances, ne pas trop le saisir pour ne pas être écœuré, ne pas être grisé et ressentir l’incomplétude. Garder en chaque instant « un petit coin de conscience » pour voir le déroulement de la joie.

C’est un livre fort sur l’amour et l’amitié, sur notre capacité à être avec l’autre. « Notre amitié sera une très jolie chose à l’avenir ; nous nous enverrons des cartes postales pendant nos voyages et des bonbons au chocolat au Nouvel An. Nous nous ferons des visites ; nous nous dirons nos projets au moment où ils se réaliseront, afin de vexer un peu l’autre et de ne pas subir sa commisération en cas d’échec ; nous prétendrons être ce que nous croyons être et non pas ce que nous sommes ; nous nous dirons beaucoup de « merci », « excusez-moi », des mots aimables que l’on dit sans penser. Nous serons des amis. Croyez-vous que ce soit nécessaire ? ». Cela sonne vrai et que dire de mes amitiés après? Suis-je aussi persuadée de ce que j'en pensais .
Entre les lignes, aussi, ce dévoile un certain féminisme, ne pas être un objet dans le couple, ne pas être aimée par tout ce qui fait l’intelligence, l’originalité, la force d’une femme et rejetée parce que trop indépendante. Les quelques phrases contre les midinettes mariées aux conversations tournées vers leurs maris me rappellent étrangement les nouvelles de Dorothy PARKER, avec cette haine des femmes, des hommes, de ces relations amoureuses, consensuelles, tout en espérant y ressembler un peu tout de même.
Entre les lignes aussi, cette démarcation entre le monde des en pleine santé et des grands malades. Le dégonflement des moments précieux sans idée d’avenir… ce manque d’investissement de certains bien portants à envisager l’avenir par extrapolation. Marcelle SAUVAGEOT se raccrochait à cet amour aussi pour se raccrocher à l’autre monde, puis découvre au fil de ses écrits qu’elle se perdait aussi dans cette illusion de sentiments et que revenir à elle lui permettrait d’être elle et pas seule.

Une lecture à conserver près de soi quand il nous prend de ne plus savoir ce qu’est le sentiment… pas pour juger l’autre mais pour ce rendre compte de l’éphémère et du beau. Merci Lily de m’avoir mis l’eau à la bouche de cet amour déçu en pleine Saint Valentin .



Ajout du billet original sur mon principal blog: il y a une version lue par Fanny ARDANT, j'en rêve.



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