Un couple habite une maison louée, en voisinage d’un grand pavillon japonais traditionnel occupé par les propriétaires, entouré d’un immense jardin. Le chat du voisin vient par hasard chez eux, libre à jamais, et le couple adopte ce visiteur du quotidien qui rythme leur vie. Le déroulement des jours, des saisons et des années entre cette maison, le grand pavillon laissé à l’abandon suite aux vicissitudes de la maladie et de la mort, le jardin et le nouvel appartement.
Mais voilà, il s’agit de bribes de vie d’un poète et les personnages se retrouvent bien plus nombreux que nous pouvions le croire. Le chat, bien sûr, « J’avais même fini par croire qu’il était sensible aux métamorphoses invisibles du vent ou de la lumière», mystérieux, évanescent, visiteur éphémère du foyer de l’auteur.
Mais aussi ce jardin majestueux, à côté, en attente de l’attention d’un homme prêt à s’occuper de lui ou cette sente en zigzag, « le passage de l’éclair », chemin délimitant le voisinage et cloisonnant ces quelques maisons du quartier complet.
Et la maison occupée par l’écrivain est une véritable « boite noire qui ne reflète que les éléments essentiels », une maison japonaise aux panneaux de papier translucides ou opaques, mobiles ou fixes, aux ouvertures qui donnent accès à la lumière ou au vent. La vie s’y voit à l’intérieur et à l’extérieur, par le truchement des fenêtres, des fusuma (cloison mobile tendue de papier épais) ou des shôji (cloison coulissante dont le fin grillage de bois est tendu de papier) et le passage des vivants dans la sente. La tradition apparait avec ces rites : une pièce, anciennement dédiée à être un pavillon de thé, permet par sa fenêtre ronde d’admirer la lune… J’aime cette image d’habitat poétique, où l’intérieur et l’extérieur sont imbriqués, l’humain et la nature, les saisons, les contes aussi. J’ai eu une fugace hilarité en pensant à cet auteur en prise avec la contemplation du lapin battant la préparation de mochi et ne peux pas m’empêcher de penser à cet autre chat, sans nom, se battant, lui, avec le mochi confectionné .
*source d’un lapin (usagi) et son mochi sur la lune
Ou encore la vision de ce chat, venant dans la salle de bain pendant le bain de l'écrivain, qui devient le Sansuke (désigant autrefois le domestique chargé de chauffer l'eau du bain public ou encore de frictionner le dos des clients) "qui rince le dos et s'enfuit à la première goutte...".
Sous ses airs de nonchalance, de nostalgie, c’est une pensée pour l’ancien Japon, loin du béton, et de la poésie au quotidien : capturer un éclair (j’y reviendrais), faire de la géométrie pour ailier l’œil et le ressourcement, la consolation, choisir la liberté humaine et animale (qui comprend le fait de ne pas faire d’enfant).
Tout est déclenché par ce chat, Chibi, mi diablotin, mi dieu :
« Je me suis alors souvenu d’un passage du Nihonshoki décrivant le dieu de la chasse : Au pied d’un arbre à côté du puits, devant le portail, se tient un beau visiteur. Nul ne peut se douter qu’il n’appartient pas au commun des mortels. S’il venait du ciel, il aurait le visage céleste. Celui qui vient de la terre doit avoir un visage de la terre. Il était d’une telle beauté, serait-ce lui qu’on nomme Soratsuhiko ? ». Petit animal devenant fou pour des squilles, comme un enfant ou un animal sauvage…
*source neko et squilles de Benjamin SIEGEL
Et puis rien ne finit avec lui, si ce n’est que le chat (neko en japonais) est le protecteur de l’enfance au Japon…à vous de savoir lire entre les lignes si cela vous chante !
Vous voulez d’autres mises en bouche : Katell vous ouvre la porte de cette poésie, Arlette nous y parle de fragilité de l'instant et de non possession, Cathulu poursuit et ici, là et encore là vous aurez d’autres chemins de lecture.
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