mercredi 8 avril 2015

NonNonBâ

Je me plonge volontiers dans des bandes dessinées ou romans graphiques autobiographiques. Il y a souvent du contenu. "NonNonBâ" n'était pourtant pas une lecture où je comptais y retrouver une vraie vie et pourtant Shigeru MIZUKI nous parle de lui enfant dans ce japon rural.

©  Shigeru MIZUKI / Cornélius

NonNonBâ est la grand-mère paternelle. Femme d'un moine bouddhiste vivant de la générosité des habitants, elle devient veuve et d'une extrême pauvreté. Elle est accueillie chez son fils et en échange du gite et du couvert, pour ne pas manquer de respect à cette vieille dame, s'occupera de la maison et des trois fils, dont Shige-san l'auteur.
Shige-san appartient à une bande de gamins. Des bagarres, des prises de pouvoir se succèdent avec des défis surhumains. Mais c'est aussi un garçon émotif et rêveur: il dessine tout le temps et est très impressionnable. Par ses relations aux copains, aux frères mais aussi aux petites voisines, Shige-san grandit.

©  Shigeru MIZUKI / Cornélius

"NonNonBâ" présente l'enfance du môme. Ses occupations, ses émotions et ses prises de position. D'un trouillard, il devient courageux. D'un garçon pour qui la présence des filles rend faible, il devient leur confident et ami. La différence sexuelle, mais aussi une certaine séduction et puis une compréhension de l'autorité et de la place des femmes dans la société.
Ce très gros manga apporte une vue du Japon très particulière. Le parti-pris éditorial de garder les onomatopées en japonais (avec traduction en dessous) et de nous livrer un index approfondi, offre une impression d'authenticité. La société se voit dans ses rapports de force, dans sa bienveillance aux pauvres mais aussi cette charité ordonnée, contre service. La ruralité mais aussi le rapport aux religions, aux système éducatif, aux nouvelles technologies, aux traditions, aux apports d'autres nations et à la culture se vivent avec des yeux d'enfants. Le père échange sa vie bien rangée contre une autre offerte à la distribution de la culture cinématographique de son pays.
Et puis il y a NonNonBâ. Cette vieille femme, prieuse, offre ses prières contre obole, ses services contre gite. Elle est l'âme de cette enfance. La part de tradition et de folie. Elle est l'incarnation de la mythologie japonaise: elle croit dans l'existence des yokaï, ces esprits de la nature ou des situations. Tout le récit est alors parsemé de rencontres fantastiques et impressionnantes. Shige-san se pétrifie, apprend à les reconnaitre, à les dissuader de le perturber ou les dessine.

©  Shigeru MIZUKI / Cornélius

Le tout donne un manga jubilatoire, plein d'humour et de fantaisie mais qui ne laisse pas les belles réflexions de côté... par exemple l'émotion due au deuil d'une des amies du héros: le voyage dans le dix mille milliardième monde.

©  Shigeru MIZUKI / Cornélius

Le trait est vif et très stylisé: l'auteur se dessine en garçon grassouillet, il prend plaisir à un détail des architectures et des intérieurs (beaucoup de scène aux bains baquets, du peut-être à la présence du yokaï Akaname, "Lèche-crasse") et nous montre tout son pouvoir de sensationnel dans les esprits dessinés. Et après quelques pages un peu déconcertée par cette vieille femme ridée et toujours grimaçante, je confirme: je l'adore!

©  Shigeru MIZUKI / Cornélius

J'avais envie de le lire depuis très longtemps sans même connaître l'auteur, sans même savoir qu'il était question des yokaï. Et pourtant nous nous sommes penchés sur eux, amateurs que nous sommes de dessins animés japonais et de leur mythologie. Les êtres de la nature... dans la forêt de Miyori, dans les bois de la princesse Mononoké (ou autre Miyazaki), dans l'eau avec le kappa Coo.
Et puis c'est faux: je connaissais l'auteur par ses illustrations d'un dictionnaire des yokaï où nous pouvons les voir... même leur intérieur.


*le kappa selon Shigeru MIZUKI

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