dimanche 3 juillet 2016

"Et on se saute dessus. Comme deux chats qui se battent. Jusqu'au sang." - Guadalquivir


"Parce qu'on aurait pu continuer comme ça toute la nuit. Jusqu'au petit matin. A se battre sans fin. Et pas un de nous deux n'aurait abandonné. Parce qu'on le sait maintenant: on est pareils tous les deux. Écorchés l'un et l'autre. Je réalise pourtant que Kenza vient de me sauver la vie. Alors ma main cherche la sienne. Et, comme un signe de paix, nos doigts se mêlent. Et le souffle court, l'un contre l'autre, nos corps se serrent pour se réchauffer. Nos yeux pleurent. De ne pas pouvoir dire ce qu'ils voudraient. Toute la rage qu'on a. Et tout l'amour qu'on a. Tout ce feu, toutes ces flammes qui restent bloqués là, à l'intérieur. Toutes ces braises qui nous déchirent et sur lesquelles on ne peut pas mettre de mots sans saigner. Parce que cette vie fait de nous des animaux, privés de paroles et la bouche pleine de crocs. Des bêtes féroces qui mordent la main qui se tend. Parce qu'on a grandit trop vite avec au milieu de nous un grand vide brûlant. Alors on se serre et on se réchauffe. Et on pleure et on rit. En même temps. Comme le soleil et la pluie."

(extrait de "Guadalquivir" de Stéphane SERVANT, Scripto Gallimard; source photographie Lauren WITHROW)

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