"Parce que le coiffeur n'avait pas osé dire "non", lui. Elle, si. Elle avait dit "non" de tout son corps et de tout son poids, le dos droit, le corps ancré au sol.
Elle avait dit "non" avec ses yeux grands ouverts qui voyaient le ciel - personne ne pouvait l'en empêcher -, les goélands, les nuages et, à travers le battement de ses cils, les fourmis sur le pavé, d'autres insectes caparaçonnés dont elle ignorait le nom mais qui, à cet instant, la passionnaient follement parce qu'ils l'emportaient dans leur monde minéral et souterrain. Un monde où un grain de poussière pouvait provoquer de véritables éboulis tandis que les catastrophes humaines devenaient, à l'échelle de ces insectes, des mythes.
Elle avait dit "non", mâchoire serrée, entre ses dents. Elle avait dit "non" adossée à sa chaise avec la barre cintrée qui lui sciait les omoplates, imprimait un sillon dans ses chairs.
Surtout, Maria Salaün avait dit "non" avec la robe blanche de fiançailles de sa mère.
Parce qu'on pouvait dire "non" de toutes ses forces, sans crier."
(extrait de "La chaise numéro 14" de Fabienne JUHEL, éditions Rouergue)
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