Maria Salün n'a pourtant pas fait grand chose. Juste tomber amoureuse d'un homme. Qu'il soit lieutenant allemand en période de guerre n'est qu'un détail. Non. Aux départs des occupants ennemis, Frantz s'en va, la laisse seule sans promesse. Et les français demandent réparation. Sur une chaise numéro 14, empruntée au restaurant paternel, Antoine va officier la tonte.
Elle aurait pu arriver honteuse, penaude sur son échafaud. Non, elle n'a pas trahi. Seuls leurs cœurs (français et allemand) ont réagi et seul le contexte leur donnait tord. Elle arrive dans la robe de mariage de sa défunte mère, cheveux roux tombant sur ses épaules. Cette apparition trouble même ceux venus se rincer l'oeil.
Et puis Maria dit non, à l'injustice de cet acte mais aussi à cette honte qu'elle serait obligée de porter dorénavant. Elle va réclamer sa dignité, un pardon, en procession puis en silence, yeux dans les yeux. Ils sont sur sa liste. Dans sa quête, Maria trouvera des amis, des soutiens, des pardons.
"Toutes les tondues n'appartiendraient donc pas à la même espèce? Il y
aurait, parmi elles, des fleurs sans pétales et tout en tige, d'autres
telles de grandes herbes, des folles avoines, des blés, des oiseaux à
tête déplumée? Serait-on oiseau, herbe ou fleur selon sa nature ou bien
selon son degré de compromission avec l'Allemand?" L'écriture de Fabienne JUHEL ne se contente pas de nous proposer le thème des tondues mais celui des convenances, des prises de décisions faciles et des à-priori.
Maria est magnifique, auréolée de sa chevelure de feu, mais aussi sans, le crane chauve et les yeux fougueux de vengeance. Elle est le charme, la sensualité, la femme non atteignable, l'innocence de celle qui n'a pas perdu à la guerre sans jamais sacrifier les autres. Elle est le symbole de frustrations.
Les tondues sont les victimes d'un acte de rébellion après-coup. Les réactions à la guerre, la haine, la peur ou la passivité prennent des formes d'agressions gratuites variées. Avec une héroïne sans culpabilité, l'auteure nous parle de cette injustice des discriminations (de traitements en fonction de la couleur de peau aussi).
Maria ne demande pas le pardon aux seuls acteurs ou spectateurs consentants de l'acte d'épuration, elle va chercher ceux qui alimentent la haine quotidienne ou qui restent passifs.
Et puis il y a cette réflexion sur le pardon, sur la honte. Ce cheminement aussi sur ce que nous subissons des autres et les blessures que nous choisissons de refermer.
Comme toujours Fabienne JUHEL offre avec ce nouveau livre "La chaise numéro 14" un roman fort et une écriture charnelle, sensitive et impressionniste magnifique.
Merci aux éditions Rouergue et à l'opération Masse critique Babélio.
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