"Le premier printemps d'Ursula s'était déployé. Couchée dans son
landau sous le hêtre, elle avait regardé les jeux de lumière dans les
feuilles vert tendre lorsque la brise faisait délicatement osciller les
branches. Les branches étaient des bras et les feuilles comme des mains.
L'arbre dansait pour elle. Fais dodo, mon bébé, tout en haut de
l'arbre, lui fredonnait Sylvie.
J'avais un petit arbre qui ne voulait donner qu'une noix de muscade argent et une poire d'or, chantant Paméla en zézayant.
[...]
Des
branches nues, des bourgeons, des feuilles - le monde tel qu'elle le
connaissait défila sous les yeux d'Ursula. Elle observa les changements
de saison pour la toute première fois. Elle était déjà née avec l'hiver
dans les os, puis vint la promesse vive du printemps, les bourgeons qui
gonflent, la chaleur indolente de l'été, la moisissure et le champignon
de l'automne. Elle vit tout cela du point de vue limité de sa capote de
landau. Sans parler des embellissements quelque peu aléatoires apportées
par les saisons - le soleil, les nuages, les oiseaux, une balle de
cricket égarée dessinant silencieusement une courbe au-dessus de sa
tête, un arc-en-ciel une ou deux fois, la pluie trop souvent à son goût.
(On tardait parfois à la sauver des éléments.)
[...]
Le
landau était dehors par tous les temps car Sylvie avait l'obsession de
l'air frais, héritée de sa propre mère, Lottie, qui avait dans sa
jeunesse séjourné dans un sanatorium suisse, passé ses journées assise
dehors sur une terrasse, emmitouflée dans une couverture, à contempler
passivement les cimes enneigées des Alpes."
(extrait de "Une vie après l'autre" de Kate ATKINSON, édition Livre de poche; peinture d'Akseli Gallen-Kallela)
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