"Tu es assurément la plus belle, ô Calypso. Je n'y avais pas songé, mais oui, bien sûr, le visage de Pénélope a dû vieillir. Son corps aussi. C'est une femme, pas une déesse comme toi. Pour autant, ne le prends pas mal, je préfère la retrouver, elle. Chacune de ses rides me racontera une histoire, celle de la vie. Ses rides me parleront de son immense douleur et de la mienne à vivre séparés l'un de l'autre; certaines auront été creusés par ses larmes. Sans doute me croit-elle mort. Je veux que d'autres rides se creusent sur ses joues, avec les larmes de joie qu'elle versera à mon retour. Oui, je veux que mes doigts caressent les plis de sa vie et qu'elle caresse les miens. Car nos cœurs, eux, sont sans rides. Personne ne me connaît mieux qu'elle. Pénélope comprend tout de moi, sait tout de moi, aime tout de moi. Elle est la mémoire de moi-même, ma seconde peau. Toi, tu chantes et tissent divinement, déesse, mais elle chante et tisse mon histoire et ma renommée. C'est infiniment plus précieux pour moi. Et puis, tu sais, l'immortalité que tu m'offres en restant ici à jamais avec toi est une autre manière de mourir... Si personne ne porte la mémoire de ce que je suis, je suis mort. Pénélope, elle, le fait jour et nuit. Elle est mon autre moi-même, ma moitié d’orange."
(extrait du "Feuilleton d'Ulysse" de Murielle SZAC, Bayard jeunesse; source photo AWTB)
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