lundi 22 septembre 2014

Les oiseaux

 
Et pourtant il en connaît des choses, lui la "Houppette" du village. Mattis, le narrateur de ce fabuleux "Les oiseaux" de Tarjei VESAAS, est un trentenaire un peu benêt. Il vit avec sa sœur Hege, seuls depuis la mort de leurs parents. Elle tricote dur, elle parle peu, elle doit faire vivre cette famille atypique.
Mattis est un solitaire. Il reste sur le pas de la porte, regarde cette forêt qui les entoure. Les cimes des deux hêtres morts, surnommés "Mattis-et-Hege" dans le village. Le ciel, les oiseaux, le lac. Son monde est là, dans cette nature et dans sa relation à sa grande sœur.
Elle voudrait qu'il travaille, qu'il propose ses services aux voisins. Alors il essaye mais ses pensées s'embrouillent et tout le terrorise, ses gestes sont alors encore moins surs et sa lenteur s'allie à des actes d'angoisse. Il ne peut pas. Ou si peut-être, être le passeur en barque.
Lui regarde les oiseaux, le passage des bécasses, les traces sur le sol, les champignons qui se liguent contre lui. Il se pose beaucoup de questions. Toute la nature semble présager la vie qu'il aura, du meilleur c'est sûr, les oiseaux le lui disent. De la mort peut-être aussi, à cause de ce chasseur ou de l'orage.


Les angoisses de Mattis sont importantes. Elles concernent l'amour fraternel, le respect, la survie sans Hege mais aussi le monde qui le sépare des autres. Il a peur de brusquer, de faire mal tout autant qu'il a peur de ne pas être compris. Et l'arrivée d'un bûcheron, dans la barque de Mattis, lui rappelle en quoi sa vie, seul avec Hege, peut être bousculée.
Il y a ces autres, les villageois, ceux qui ont, de toute façon, un avis sur lui. Une frayeur, une agressivité ou pire une convenance ou une indifférence. Il n'est pas un enfant et ne veut pas être l'ahuri.
Et puis il y a les filles. Les pensées et la sensualité de Mattis ne le laissent pas libre, même en semaine. Comment faire pour se faire remarquer sans être "La Houppette"? Comment faire pour se révéler et être auprès d'Anna et Inger, insouciantes, sans à priori sur lui.

Tarjei VESAAS nous livre ici toutes les réflexions, les confusions et les concessions que ce héros attendrissant vit pendant quelques mois. Mattis est conscient qu'il va y avoir du changement. A sa manière, il s'y prépare.
Mais toutes ses rêveries et sa manière d'appréhender le monde ne l'aident pas à s'insérer dans la vie des autres. Il les voit sous le prisme de leur commisération et souhaite, lui, n'être qu'un homme. Il se présente mais la réaction défensive des autres et leurs propos peuvent être pris comme une atteinte, une agression.

Pendant tout le livre nous avons peur, peur pour les personnes qui croisent sa route: de quoi est-il capable? Est-il dangereux? par trop de sensibilité, incompréhension du monde ou auto-défense. Et peur pour lui. Cet homme semble si fragile certaines fois. Il a peur de l'orage, non?! Ou serait-il le plus courageux, en fait.

N'hésitez pas à lire ce billet sur Tarjei VESAAS. Et les avis sur Babelio de Sylvie (entre autre).

2 commentaires:

  1. J'ai vu une sublime adaptation théâtrale de ce texte à la Comédie de Béthune.

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  2. Mirontaine: cela doit être très bouleversant, de voir ce lent processus de dévastation en scène. ;)

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