"Tout ce que le monde extérieur provoquait en moi,
je pouvais finalement l’exprimer au moyen de quelque chose à ma portée :
l’Encre. En effet, chaque matin j’étais tenu de préparer l’encre pour
l’exercice de calligraphie, en tournant longuement le bâton dans la
large pierre emplie d’eau jusqu’à ce que cette dernière fût d’un noir
onctueux. J’en connaissais la saveur. Une fois le liquide prêt, je ne me
lassais jamais de ce moment où, pour tester son épaisseur, je posais
librement le pinceau pleinement imbibé sur le papier fin et translucide,
lequel résorbait vite l’encre tout en se laissant « irriguer » un peu.
Puis,
durant de longues minutes encore, elle conservait sa fraîcheur lustrée
comme pour montrer son contentement de ce que le papier, consentant et
réceptif, acceptât de la savourer. Cette magie du papier qui recevait
l’encre, les Anciens la comparaient à la peau d’un jeune bambou
légèrement poudreuse qui reçoit des gouttes de rosée. Moi, je la
comparais volontiers à la langue de quelqu’un en train de goûter un de
ces fins gâteaux de farine de riz et qui sentait le morceau fondre sur
elle en y laissant une saveur qui ne semblait plus vouloir disparaitre."
(extrait de "Le Dit de Tianyi" de François CHENG, source photo d'un fabricant de bâtons d'encre -sumi-, à lire pour des précisions comme la saison)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire