Je ne savais pas de quoi il s’agissait : un « legal thriller » me ferait-il trembler comme une feuille morte sous la tempête ? Aurais-je des sueurs froides ? J’avais un peu peur. J’avais découvert il y a peu de temps que mes lectures adolescente étaient très « policières ». J’avais pris beaucoup de plaisir à l’époque et puis je me suis arrêtée de lire ce genre. « Les raisons du doute » de Gianrico CAROFIGLIO me donne envie d’y revenir.
Le narrateur, Guido GUERRIERI, est avocat et est appelé à défendre un fasciste. Normalement Guido ne choisit pas plus que cela ses clients. Mais ici il s’agit d’une ancienne connaissance, jeune homme, il en a été victime. Sans compter que son client a une femme charmante, Natsu, qui le met dans tous ses états. Prendra-t-il cette affaire ? Bien-sûr.
Nous suivons cet avocat tout le long du procès. Outre les plaidoiries qui en elles-mêmes sont intéressantes, il s’agit bien de toutes les réflexions de cet homme qui se veut intègre et honnête. Le cas théorique édicté au tout début de sa carrière se présent : un vieil homme sans le sou (ici un homme dont il aimerait se venger) a une femme charmante. Prend- t-il l’affaire ? Se paye-t-il en nature auprès de la femme ? Là, la femme est charmante, métisse italo-japonaise, aux manières retenues et à la note âpre de parfum.Et même si « l’humiliation et la peur sont les sentiments que l’on oublie le plus difficilement», Guido ne sait comment faire. Avocat pénaliste, il se doit d’être sans expression de jugement sur ses clients. Prendra–t-il le temps de regarder au mieux cette histoire trouble, car derrière son envie de vengeance, il s’agirait peut-être d’un complot turque contre son client.
Tout le travail de l’avocat nous est dévoilé avec un grand plaisir : les réseaux avec les collègues, les substituts du procureur connus lors des formations à la fonction, la police et les détectives secrets ; le contact gardé avec les anciens clients ; les méthodes de travail (lecture du dossier, enquête, délai de justice, contextes importants, les persuasions) ; les locaux de la justice (prison mais aussi sous-terrain des accusés au tribunal.
L’écrivain donne beaucoup de ses pensées, peut-être très personnelles car lui-même avocat anti-mafia. Des détails sur le vocabulaire employé pour éliminer la gène, aider et soutenir professionnellement sans s’investir. Et aussi des détails réalistes et sympathiques : des notes dans les dossiers sur des post-it remplis d’obscénités car plus les gros mots sont présents plus son cerveau fonctionne à grande vitesse.
C’est un avocat mais surtout quelqu’un de bien. On le lui dit et il aimerait le croire. Les chapitres sont en fait toutes ses réflexions, ses positionnements sur l’affaire et sur cette aventure avec la femme tant désirée. Il est désabusé de son métier, nous montre les signes de rupture, envie la jeunesse, leurs débuts dans la professions et les « opportunités infinies qui s’offrent à eux ». Et cette femme est si belle, c’est si tentant de profiter du bien de l’homme détesté. En plus, elle offre cette étape dans la vie de cet homme cultivé et intelligent : la reprise de sens.
Parce que sous cette affaire judiciaire, il y a toute une personnalité en creux et déliés. Un homme intelligent, boxant pour prendre confiance en lui, adorant le jazz et la littérature et rêvant d’une autre vie : celle de père et d’écrivain. Natsu, elle, offre une illusion de famille avec sa fille mais aussi un pont vers les propres désirs de vie du narrateur.
Une première approche de l’acte d’écrire apparait. Cette culture littéraire et sa faille si connue, si impertinente et si assumée. Ces envies de recherches, d’exercices de style, de propositions (la « manumission des mots » par exemple). Les pages offrent de très belles références littéraires, « Les belles endormies « de Yasunari KAWABATA, un poème de Robert BURNS et son « attrapeur de la seigle » par exemple. Nous entrons dans une librairie magique, ouverte la nuit. Le jeu des vœux, au nombre de 3, énoncés à voix haute pour les deux premiers (le dernier restant secret) est fabuleux. Les voeux se doivent d’être parés d’une couleur très très précise et nommé (même à l’aide d’un nuancier professionnel) pour avoir la force de persuasion nécessaire.
Un point important reste aussi ce client, dénommé fasciste. L’est-il vraiment ? La vie modifie-t-elle les caractères et affinités ou est-ce que derrière les apparences il nous faut bien regarder, au risque agréable d’être surpris par une intelligence, un à-propos et une affinité à nos propres valeurs.
Hier, j'hésitais à le sortir de ma bibliothèque, aujourd'hui, je n'hésite plus!
RépondreSupprimerMirontaine: je te l'envoie cette semaine!
RépondreSupprimerOh, heureusement je suis repassée par ici! Mango me l'a fait parvenir. Merci pour cette gentille proposition.
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