Ma lecture est partie de rien. Je n'avais pas lu "Le petit prince cannibale", récit de cette maman aux prises avec son fils autiste, encore uniquement dans son monde, et la société incapable de les aider. Je n'avais pas lu "L'empereur c'est moi", le récit de ce même enfant devenu adulte sur son enfance.
Je commence ainsi "Carnet d'un imposteur" d'Hugo HORIOT avec juste ce qu'offre là cet homme, dans les médias et sous la plume.
Hugo se dévoile par courts chapitres.
De cet enfant "atypique", qui ne parle pas. De celui que sa maman traine pour être parmi les autres, à la crèche, au parc, à l'école. De celui qui subit un monde qu'il ne comprend pas.
De ce jeune homme qui se construit une face, multiple mais surtout belle et aimable pour mieux se préserver et prêt à sortir les crocs si besoin est. De cet homme cherchant la maîtrise, de son art d'acteur, de cette couverture médiatique mais aussi de séducteur au monde et aux femmes. De cette sensibilité accrue, de ce désir qui n'accepte pas l'attente.
De cette faille nouvelle qu'est la paternité. Une possible blessure, une prise de risque, un nouveau défi pour découvrir son monde et ne pas jouer.
Mais ce n'est pas juste un témoignage. C'est une prise de position. Forte. L'homme est en réaction permanente, aux aguets, sur la défensive ou à l'attaque. Il a dû tuer l'enfant qu'il était, Julien. Il en est l'assassin, cet enfant sans parole, qui ne trouvait qu'incompréhension dans le regard des experts et pour qui le monde n'était pas déchiffrable. Sa naissance s'est fait par la violence. Il a choisi son entrée au monde ennuyeux des neurotypiques. Ne pas juste parler mais maîtriser le langage pour s'adapter. Refuser de s'intégrer mais forcer les autres à faire avec lui. Il parait sûr de lui, peut-être même affable mais c'est juste pour mieux nous observer. Cela peut être violent à entendre pour nous, autour d'enfants ou d'adultes comme lui, mais c'est tellement salvateur, pour eux.
"A Hugo maintenant de s'inventer une image, de porter un discours et de devenir une personne digne d'intérêt en adéquation avec la comédie sociale. Suffisamment dangereux et invisible: un monstre d'adaptation. Un monstre que personne n'enfermera et qui, un jour lointain, te protégera. Julien. Lui qui voulait juste rester un monstre aux yeux du monde.
Julien se rêvait en dragon. Hugo se rêve en homme. Ni Julien ni Hugo ne voulaient être un enfant."
Ce fut dur de parler de ce livre intense. Trop de choses à dire. Intense car de voyeur(s) que nous aurions pu être, nous devenons confident(s) interposé(s) et aussi presque dindon(s) de la farce.
Non, ce n'est pas un livre coup de poing, juste une claque pour ne pas avoir pris en compte la différence.
Merci aux éditions L'iconoclaste et à l’opération Masse critique de Babelio.