Elle porta la main à son front, qu'elle sentit brûlant.
Le lycée.
Depuis l'époque du lycée, elle ne se souciait plus du tout si on la traitait ou non de pute. Au lycée, ce mot était la pire insulte qu'une fille pouvait recevoir, et ce mot était partout. [...] - et ce mot lui était vraiment associé, il était lié à son corps et à ses courbes, à ses rêves et à ses désirs... Quelque chose qui avait à voir avec son essence même, avec l'essence sexuelle de qui elle était en train de devenir - une créature physique, avec ses cinq sens en éveil, mise à nu, exhibée, et condamnée.
[...]
Pute.
Miraculeusement, soudain, le mot avait disparu. Ce mot ne voulait plus rien dire du tout. Et puis elle s'était mariée.
Et maintenant... Maintenant, c'était presque un compliment, se rendit-elle compte, avec un demi-sourire.
Une femme de quarante ans, en survêtement gris, derrière sa pimpante maison de bois, qui venait juste d'aller conduire sa fille à l'école, qui avait laver la vaisselle du petit déjeuner, avec le capot de son véhicule encore chaud dans le garage...
Une maman d'élève, que quelqu'un avait pris le temps de traiter de pute.
Elle ne rit pas vraiment, mais sourit quand même."
(extrait de "La vie devant ses yeux" de Laura KASISCHKE, Points; et Meryl Streep dans "Out of Africa", rien à voir avec cet adjectif mais bien avec cette essence même, qu'elle ne perd pas avec l'âge, sensuelle toujours)