mercredi 30 novembre 2011

L'Enfant- Phoque

© Nikolaus HEIDELBACH / Les Grandes Personnes

"L'Enfant-Phoque" de Nikolaus HEIDELBACH est l'interprétation d'une légende.
L'enfant adore nager sans jamais avoir appris. Il habite avec ses parents près de la mer. Son père est marin et part souvent pour la pêche, sa maman reste à la maison, occupée à la rendre propre et ne mettant jamais les pieds dans l'eau. Le garçon lui y court dès qu'il a fini d'aider à la maison et que son père revient de ses quelques jours en mer.
Mais à la maison, la mer est le sujet de conversation: la maman raconte toute la faune te la flore sous-marine... comme des histoires. Un phoque viendrait sur terre, retirerait sa peau pour devenir humain.

© Nikolaus HEIDELBACH / Les Grandes Personnes

Ce petit livre pour enfant apporte une fascination pour la mer. Nikolaus HEIDELBACH offrent des illustrations magnifiques et fantastiques de la faune marine. La légende prend alors des couleurs très sombres, la mer semble comme le noyau de gravitation... une attirance vitale.
L'histoire aussi propose une vision des concessions d'une vie, des besoins vitaux. Il n'y a pas à dire, entre les mots, l'auteur parle fort, vrai... et ces personnages singuliers ne laissent pas indifférents.

© Nikolaus HEIDELBACH / Les Grandes Personnes

Je découvre cet auteur/illustrateur par ce livre mais son univers m'avait déjà bien titillée présenté par Sylvie Van Der Linden.
Un superbe billet vous attend pour vous mettre encore plus dans cette ambiance.

vendredi 25 novembre 2011

Tout pourrit !

J'aime beaucoup cet album que je n'ai jamais eu en mains. "Tout pourrit !" de Hirotaka NAKANO raconte la décomposition de ce qui sent bon d'habitude: la nourriture à table.

De ce repas fabuleux, aux odeurs qui donnent envie de dévorer, les restes deviennent des détritus, des aliments pourris. La maman explique ainsi l'importance du retrait des déchets de manière régulière mais aussi le compost.
Le dialogue entre la mère et la fille amène à la décomposition organique dans le sol, l'explication du rôle de la microfaune et ce cycle des éléments nutritifs de la chaine alimentaire, des restes organiques, aux micro-organismes, aux plantes, aux animaux... et ce cycle qui perdure depuis des millions d'années.
C'est toute une histoire de recyclage, autant des détritus que des êtres vivants, le cycle de la vie expliquée ici aux plus petits.

Très très belle proposition où les illustrations montrent bien en coupe tout ce qui est dans la terre et se décompose pour donner la vie. L'album est disponible en noir et blanc en suivant ce lien.

jeudi 24 novembre 2011

Le monde de Marcelo


"Le monde de Marcelo" de Francisco X.STORK vient poursuivre mes lectures sur l'autisme. Le thème des failles, surtout lors de l'enfance, me tente toujours mais cette différence au monde m'interpelle encore plus.

Marcelo, adolescent autiste atteint du syndrome d'Asperger, passe sa scolarité dans une école spécialisée équestre Paterson qui regroupe des enfants à handicap autour de poneys. Marcelo est heureux, un petit poney est né il va pouvoir s'en occuper, le rendre adaptable au porté d'enfants différents. Cet été, il sera palefrenier pour l'école et il s'en fait toute une joie.
Mais en revenant d'un de ses rendez-vous à l’hôpital avec son neurologue, son père, Arturo, lui impose de passer l'été à travailler dans son cabinet d'avocats au service courrier. Il va devoir se confronter à la vraie vie.

Marcelo nous parle de cet été et de ce que cela bouleverse chez lui.
"- Mais cet été, tu dois te conformer aux règles du... monde réel. - Le monde réel... Je répète ces trois mots après Arturo, son expression préférée. - Oui, c'est ça, le monde réel. Si vague et large soit cette expression, je sens ce qu'elle signifie ainsi que les difficultés qui vont avec. Me conformer aux règles du monde réel, cela veut dire, par exemple, engager de petites conversations avec les autres. Cela veut dire éviter de parler de ma passion particulière. Cela veut dire regarder les gens dans les yeux et leur serrer la main. Cela veut dire faire des choses "au pied levé", comme on dit à Paterson: faire des choses qui n'étaient pas prévues au programme. Cela peut impliquer d'aller dans des endroits que je ne connais pas, des rues pleines de bruit et de désordre."

Cet été-là, il se confronte aux autres sans la protection d'un entourage préparé, d'une institution ou d'une adaptation. Au cabinet effectivement les collaborateurs ne prennent pas de gants avec lui. Jasmine, sa chef, semble pourtant lui préparer son organisation de manière respectueuse. Marcelo sort de sa "zone de confort" et expérimente les relations humaines.
Son père voulait absolument le sortir d'un chemin spécialisé, balisé pour son handicap. Il voulait lui permettre de relever le défi de la vie, peut-être aussi par déni des conséquences du syndrome asperger. Mais justement, le cabinet est un lieu de travail mais aussi un espace privilégié de stratégies, de complots, de petites omissions, de compétitions.

Marcelo travaille, avec minutie, presque lenteur, sans bien comprendre les aboutissants de ces relations humaines particulières. Cependant certains événements vont venir le chambouler, lui trop honnête et presque jusqu'ici naïf : les fausses amitiés, les chantages mais aussi les intérêts du client et tout ce qui peut intervenir dans les interrelations humaines viciées.

En découvrant une photo à charge dans un dossier, Marcelo découvre l'envers du décor d'un cabinet d'avocat. Touché par ce drame et cette fêlure, il va prendre position, enquêter, se mettre en danger et remettre en question ses propres acquis affectifs.

Très centré sur sa "passion particulière", la religion, les textes sacrés mais aussi les réflexions, les personnage, avant cet été, il se découvre plus incarné dans la vie des autres.
Son été va lui demander d'aller encore plus loin dans sa compréhension des choses. Le sexe apparait comme aussi prégnant par les suppositions des autres. Et même si la réflexion de son amie, le rabbin, l'aide à concevoir ce que les relations intimes ont de beau, de bien mais aussi de potentiellement mal dans l'abus fait à l'autre, Marcelo va expérimenter dans les yeux d'un autre le désir et dans sa chair les premiers émois... et la première amitié sans relation avec sa passion particulière.

C'est l'étape vers une autonomie d'adulte, vers des prises de position dans un monde avec heurts que nous présente l'auteur. Et oui, ce livre est fort, intense, respectueux et aussi très vivant.
Lily en a fait un magnifique billet là, merci encore pour la lecture (et relecture).

vendredi 18 novembre 2011

Dessiner le monde: Histoires de géographie

Reprise d'un ancien billet sur mon blog principal
Ce très beau livre « Dessiner le monde, Histoires de géographie » de Caroline et Martine LAFFON est une merveille.

La lecture ne se fait pas d’une traite, le livre est pourtant compartimenté. Il fourmille tellement d’indices, de références et d’illustrations, de niveaux de lectures à décrypter que le passage d’une page à une autre peut paraitre comme une précipitation. Mieux vaut encore prendre une double page (illustration et texte) par-ci par-là. J’ai mis un temps fou pour faire ce billet, presque embrouillée par les multiples lectures proposées. Le livre passe par la notion de géographie, avec l’histoire de la discipline, de ces principaux acteurs et leur stratégie et erreurs, pour certaines volontairement conservées sur les cartes. Mais aussi il nous offre une histoire de nos perceptions : de la cosmogonie, des mythes et légendes, à un positionnement terre entourée de mers, terre et mers entourées de ciel, terre plate ou globe. Il est aussi possible d’y lire les colonisations, les chemins pour acheminer les ressources d’autres pays (route de la soie par exemple), les batailles et toutes les cartes d’espionnage. La philosophie a une part importante dans notre conception du monde. Alors entre calculs, cadrillages, mais aussi stratégies politiques, religieuses, mises en valeur d’un patrimoine, le livre nous ouvre de multiples voies en suivant les siècles, les hommes, les explorations et les découvertes ou l’histoire des outils d’arpenteur, boussoles, compas maritime, sextants, roses des vents, lunettes astronomiques.
Les interrogations face au monde sont universelles, ce livre nous montre que les réponses sont, elles, multiples, raisonnées ou fantasmées.

Un point central, un nombril : De cette mise en évidence des lieux très hauts, des montagnes, comme lieu stable et résistant aux changements. La cartographie est le tout début d’une description cosmogonique, représente aussi la position occupée par les commanditaires ou l’organisation du religieux, du politique ou du familial. Le paysage peut aussi être un corps, toutes les cultures ont aménagé un centre, un nombril du monde selon les religions… par exemple la Kaaba à La Mecque pour les islamistes.
Les premières cartes de positionnement sont aussi des cartes dessinées et sacrées. L’oralité est encore de mise dans la description des chemins à prendre, les cartes plus individuelles suivent mais sont à usage immédiat, il faudra encore attendre pour l’arrivée des plans (avec une très belle précision sur la ville de Tokyo par exemple). Les cartes permettent de s’orienter mais aussi de raconter une histoire. Selon les cultures, certaines cartes dessinées ne servent pas à refaire le chemin (en Chine par exemple, la conception de la peinture suppose de mettre en avant, en relief, les obstacles, ou les chemins et les cours d’eau de manière peu distinguables, ou un aller et une autre couleur pour le retour sans précisions.

La cartographie est comme la mémoire de nos visions du monde et chaque détail, le choix de mise en valeur, les codes culturels, les couleurs, rappellent un élément, une stratégie, une histoire, une découverte. Des mots reprennent de leur sens : la terre inconnue était appelée Antichtone et ses habitants marchant les pieds en l’air, les Antipodes. Mais l’Arctique et l’Antarctique reprennent une autre saveur aussi ainsi que l’arpenteur (par exemple au Moyen Age ) ou le portrait (vue des villes au XVième siècle).

Par la terre, connue, et ensuite les terres approchables par la mer, les océans et les étendues d’eau et enfin le ciel. L’eau qui entourait principalement la terre connue devient aussi un élément important, les lacs, les cours d’eau. Les « grenouilles autour d’une mare », explorateurs de la mer méditerranée, ne sont plus les seuls à prendre en compte ces voies maritimes. Là aussi les codes culturels changent, la couleur de l’eau dépend de sa densité, sa clarté mais aussi peut dépendre d’une histoire qui a eu lieu à cet endroit (exemple massacre avec une eau rouge).

Ce livre est foisonnant et j’ai pris un immense plaisir à suivre cette ethnologie de la représentation géographique. Les erreurs dans les cartes d’Amérique car les Indiens aidant à leurs conceptions marquaient de la même manière les cours d’eau et les routes pour eux des voies de communication aussi praticables les unes que les autres. Mais aussi ces repères différents sur un chemin : des cornes de yack au Tibet pour marquer les points d’eau et les camps possibles, des mouvements d’eau sur les rochers en Polynésie. Ces traces de pieds pour montrer le sens unique sur les cartes d’Amérique latine.


manuscrit nahuatl
Ou ces différentes interprétations des mesures de notre environnement, du ciel par exemple : « Pour les Mongols, peuple de cavaliers, la Polaire c’est le clou d’or où sont attachés les chevaux dans le ciel. »

Les cartes, véritables invitations aux voyages, sont aussi de véritables preuves d’égoïsme, de volonté combattive… chacun veut être au centre, veut rivaliser, veut vaincre. Que ce soit en écoulant des anciennes cartes erronées mais élogieuse pour un peuple ou un géographe, astronome ; une carte fantasmée pour prouver les ressources de la terre inconnue et ce mythe de l’accueil à bras ouverts des populations autochtones ; en se représentant au centre, l’Empire du milieu, la Chine, et ses premières découvertes révélatrices ; ces villes repérées, répertoriées voire classées avec des codes culturels différents mais souvent une vision plate, neutre (sans indice ethnique ou social ou de fluidité de circulation) ; ces synthèses des activités humaines (champs par exemple) pour le compte des plus grands ; ces cartes de type judiciaire peintes pour preuve lors d’un éventuel procès pour héritage. « Il faut savoir regarder quelle fiction se joue derrière les cartes. » C’est toute une philosophie de vie qui se découvre aussi en les regardant une par une.

Merci encore à Babélio et à son opération Masse critique, ainsi qu’aux éditions SEUIL pour ce superbe ouvrage qui me demandera de multiples lectures pour découvrir toutes ces merveilles. Une autre page est ouverte .
livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.com


jeudi 10 novembre 2011

Apolline en mer

© Chris RIDDELL / Milan Jeunesse

"Apolline en mer" de Chris RIDDELL n'est pas le premier de la série des enquêtes d'Apolline et de son ami Monsieur Munroe mais cela n'a que peu d'importance.

C'est un vrai plaisir de suivre ces petites histoires qui allient des bulles de bande dessinée, des zones de texte et aussi de nombreux focus comme un carnet de bord. Nous partons à l'aventure avec une petite fille très originale. Elle est espiègle, malicieuse, truculente dans ses costumes et joue, enquête, lit avec son compagnon Mr Munroe rencontré dans un marais humide par les parents et ramené chez eux.

© Chris RIDDELL / Milan Jeunesse

Ce matin, Mr Munroe met les lunettes vertes et toute la journée voit des choses étranges. Apolline et lui sont en vacances et doivent choisir une destination de séjour. Mr Munroe tente de communiquer avec son amie, sans succès. Elle est bien trop occupée à chercher l'endroit idéal, chaud et sec. Mais Mr Munroe s'est enfui en Norvège, Apolline part à sa recherche...

Le voyage est une suite de personnages, de moyens de transports (par mer, sous-marine, par air ou plus hallucinants) et de métiers. Apolline est friande de petits bonheurs, "collectionneuse itinérante", comme une sorte de petite Amélie Poulain: écouter aux tuyauteries, chausser des chaussures orphelines (en conservant la moitié de la paire ailleurs) mais aussi prendre des photos des créatures et des hommes.


© Chris RIDDELL / Milan Jeunesse

L'histoire fait la part belle aux rencontres, humaines et animales, burlesques et presque folkloriques. Les illustrations en noir et blanc, et vert, apportent une visibilité incroyable et l'histoire se lit autant par le texte que par les "schémas" d'Apolline ou les logements et moyens de transports en coupe.
La convivialité est au centre du récit. Apolline et Mr Munroe aident aussi à sortir des à priori fantastiques, sur les sirènes comme sur le Très Grand Troll.

C'est grâce à Clarabel que j'entre dans cette série jeunesse avec enchantement: allez donc lire ces billets très enthousiasmants.